Duch, le gardien des portes de l’enfer : un podcast à écouter en ligne | France Culture

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Sam Vishna, jeune Cambodgien, devant un mur de cranes qui composent une carte du Cambodge, au musée Tuol Sleng (ex-prison S-21) à Phnom Penh (Cambodge, 09.12.1998)
Duch, penseur et ordonnateur de la prison S21 est responsable de la mort de près de 15 000 personnes d’avril 1975 à janvier 1979. Seule une poignée survenue. En 2023, ils ne sont plus que deux.
16 min
Kaing Guek Eav, alias Duch, responsable de la prison S-21 (photo de 1976)
Victime des régimes précédents, ceux du roi Sihanouk, du général Lon Nol, Duch prend le maquis et devient l’une des pièces maîtresses de la machine de mort khmère rouge. Un régime paranoïaque où il devra tuer pour ne pas être tué.
12 min
Nic Dunlop, le photojournaliste irlandais grâce à qui Duch a été arrêté. Ici dans son bureau à Bangkok (29.06.2010)
07 janvier 1979, le régime de Pol Pot s’effondre. Ses derniers partisans se replient dans les zones frontalières avec la Thaïlande. Duch se fond dans la masse, travaille pour une ONG et se converti à la religion de l’amour. C’était sans compter sur la détermination d’un photojournaliste, Nic Dunlop.
13 min
Duch attend le jugement de première instance par les chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens à Phnom Penh (Cambodge, 26.07.2010)
Arrêté en 1999 grâce à l’enquête de Nic Dunlop, photojournaliste irlandais, Duch est mis en détention. Illégalement. Pendant 10 ans. En 2009, il est le premier ancien responsable khmer rouge à être jugé par un tribunal spécial mixte.
15 min

À propos de la série

Pendant les trois ans, huit mois et 20 jours qu’a duré le régime des Khmers rouges au Cambodge, du 17 avril 1975 au 6 janvier 1979, Kaing Guek Eav, alias Duch, responsable de la prison S-21, s’est rendu coupable de la mort de près de 15 000 personnes.

Attention, certains propos et images peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes ainsi que des personnes non averties.

Zélé serviteur du régime khmer rouge, Duch a le visage de la banalité du mal. Il est le penseur, le concepteur, l’ordonnateur et directeur de la prison S-21, le plus important des 196 centres d’internement que compte le Kampuchéa démocratique, du 17 avril 1975 au 6 janvier 1979, période au cours de laquelle le nouvel homme fort du pays, Pol Pot, provoque la mort de près d’un quart des habitants du Royaume du Cambodge d’alors. Fini l’âge d’or du Sangkum du Roi Sihanouk, exit l’ère du général Lon Nol inféodé à l’Amérique ! L’heure est à la guerre civile, une lutte fratricide à mort entre le peuple ancien, celui des campagnes, pur et attaché aux dieux et aux traditions, et le peuple nouveau, celui des villes, corrompu et dépravé.

À 33 ans, Duch, cet homme frêle d’origine chinoise, va faire ce qu’il fait sans doute le mieux : suivre la nouvelle doctrine marxiste, à la lettre, quoi qu’il en coûte. Alors, il va broyer, écraser et tuer dans un monde où l’humain devient du purin. Pour cet ancien professeur de mathématique soucieux de transmettre le savoir et la connaissance, la mort sera désormais son métier. Tuer pour ne pas être tué ?

Le maître des forges de l’enfer. C’est ainsi que le réalisateur cambodgien Rithy Panh baptisait Kaing Guek Eav alias Duch. Rithy Panh réalisera un film documentaire au titre éponyme en 2011.

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Duch va transformer l’ancien lycée Tuol Sleng de Phnom Penh en une véritable machine à broyer, à écraser et à tuer. Si les archives disponibles parlent de 12.380 victimes, combien d’autres, dont il ne reste aucune trace, ont-ils disparu à jamais à S-21 ? C’est ici qu’ont fini celles et ceux qui ont été purgés par un régime devenu paranoïaque accusant sa population d’être des agents du KGB, de la CIA ou des deux en même temps. Duch et ses gardiens y arrachent confessions imaginaires et faux témoignages à force de coups et de tortures tandis qu’on fracasse les enfants contre le tronc des manguiers qui poussent dans le quartier. À S-21, la mort est inéluctable.

Dans "Reporters", Le Cambodge juge ses bourreaux, témoignage d'Engly Chhay, une victime des Khmers rouges (2009)

1 min

Après trois ans huit mois et 20 jours d’un régime qui a plongé le Cambodge dans la folie meurtrière, le régime des Khmers rouges s’effondre. Un quart de la population manque à l’appel. Près de 1,8 million de Cambodgiens ont fini dans des trous, des rizières, des fosses communes ou tout simplement en engrais pour les plantes. Les principaux dirigeants du Kampuchéa démocratique s’enfuient. Duch suit le mouvement et laisse derrière lui des milliers d’âmes errantes.

