Ne pense-t-on qu’avec sa langue ?

Sommes-nous bien certains que toute pensée, qu’elle soit scientifique ou d’une autre nature, puisse s’émanciper totalement du langage ?
Sommes-nous bien certains que toute pensée, qu’elle soit scientifique ou d’une autre nature, puisse s’émanciper totalement du langage ? ©Getty - Carmen Martínez Torrón
Sommes-nous bien certains que toute pensée, qu’elle soit scientifique ou d’une autre nature, puisse s’émanciper totalement du langage ? ©Getty - Carmen Martínez Torrón
Sommes-nous bien certains que toute pensée, qu’elle soit scientifique ou d’une autre nature, puisse s’émanciper totalement du langage ? ©Getty - Carmen Martínez Torrón
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Sommes-nous bien certains que toute pensée, qu’elle soit scientifique ou d’une autre nature, puisse s’émanciper totalement du langage, plus précisément d’une "mise en langue" plus ou moins élaborée ?

Avec
  • Maïa Hruskova Juriste dans l'édition et agent littéraire

On le sait : Einstein a parlé tardivement, au point que ses parents s’en étaient inquiétés. À l'âge de neuf ans, il s’exprimait encore difficilement. Il préparait sa phrase longuement, en remuant silencieusement les lèvres, retardait autant que possible l’instant de lui faire franchir le seuil de l’expression, puis, tout à coup, l’énonçait à voix haute. 

Il eut l’occasion bien plus tard de s’expliquer sur son rapport au verbe avec le mathématicien français Jacques Hadamard, auquel il écrivit ceci : "Les mots et le langage écrit ou parlé ne semblent pas jouer le moindre rôle dans le mécanisme de ma pensée. Les entités psychiques qui servent d’éléments à la pensée sont certains signes ou des images plus ou moins 'claires' qui peuvent 'à volonté' être reproduits ou combinés. Les éléments que je viens de mentionner sont, dans mon cas, de type visuel et parfois moteur. Il arrive même que ma pensée soit de type musculaire". 

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Mais sommes-nous bien certains que toute pensée, qu’elle soit scientifique ou d’une autre nature, puisse s’émanciper totalement du langage, plus précisément d’une "mise en langue" plus ou moins élaborée ? Cette question étant sans doute trop vaste, réduisons-là à cette autre :  de Kafka à Nabokov en passant par Kundera et beaucoup d’autres, quels rapports les grands écrivains entretiennent-ils avec leur langue maternelle ou leur langue d’adoption ? Pensent-ils toujours en elle et seulement par elle ? Et quel rapport entretiennent-ils avec la traduction de leurs œuvres ? Et, le cas échéant, avec l’auto-traduction ?

Avec Maïa Hruskova, juriste dans l’édition, polyglotte, agent littéraire à Londres.