Qu'est-ce qu'être camusien ?

Albert Camus supervisant une répétition de sa pièce "Les Possédés", en 1959 au Théâtre Antoine
Albert Camus supervisant une répétition de sa pièce "Les Possédés", en 1959 au Théâtre Antoine ©Getty - Keystone-France
Albert Camus supervisant une répétition de sa pièce "Les Possédés", en 1959 au Théâtre Antoine ©Getty - Keystone-France
Albert Camus supervisant une répétition de sa pièce "Les Possédés", en 1959 au Théâtre Antoine ©Getty - Keystone-France
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Par son style et par la netteté de ses positions morales, Albert Camus peut laisser aux lecteurs le sentiment d'une évidence revigorante, solaire, dans sa pensée. Or il est parfois dit que cette qualité atteste autant de l'inconsistance philosophique que du talent littéraire. Qu'en est-il vraiment ?

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Il y a, chez Albert Camus, quelques faits de gloire toujours retentissants qui l'épinglent au tableau des grandes figures du XXe siècle dont la mémoire est sans cesse ranimée : un prix Nobel, un incipit gravé dans la mémoire collective, la résistance au sein du journal Combat à partir de 1943, une biographie en prise avec la complexité des rapports qui unissent la France et l'Algérie, un parcours scolaire exemplifiant l'idéal républicain d'alors, un décès brutal au faîte de sa notoriété…

À la liste de ces lieux de mémoire camusiens, il faut ajouter celui de Jean-Paul Sartre, frère qui deviendra adversaire, avec qui il constituera le binôme polarisant le paysage intellectuel et médiatique de la gauche d'après-guerre. Ainsi, c'est par Sartre que la valeur philosophique des travaux de Camus sera mise en doute avec le plus de véhémence, et c'est dans son sillage que celui-ci est qualifié pour la première fois de "philosophe pour classes terminales". De fait, lorsque parait L'homme révolté, dans lequel Camus exprime ses réserves à l'égard de l'idéologie communiste et de la gauche révolutionnaire, Sartre lui reproche de cultiver une position bourgeoise et de trahir la cause du peuple… S'en suivent brouilles et soutiens des deux côtés, ainsi que des reproches qui infusent La Chute comme, en face, Les Mandarins de Simone de Beauvoir. Les positions sont alors tranchées : Camus est l'homme de l'humanisme, enfant de famille populaire issu de l'école de la Troisième République, attaché à la mesure au risque d'être suspect de compromission, et Sartre est quant à lui le représentant du marxisme, le bourgeois passé par l'École Normale supérieure, engagé jusqu'au bout pour la cause ouvrière.

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Cette partition a sa justesse, et elle permet par exemple de comprendre une pensée qui ne se donne pas comme fin d'écarter les contradictions humaines mais tente au contraire de se dire depuis celles-ci, comme lorsqu'il affirme : "Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice".

Toutefois, pour comprendre la teneur de la philosophie camusienne, et découvrir si elle a oui ou non une valeur au-delà de la classe de terminale, il appartient de se défaire du joug sartrien. Quel est l'attachement à l'humain auquel s'est voué Camus ? Qu'est-ce que l'absurde pour lui ? Qu'est-ce que la révolte camusienne ? Quelle place réserva-t-il à la beauté dans son œuvre, et que signifie cette valeur ? Et l'amour ? Comment peut-on refuser toute légitimité de la violence sans verser dans un pacifisme béat ? Et puis : quels liens a-t-il entretenu avec l'Algérie durant sa vie ? Que représente le journalisme dans sa pratique intellectuelle, et militante ?

Romain de Becdelièvre nous parle aujourd'hui d'une relecture du Mythe de Sisyphe de Camus : un épisode de la série Fargo est aujourd'hui dans sa Pièce jointe.

La Pièce jointe
3 min

Les invité.e.s

  • Marylin Maeso est professeure de philosophie et critique littéraire. Elle est l'autrice de l'Abécédaire d'Albert Camus, paru en 2020 aux éditions de l'Observatoire, de La Petite Fabrique de l'inhumain (éditions de l'Observatoire, 2021), et elle a coordonné un numéro d'été spécial du magazine Lire : "Camus, itinéraire d'un enfant (pas si) gâté".
  • Alexis Brocas est journaliste, rédacteur en chef adjoint du magazine Lire. Dans le numéro consacré à Albert Camus, il a consacré un article à la pratique du journalisme par celui-ci. Il est aussi l'auteur de La vie de jardin (Gallimard, 2015) ainsi que de La Honte de la galaxie (Sarbacane, 2021).

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