Commence alors le temps d’une illusoire rédemption. Duch s’enfuit et se fond dans la masse allant même jusqu’à travailler dans une ONG, à la frontière thaïlandaise, prenant en charge les victimes des Khmers rouges. Il va même se convertir à la religion de celui qui rachète les fautes, même les plus lourdes et les plus inavouables.
Sa cavale va durer 10 ans. En 1999, reconnu par le photojournaliste irlandais Nic Dunlop, l’ancien petit professeur de mathématiques est arrêté. Son procès pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, torture et meurtres avec préméditation s’ouvre 10 ans plus tard. S’il reconnait ses crimes, Duch va choisir une ligne de défense classique : c’était eux ou moi. Condamné à perpétuité 30 ans après les faits qui lui sont reprochés, il meurt le 2 septembre 2020.

"Duch" (05.12.2008) sera jugé pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, torture et meurtres avec préméditation, à Phnom Penh, par un tribunal à la fois cambodgien et international parrainé par les Nations unies (17.02.2009)
"Duch" (05.12.2008) sera jugé pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, torture et meurtres avec préméditation, à Phnom Penh, par un tribunal à la fois cambodgien et international parrainé par les Nations unies (17.02.2009)
© AFP - Mak Remissa / POOL / AFP

Pour en parler

  • Henri Locard, historien spécialiste des lieux de torture au Cambodge
  • Phung Sunthary, partie civile au procès de Duch
  • Bou Meng, un des deux derniers survivants encore vivants de la prison S21
  • Marcel Lemonde, juge français lors du procès de Duch
  • Nic Dunlop, photojournaliste qui a identifié Duch et qui a permis son arrestation
  • François Roux, avocat français de Duch
  • Françoise Sironi, psychiatre qui a dressé le profil psychologique de Duch avant le procès
  • Anne-Laure Porée, chercheuse à l’EHESS (école des hautes études en sciences sociales), spécialiste des phénomènes de violences extrêmes
  • Antonya Tioulong, partie civile au procès
  • Richard Rechtman, ethnopsychiatre et anthropologue

Remerciements

Somany Na, Lida Chan, Rithy Panh, Bernard Mangiante, Thierry Cruvelier, Kompheak Phoeung, Chum Mey.
Merima Husseinbasic pour son travail de recherche d'archives et de témoignages

Archives Ina

  • Journal de 20h00 (Antenne 2, 07.01.1979)
  • Et pourtant elle tourne (France Inter, 17.022009)

Autres extraits diffusés

  • Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), film de Rithy Panh
Sisophan (Cambodge, 17.09.1995) : enfant devant un mémorial regroupant les ossements de 2.000 victimes du régime Khmer rouge
Sisophan (Cambodge, 17.09.1995) : enfant devant un mémorial regroupant les ossements de 2.000 victimes du régime Khmer rouge
© AFP

Bibliographie sélective

Ouvrages

Bandes-dessinées

Extrait d'une interview de Rithy Panh, réalisateur de "S21, la machine de mort khmère rouge" dans "Résonnance" (2003)

2 min

Filmographie sélective

Les films de Rithy Panh

Projection privée
1h 01

Musique

  • Ballet des Apsaras par le ballet royal du Cambodge
  • They will kill you par Khmers Rouges survivors
  • Blue wind story par Henry Texier

Générique

Un documentaire d'Alain Lewkowicz, réalisé par Rafik Zénine. Coordination, Christine Bernard. Archives Ina, Delphine André. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. Attachée de production et page web, Sylvia Favre-Steyaert.

Cellules (2 mètres X 1 mètre) dans la prison S 21 (Phnom Penh, Cambodge, 01.0./2009)
Cellules (2 mètres X 1 mètre) dans la prison S 21 (Phnom Penh, Cambodge, 01.0./2009)
© Maxppp - PHOTOPQR/LE TELEGRAMME/Cathy Tymen

Pour aller plus loin

Duch, le gardien des portes de l’enfer s'inscrit dans la collection  Criminels de guerre, une série de France Culture comprenant huit volets (quatre hommes et quatre femmes) à suivre en podcast et sur l'antenne de France Culture.

À écouter aussi : Rithy Panh

Provenant de l'émission

Une histoire particulière, un récit documentaire en deux parties, le samedi et le dimanche de 13h30 à 14h sur France Culture

Raconter des histoires du réel, et par le singulier toucher l’universel.