Plus qu'une pionnière de l'autofiction, Violette Leduc est aussi l'une des première autrices à écrire sur la fluidité du genre, anticipant des formes dont Judith Butler donnera par la suite les jalons théoriques. Un temps oubliée, son œuvre apparait à présent dans toute sa dimension novatrice.
- Anaïs Frantz docteure en littérature et civilisation françaises, enseigne la littérature et les études de genre dans les Universités américaines de Paris et chercheure associée au sein du groupe « Violette Leduc » de l’ITEM
À partir de la publication de La Bâtarde, son sixième ouvrage paru en 1964, Violette Leduc est unanimement considérée comme l'une des autrices les plus importantes de son temps. L'audace dont elle fait preuve dans ses écrits, partiellement autobiographiques, connait parfois de francs succès d'édition tout en choquant une partie du public : Violette Leduc y déploie en détail des explorations du désir qui s'affranchissent souvent des conventions culturelles dominantes, à commencer par les assignations de genre. Dans ses ouvrages, elle dépeint des mouvements amoureux protéiformes, elle décloisonne les normes et contourne les attentes auxquelles obéissent d'ordinaire les rapports sentimentaux ou sexuels : ainsi évoque-t-elle ses amours (partagés ou non) pour des femmes et des hommes aussi bien homosexuel.le.s qu'hétérosexuel.le.s, dans indifférenciation si grande qu'elle rend caduques ces catégorisations. Bien avant que Judith Butler ne pose les fondements et les implications théoriques d'une telle démarche, Violette Leduc développe une pensée des relations avec les autres qui ne se fonde pas d'abord sur une identité stable du sujet et des préférences sexuelles.
Malgré son avant-gardisme, Violette Leduc fut un temps oubliée et termine à peine d'être redécouverte. Sans doute sa postérité a-t-elle souffert de l'influence déterminante que Simone de Beauvoir avait exercé sur elle. En effet, c'est grâce au soutien appuyé de celle-ci qu'elle a persisté dans son travail littéraire, notamment après que Ravages ait été largement censuré par Gallimard en 1955. Violette Leduc a ainsi exprimé à plusieurs reprises sa reconnaissance envers elle, affirmant également que c'est aux conseils de l'autrice du Deuxième Sexe qu'elle devait son style et la qualité de ses textes. En soulignant sans cesse l'influence de celle-ci sur son travail, Violette Leduc s'est en somme rangée au rang de ses émules, et lorsqu'elle disparaissait en faisant de Beauvoir son exécutrice testamentaire, elle n'a bientôt plus été perçue que comme l'une des figures qui gravitaient autour d'elle.
Pourtant, elle a elle-même exercé une influence sur Simone de Beauvoir, et celle-ci a résolument tenté de combattre la sorte de complexe d'infériorité de Violette Leduc entretenait à son égard (tout en acceptant de jouer le rôle de regard autoritaire sur tous ses écrits, entretenant ainsi une autre forme de censure de son œuvre). Violette Leduc est donc une autrice à redécouvrir, libérée des emprises qui ont pesé sur son œuvre du temps de son vivant ; c'est ce qu'Anaïs Frantz se propose d'entreprendre à partir, notamment, d'un travail de retour à ses manuscrits originaux.
Dans sa Pièce Jointe, Romain de Becdelièvre évoque une étonnante apparition cinématographique de Violette Leduc...
L'invitée :
- Anaïs Frantz est docteure en littérature et civilisation françaises, autrice d'une thèse sur Marguerite Duras et Violette Leduc parue chez Honoré Champion en 2013. Elle a notamment co-dirigé l'ouvrage Lire Violette Leduc aujourd'hui (Presses universitaires de Lyon, 2017) et dirigé Violette Leduc, genèse d'une œuvre censurée (Presses de la Sorbonne nouvelle, 2019) en s'appuyant sur les manuscrits de l'autrice.
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