C'est une première depuis la naissance de la République d'Irlande il y a près d'un siècle : le Fine Gael et le Fianna Fáil, les deux partis historiques qui ont présidé aux destinées du pays, sont devancés lors des législatives par le Sinn Féin, l'ancienne aile politique de l'IRA.
C'est le vent du changement... L'Irlande à son tour balaie en effet les partis traditionnels. Même s'il faudra encore attendre pour avoir les résultats définitifs des élections législatives qui se sont tenues ce week-end, l'Irish Times parle ce matin d'un véritable tremblement de terre qui remodèle complètement le paysage politique irlandais. Jugez-en, explique le Guardian, à Londres, paria il y a à peine quelques années, le Sinn Féin, devenu le principal parti de gauche du pays, l'aile politique de l'IRA, l'armée républicaine irlandaise, supplante au premier tour de scrutin les deux formations traditionnelles de centre droit, Fine Gael et Fianna Fáil qui ont présidé aux destinées du pays ensemble ou en coalition depuis la naissance de la République d'Irlande il y a un siècle.
Un tsunami électoral
Les jeunes électeurs ont brisé le tabou du soutien à un parti naguère associé au terrorisme, écrit Fintan O'Toole dans les colonnes de l'Irish Times. Ils ont bravé l'interdit et ont ainsi redessiné la carte de la politique irlandaise. David Davin Power lui fait écho dans les colonnes de l' Irish Examiner. C'est un véritable tsunami dans l'ensemble du pays, écrit-il, partout des inconnus arrivent en tête de plusieurs milliers de voix. Ils ont plébiscité le changement, sans aucun doute, poursuit David Davin Power. Et les jeunes n'ont cure du passé du Sinn Féin, ils regardent ce qu'il est aujourd'hui et peut offrir pour l'avenir. Ils ont choisi une alternative rationnelle aux partis traditionnels.
Leo Varadkar, le taiosech, le Premier ministre, n'avait pas vu venir la raclée. Auréolé, pensait-il, de son succès dans les négociations du Brexit, c'est lui qui a provoqué ces législatives anticipées, mais il n'a pas vu venir le débat sur une gestion catastrophique du logement, la santé... Signe de la défiance, rapporte l' Independent, il n'a récupéré son siège qu'au cinquième tour de scrutin -le système électoral irlandais un peu complexe voit les électeurs classer les candidats par ordre de préférence- quand la patronne du Sinn Féin, elle, l'emportait dès le premier décompte.
L'Irish Times constate que désormais le parti est aux toutes premières loges pour participer au gouvernement. Mais la mise sur pied d'un gouvernement risque d'être compliquée. Le Premier ministre exclut toujours de gouverner avec le Sinn Fein, pour des raisons à la fois politiques, ses liens avec l'IRA, et économiques, il juge son programme trop coûteux. Le Fianna Fail semble plus ouvert et, poussé par sa base, pourrait tendre la main au Sinn Féin. Ce qui d'ailleurs, selon l'édition irlandaise de l'Independent, divise son parti. Mary-Lou Mc Donald, la populaire patronne du Sinn Féin cherche, elle, déjà des alliés et, forte du quart des suffrages remportés, exige une place au gouvernement.
"C'est une élection pour le changement, a-t-elle déclaré. Et ce qui est incroyable, c'est que les chefs des deux partis traditionnels sont toujours dans un état de déni. Je n'accepterai en aucun cas l'exclusion ou des discussions visant à exclure mon parti, un parti qui a rassemblé un quart de l'électorat. Ce serait profondément anti-démocratique."
Vers la réunification de l'île ?
Elle a parlé aux Verts, Mary-Lou Mc Donald, à des petits partis de gauche, mais une coalition sans l'un des deux grands partis semble au Guardian un scénario très improbable. Improbable en effet car le Sinn Féin lui-même n'avait pas anticipé une telle victoire. Durement sanctionné lors des européennes, il n'avait présenté que 42 candidats au total, plus de deux fois moins que ses rivaux. Le parti n'aura donc pas assez de députés pour gouverner, l'assemblée comptant 160 sièges. L'un des analystes de l'Irish Times estime toutefois que le Sinn Féin doit réfléchir avant de décider ce qu'il fera de ce pouvoir inédit conféré par les urnes. L'électorat est volatil, met-en garde Pat Leahy, et pourrait lui faire payer une alliance avec le centre-droit, comme ce fut le cas pour le Labour, désormais quasi inexistant. Plusieurs options seront examinées une fois les sièges attribués. D'ores et déjà certains n'excluent pas de nouvelles élections en cas de blocage. Mais à plus long terme un nouveau débat aussi se fait jour dans les colonnes de la presse britannique : l'Irlande va-t-elle se réunifier ? Gerry Adams l'ancien chef du Sinn Fein n'a pas perdu de temps pour dire que son parti utiliserait son mandat pour préparer l'unification de l'île. Ce n'est plus tabou. Un sondage sortie des urnes montre un soutien majoritaire à un référendum sur la question dans les 5 ans, rapporte le Guardian
Un oscar historique
Traversons l'Atlantique pour évoquer un autre événement qui fait l'histoire. Toutes proportions gardées bien sûr, mais ce sont les termes qu'emploie la presse américaine ce matin après la victoire aux Oscars de Parasite, le film sud coréen. Quatre statuettes au total, dont l'Oscar du meilleur film. Cela n'était jamais arrivé, s'exclame le New York Times, qu'un film étranger rafle cette récompense. Le signe selon le quotidien new yorkais d'une véritable révolution au sein de l'Académie, désormais ouverte aux minorités et qui montre qu'elle a réussi à dépasser les critiques sur "des oscars trop blancs". Mais, poursuit le New York Times, Hollywood a encore des progrès à faire, Parasite, contrairement à d'autres nominés, n'a pas bénéficié de sorties particulières en salles. Il n'a pas été aussi bien exposé. Un dernier mot du palmarès comme le note le Washington Post, l'Oscar du meilleur documentaire est allé à American factory, sur le rachat d'une usine de l'Ohio par un entrepreneur chinois, un film dont les droits de distribution ont été acquis par Barack et Michelle Obama...
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