La série “En thérapie” : introspection ou nouvelle culture du “care” ?

En thérapie
En thérapie ©Getty - Jean-Luc De Zorzi
En thérapie ©Getty - Jean-Luc De Zorzi
En thérapie ©Getty - Jean-Luc De Zorzi
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"En Thérapie" est devenue la série phénomène française. Serait-on en train d’assister à l’assomption d’une nouvelle culture de la réparation collective, presque une nouvelle culture du "care" ?

Avec
  • Marie-Estelle Dupont Psychologue, psychothérapeute.
  • Vincent Poymiro scénariste
  • Alexandre Gefen directeur de recherche CNRS

Avec plus de 23 millions de vues sur le site d’Arte et une audience de 2,188 millions de téléspectateurs pour les 5 premiers épisodes diffusés à l'antenne, En Thérapie est devenue la série phénomène française. Le succès est d’autant plus surprenant que En Thérapie est la première série à aborder par la fiction le sujet des attentats, contre toutes les règles non écrites qui régissent en général le milieu des séries françaises, où l’on s’interdit en général de parler des sujets clivants. En Thérapie reprend aussi un concept vieux de plus de 15 ans, puisqu’elle s’inspire d’une série israélienne, Betipul réalisée en 2005 et déclinée dans le monde entier durant les années 2000. Elle réhabilite au passage une discipline, la psychanalyse, reine médiatique des années 70-80 et aujourd’hui à peu près déconsidérée, tant en raison de certaines pratiques que du fait de la concurrence des thérapeutes comportementalistes, et en plus fondamentalement, des progrès de la recherche en biologie et en pharmacologie. Et pourtant, ça marche : le public français est avec 15 ans de retard rivé sur les séances du docteur Dayan. Mais pourquoi ? Les attentats, la pandémie, la crise politique généralisée, l’incertitude auraient-elles fait basculer le pays dans une ère nouvelle d’introspection subjective, individuelle et guerrière ? Ou bien est-on en train d’assister au contraire, avec En Thérapie, à l’assomption d’une nouvelle culture de la réparation collective, presque une nouvelle culture du "care" ?

Mettre en scène un trauma collectif

Vincent Poymiro revient sur le travail d'écriture de cette fable. 

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Et on va voir quels échos ces attentats produisent dans cet espace soit-disant confiné du cabinet d'analyse. Avec cette question : est-ce que quoi qu'il arrive, nous tous, on peut continuer comme ça à laisser le monde à la porte pour de plus ou moins bonnes raisons ? Vincent Poymiro

Il y a une responsabilité énorme à aborder ces sujets-là. Il ne s'agit pas d'affronter sociologiquement le sujet, mais au contraire de raconter depuis un endroit très spécifique -on s'intéresse à des personnages singuliers-. Et ce travail rencontre quelque chose de l'ordre des affects qui est commun avec le spectateur. Cet angle-là était un bon moyen de parler des attentats. Vincent Poymiro

L'inconscient personnel se greffe toujours sur l'inconscient collectif. [...] L'espace de la séance n'est jamais un espace confiné, c'est un espace protégé pour élaborer ce qui fait effraction. Marie-Estelle Dupont

C'est une série cathartique et de réconciliation. C'est un travail de la mémoire historique qui est produit et que le personnage du psychanalyste appelle lui-même un protocole d'action. On est dans l'action immédiate face à des questions post-traumatiques. Alexandre Gefen

Quelle réception pour cette série cathartique en période de confinement ?

Marie-Estelle Dupont, psychologue clinicienne, questionne le contexte désubjectivant de la pandémie. 

Effectivement, nous sommes à un moment historique ou par un étrange décalage, nous sommes empreints d'autres types de souffrance collective avec l'épidémie ; cette superposition est particulièrement troublante. Alexandre Gefen

La fraternisation a lieu pour le spectateur avec les personnages. C'est cela la dramaturgie ; on creuse un personnage et on le met en crise dans sa spécificité. Vincent Poymiro

Si la limite du patient est menacée, il va le rejouer en menaçant la limite du cadre thérapeutique. Aurons-nous transmis autre chose que la peur ? Marie-Estelle Dupont

Pour aller plus loin

“En thérapie”, adaptation par Éric Toledano et Olivier Nakache de la série israélienne “BeTipul”.

Confinements : le cri d'alarme d'une psy sur les "dégâts collatéraux infinis", par Marie-Estelle Dupont, 25 février 2021.

Références musicales : 

Ceux qui rêvent de Pomme

La vierge au Dodge 51 de Thiéfaine

Signes des temps
43 min
La Fabrique de l'Histoire
47 min

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