Michel Leiris, entre présence et absence

Chez Michel Leiris, écrivain, ethnologue, sociologue, poète, chaque récit autobiographique, chaque essai est une tentative de se connaître et de se faire connaître, entretenant le chimérique espoir que c’est peut-être par autrui que passera la connaissance de soi. Il procède par le langage, un langage rigoureux, parfois froid et implacable s’acharnant à écrire à partir de et au sujet d’un moi qui ne cesse de le fuir.

Comme on l’entendra dans ces archives, Michel Leiris est un écrivain du Moi dont ses plus proches amis peinent à décrire la personnalité : silencieux, taiseux même, tendu, inhibé, ce n’est pas une de ces figures flamboyantes des cercles intellectuels parisiens. Ami de Max Jacob ou encore de Georges Bataille, il évolue dans un milieu artistique bouillonnant d’activité et d’innovation, même s’il en est l’une des figures les plus discrètes : peu enclin aux éclats rhétoriques et aux grandes réunions, Leiris préférait recevoir dans l’intimité de son appartement pour des instants privilégiés.

C’est un homme paradoxal, à la fois très présent et très absent : si le « je », marqueur d’identité, scande la grande majorité de ses récits, marquant comme une forme d’omniprésence, il en est également absent : son écriture autobiographique est une heuristique sans fin, qui ne produit jamais de résultats concrets. Cette Nuit tente donc de retracer l’itinéraire de ce personnage singulier, dont l’écriture de soi, qui pourrait être vue comme un déversoir, est plutôt un puits sans fin, une exploration qui n’arrive à aucune vérité stable, comme si l’authenticité ne se situait que dans la démarche même.

• Par Mathias Le Gargasson
• Réalisation Emilie Vallat
• Michel Leiris, entre présence et absence (1ère diffusion : 05/02/2023)
• Indexation web : Documentation de Radio France
• Archive Ina-Radio France