L’eugénisme, mot inventé en 1883 par le britannique Francis Galton, cousin de Charles Darwin, signifie littéralement « bien naître ». Le succès qu’a rencontré cette notion au début du 20e siècle a été stoppé par la seconde guerre mondiale. Associé au racisme avec le nazisme, l’eugénisme a conduit à certains des pires moments de notre histoire. Au point, peut-être, de nous faire oublier ses fondations scientifiques et médicales. Et ce sont, justement, les progrès de la médecine qui font aujourd’hui ressurgir la perspective d’un nouvel eugénisme, même s’il ne peut plus vraiment dire son nom. En effet, les récents progrès du diagnostic prénatal promettent déjà de faire totalement disparaître des handicaps comme la trisomie 21. La première réaction est de se réjouir. Qui pourrait contester qu’éviter à des êtres humains de porter toute leur vie ce qui est considéré comme un handicap important ne constitue pas un progrès ? En fait, les choses sont nettement plus complexes.
Comme souvent, le raisonnement sur un ou deux exemples ne règle pas la question dans son ensemble. Pire, il ne permet pas de fixer la limite de cette évolution vertueuse en apparence. Au-delà de la trisomie 21 et de défauts génétiques graves, quels seront les caractéristiques détectables avant la naissance qui pourront étayer une décision d’interruption de grossesse ? Quel sera, également, le discours de la génétique sur ces caractéristiques ? Nous donnera-t-elle, par exemple, des pourcentages de risque de développement de telle ou telle maladie à tel ou tel âge ? Comment, alors, prendre une décision ? Le désir naturel et spontané des parents est d’avoir des enfants parfaits. Mais que signifie parfait ? Et que sommes-nous prêts à faire pour atteindre cette perfection ?
Le développement de méthodes de diagnostic prénatal de plus en plus précises et de moins en moins dangereuses pour la mère et pour l’embryon conduit ainsi, paradoxalement, à de nombreuses questions épineuses.
Le séquençage complet de l’ADN du futur bébé deviendra-t-il progressivement la norme ?
Commet évolueront les critères de sélection conduisant à des interruptions de grossesses motivées par des défauts génétiques ?
Allons-nous définir des défauts acceptables et d’autres inacceptables ? Pour quelles raisons ?
In fine, ne serons-nous pas conduits, à l’inverse, à définir ce que doit-être un enfant parfait ?
Quelle seront les conséquences de cette sélection à la naissance sur l’avenir de l’espèce humaine ? La réduction de sa diversité la fragilisera-t-elle ou bien ne constituera-t-elle qu’une accélération contrôlée de son évolution darwinienne naturelle ?
L’eugénisme qualifié par certains de démocratique le sera-t-il vraiment ou bien sera-t-il réservé aux couples les plus riches ?
**Invités: ** Laurent Alexandre , chirurgien urologue, président de DNAVision,
Jean-Marie Le Méné , président de la Fondation Jérôme Lejeune,
Jean-Yves Nau , médecin et journaliste sur Slate.fr ,
Didier Sicard , médecin français et ancien président du Comité consultatif national d'éthique de 1999 à 2008.
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