

Une affaire sulfureuse en Une. Avec tous les ingrédients pouvant alimenter la théorie des complots : des dollars, des politiques de premier plan et des soirées orgiaques.
Dans la foulée de l'affaire Epstein, une fièvre complotiste s'est emparée des Etats-Unis ce week-end. A tel point, prévient le Washington Post, qu'on ne sait plus qui, de la réalité ou de la fiction, nourrit l'autre. Autour de cette question : "Qui donc avait intérêt à voir mourir Jeffrey Epstein ?"
En moins d'une journée raconte le quotidien américain un tweet est devenu viral, le #ClintonBodyCount... insinuant que l'ancien président, Bill Clinton, était impliqué dans le suicide supposé du financier américain, en prison pour trafic de mineures. Un tweet que s'est empressé de relayer Donald Trump lui-même. Occupé à faire diversion en incriminant d'autres politiques, lui qui se pavanait dans une vidéo peu flatteuse avec Epstein.
"Les manipulateurs l'ont compris depuis longtemps, explique dans le Washington Post un professeur de l'université de Syracuse, vous devez juste trouver quelque chose qui va éveiller l'égo de Trump ou rendre ses adversaires assez mauvais, et il va re-tweeter. Et tout à coup, c'est l'information dont tout le monde parle puisqu'il est président. C'est un niveau de manipulation des médias presque incompréhensible, c'est un piège dangereux et apparemment inévitable".
Un tweet du président change tout. Hier la théorie du complot a été discutée lors des émissions politiques du matin.
" Et cela montre à quel point notre système d'information est empoisonné" titre une tribune dans le New York Times. On a franchi une nouvelle étape ce week-end dans cette crise de l'"après vérité", où on vous dit "choisissez votre propre réalité". Ce système ouvre la voie à une réalité parallèle, non enracinée, et qui contribue à propulser la pensée conspiratrice dans le courant culturel dominant.
A chaque cycle de nouvelles, le poison se propage.
Dans cet écosystème, poursuit l'auteur, les médias sont souvent dépassés et agissent comme un amplificateur pour les revendications sans fondement, même lorsqu'ils essaient de leur mieux de les détruire. Chaque extrême devient certain que son ennemi a manipulé la perception du public. Chaque partie est la victime. Mais chacune gagne également.
Le poison se propage.
Quand la réalité est manipulée aussi en Chine
A la une du Peole's Daily, l'organe de presse officiel du parti communiste chinois : " la population de Hong Kong exprime son soutien à la police et appelle à la fin des violences."
Alors que Hong Kong entame son troisième mois de manifestations de masse contre le gouvernement, de l'autre côté de la frontière chinoise, les gens perçoivent donc une version très différente des événements.
Au cours des dernières semaines, analyse The Guardian à Londres, les médias d'Etat chinois sont passés d'un quasi silence sur les manifestations et la censure généralisée des images des manifestations à une promotion active des nouvelles, des éditoriaux, des vidéos et des discussions en ligne.
Et les médias sociaux amplifient les divisions de la ville écrit le South China Morning Post. "Nous avions l'habitude de dire qu'une photo est une représentation de la réalité mais maintenant même une vidéo ne peut pas dire la vérité", souligne un étudiant en droit dans le journal de langue anglaise de Hong Kong.
La Chine crée une réalité alternative des manifestations à Hong Kong en temps réel écrit aussi le site d'information américain Quartz démontrant dans une vidéo comme les médias chinois transforment l'information : où les manifestations dont la plupart ont été pacifiques deviennent des émeutes, où les manifestants sont décrits comme des agents manipulés par l'étranger.
Des cartes de conspirations ont été élaborées explique de son côté CNN, elles circulent parmi les opposants aux manifestations, montrant prétendument comment les agences de gouvernement américaines financent les manifestants. Pendant ce temps, des photos d'hommes de race blanche dans les manifestations sont partagées... des soi-disant agents de la CIA.
On ignore où ces rumeurs commencent, mais "une campagne de fausses nouvelles organisée est certainement une possibilité" assure sur le site de la chaîne américaine la responsable de First Draft, association qui combat la désinformation. Pour elle, il faut se préparer à une éventuelle escalade des rumeurs en ligne qui verraient les messages non seulement rapporter des nouvelles, mais également des appels à l'action et des représailles.
Des rumeurs en ligne qui ailleurs dans le monde ont eu des effets mortels
En Inde en 2018. une série de meurtres perpétrés par la foule, déclenchés par des rumeurs d'enlèvements. Au Myanmar, des messages clandestins sur Facebook et de fausses photos ont visé la minorité musulmane Rohingya, qui a été persécutée.
La désinformation et la violence qu'elle engendre est un problème mondial souligne encore CNN... Un changement important doit venir de la base, à commencer par l'éducation du public. "Nous avons tous tendance à croire ce que nous voulons croire et à rejeter ce que nous ne voulons pas croire, sans aucune preuve sur ce qui est vrai ou non. dit encore un professeur de l'université de Hong Kong, Masato Kajimoto. "Si quelque chose ne semble pas vérifié on devrait simplement l'ignorer, ne pas l'amplifier. Si l'information persiste, des journalistes ou autres groupes de citoyens concernés commenceront l'enquête. Tôt ou tard, ils découvriront la vérité. La plupart des gens peuvent attendre jusque-là".
Et nous ne détenons même pas la vérité sur nos propres souvenirs...
C'est Slate.fr qui nous le rappelle avec le site américain Quora. Nous emmagasinons les principaux aspects, ceux qui se démarquent et nous semblent importants. Un souvenir n'est pas une photo ou un film de nos vies, plutôt un tableau. En l'absence de l'original, nous sommes obligés de le peindre à nouveau... on doit combler les trous, on oublie des détails, on devine, on extrapole, on ajoute, on supprime des éléments. Nos souvenirs sont imparfaits, et même dit l'auteur : la plupart des choses dont nous nous souvenons sont... fausses. Les fake-news de la mémoire en quelque sorte...
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