Parole politique : un langage vidé de son sens ?

Peinture murale de George Orwell à Suffolk en Angleterre
Peinture murale de George Orwell à Suffolk en Angleterre ©Getty - Geography Photos
Peinture murale de George Orwell à Suffolk en Angleterre ©Getty - Geography Photos
Peinture murale de George Orwell à Suffolk en Angleterre ©Getty - Geography Photos
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"Si la pensée corrompt le langage, le langage peut aussi corrompre la pensée" a écrit George Orwell en 1947. Quel effet délétère ce langage publicitaire de l’émeute exerce-t-il aujourd’hui sur notre façon de penser ? Et quels problèmes éthiques pose le simple fait d’en rendre compte ?

Avec
  • Olivier Mannoni Traducteur, essayiste, directeur de l'École de Traduction Littéraire
  • Bérengère Viennot Traductrice

La langue de bois technocratique des gouvernements libéraux refaçonne notre vocabulaire, et remplace par exemple le mot rationnement par celui de sobriété. Face à cela, la vague mondiale que l’on appelle populiste qui s’est levée voici vingt ans ressuscite une forme de sincérité qui fait la part belle aux émotions, à la provocation, aux "petites phrases" qui en disent long. À l’extrême droite comme dans la gauche radicale, se révolter contre la technocratie mensongère devient ainsi le signe d’une nouvelle "authenticité", voire d’une identité collective assumée. Dans l’urgence du combat contre "le système", les règles du discours sont balayées comme des vieilleries inopérantes, la grammaire souvent jetée par-dessus bords et même le recours à la simple logique est vu comme une dépassé et ringard, sinon franchement suspect. La crise est si profonde, l’ennemi si puissant, que la violence au moins verbale paraît seule à la hauteur des enjeux, seule aussi à séduire au moins un temps non seulement les réseaux sociaux, mais les médias traditionnels.

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Olivier Mannoni décrit son travail de traduction de Mein Kampf et le rapport d'Hitler à la langue : "c'est une tentative d'intellectualisation de sentiments et de projets primitifs. Hitler se donne des moyens divers et variés pour arriver à formuler une pensée ; c'est une pensée qui ne veut pas se dévoiler non plus, elle est à la fois confuse et retorse de telle sorte qu'on puisse soit ne pas la comprendre du tout, soit la comprendre de différentes manières. Elle aboutit toujours sur des idées simples". Le traducteur analyse cette double torsion du langage, il précise : "Hitler impose un langage qui correspond à une idéologie et d'autre part, cache par ce même langage les conséquences directes et dévastatrices de l'idéologie en question".
Bérengère Viennot, autrice de La langue de Trump, expose ces impasses et ambiguïtés de l'énonciation : "si vous partez d'une réalité tangible et que vous avez face à vous un locuteur qui parle de sa réalité qu'il a inventée - qu'on dit alternative, avec l'exemple de Trump- il n'y a aucun moyen de se rencontrer, ni dans le discours, ni dans la réalité des faits".

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