Le charisme est-il dangereux ?

Charles Foster Kane (Orson Welles) en plein discours de campagne, dans le film "Citizen Kane" d'Orson Welles (1941)
Charles Foster Kane (Orson Welles) en plein discours de campagne, dans le film "Citizen Kane" d'Orson Welles (1941) - Alexander Kahle
Charles Foster Kane (Orson Welles) en plein discours de campagne, dans le film "Citizen Kane" d'Orson Welles (1941) - Alexander Kahle
Charles Foster Kane (Orson Welles) en plein discours de campagne, dans le film "Citizen Kane" d'Orson Welles (1941) - Alexander Kahle
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On sait souvent reconnaitre le charisme comme une évidence, parfois nommer en détail ce qui le constitue chez quelqu'un, mais il est difficile de travailler volontairement à le développer pour soi-même… S'agit-il donc d'un don ? Et quel genre d'autorité confère-t-il à la personne qui en est doté ?

Avec
  • Isabelle Kalinowski Germaniste, directeur de recherche au CNRS
  • Jean-Claude Monod Philosophe, chargé de recherches au CNRS et enseignant à l’École normale supérieure

La notion de charisme, surtout lorsqu'on l'applique à la politique, évoque toujours un certain prestige auquel se mêle un soupçon de danger... À partir de la fin du XVIIIe siècle et l'avènement progressif de la démocratie représentative, le "leader" charismatique est devenu une sorte d'idéal exemplaire de l'exercice politique, capable par toute son expression de susciter l'empathie de son auditoire pour les causes qu'il défend, et d'entrainer l'adhésion des foules au support de ses valeurs et de ses combats. Toutefois, les totalitarismes du XXe siècle nous ont aussi enseigné les dévoiements du charisme et de ses séductions, montrant comme cette qualité pouvait basculer dans l'embrigadement et devenir mortifère.

La question du charisme est donc celle des formes d'attente qui s'y attachent : comment délimite-t-on institutionnellement le rôle du charisme personnel dans un contexte politique donné ? Comment s'exercent les formes de distributions de l'autorité et de l'autorité en fonction du charisme des individus, où ceux qui en sont doués se voient tributaires des intérêts de la communauté ? Dès lors, le charisme peut-il même être transmis à un individu par des rituels, par un contexte institutionnel ou par un protocole établi (renversant ainsi l'idée première du charisme comme don inné) ? Le charisme apparait dès lors comme un outil susceptible de donner lieu à plusieurs usages et à plusieurs analyses… C'est que la notion a été très discutée dans la littérature, dans la sociologie ou dans les sciences politiques, comme nous le verrons avec nos invités du jour.

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Pierre Clastres et un mythe des indiens Chulupi ont été insérés par Romain de Becdelièvre dans la Pièce jointe de l'émission du jour...

La Pièce jointe
2 min

Les invité.e.s :

  • Jean-Claude Monod est directeur de recherches au CNRS, rattaché au département de philosophie de l'Ecole Normale Supérieure, spécialiste de philosophie allemande et de théorie politique. Il est notamment l'auteur de Qu'est-ce qu'un chef en démocratie ? Politiques du charisme (Seuil, 2012, rééd. Points, 2017), de L'art de ne pas être trop gouverné (Seuil, 2019) et de La raison et la colère, hommage philosophico-politique à Jacques Bouveresse (Seuil, 2022).
  • Isabelle Kalinowski est directrice de recherche au CNRS et traductrice, spécialiste de Max Weber, et de l'histoire de la sociologie des religions et des arts traditionnels au début du XXe siècle, en Allemagne et en France. Elle a notamment traduit L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme, écrit deux articles consacrés au charisme : "Weber et la nature du charisme" (paru dans Sensibilités, n°1, "Anatomie du charisme", 2016) et "Le visage du charisme - Une page de Proust" (Théologiques, vol.17, n°1, 2009).

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