Piotr Pavlenski et le scandale Griveaux, ou l'espace public kidnappé

Piotr Pavlenski en entretien avec l'AFP dans les locaux de son avocat, le 14 février 2020
Piotr Pavlenski en entretien avec l'AFP dans les locaux de son avocat, le 14 février 2020 ©AFP - Lionel BONAVENTURE
Piotr Pavlenski en entretien avec l'AFP dans les locaux de son avocat, le 14 février 2020 ©AFP - Lionel BONAVENTURE
Piotr Pavlenski en entretien avec l'AFP dans les locaux de son avocat, le 14 février 2020 ©AFP - Lionel BONAVENTURE
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Manipulation, art performatif et déréalisation.

Avec
  • Michel Eltchaninoff Rédacteur en chef de Philosophie Magazine, agrégé et docteur en philosophie, il est spécialisé en phénoménologie et en philosophie russe.
  • Tariq Krim Entrepreneur, fondateur de Netvibes, Jolicloud et de la plateformes de web éthique Polite. Ancien vice-président du Conseil du numérique, spécialiste des questions d'éthique et de vie privée sur Internet.
  • Benoît Thieulin Fondateur et directeur de de LaNetscouade, agence de communication numérique, ancien président du Conseil national du numérique
  • Isabelle Barbéris Maître de conférences-HDR en Arts du spectacle à l'université Paris 7 Denis Diderot et chercheuse associée au CNRS

“Vous vous dites agent provocateur. Un agent provocateur provoque. Je pense que vous êtes d’accord pour penser que la classe moyenne est stupide ? Elle n’a pas d’imagination. Ce qu’il lui faut, en ce moment précis, c’est une fameuse peur. Un attentat, c’est devenu presque conventionnel, cela ne suffirait pas. Seule la férocité absurde d’une manifestation affectera profondément la classe à laquelle vous vous attaquez. Un acte d’une férocité si destructrice, si absurde, qu’elle est incompréhensible, inexplicable, presque impensable, en réalité ? Seule la folie est véritablement terrifiante. L’attaque doit avoir toute l’absurdité choquante d’un blasphème gratuit.”

J’extrais ce passage des premières pages du roman de l’écrivain Joseph Conrad L’Agent secret, publié en 1907. L’homme qui parle ainsi à son agent traitant s’appelle Vladimir, c’est un agent de l’ambassade russe. Dans ce livre, Conrad s’inspire de l’histoire authentique des groupes anarchistes parisiens manipulés par les agents russes pour commettre une série d’actions incompréhensibles dans le but de déstabiliser le système libéral.  Conrad a déplacé l’action à Londres où il vivait, et avec une intuition de génie, il donne symboliquement pour cible aux terroristes, l’observatoire de Greenwich calculant le temps universel : une action effrayante qui sidère l’opinion va détruire le temps commun.

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C’est ce qui se passe bien sûr depuis le milieu de la semaine dernière où est apparue sur le net la vidéo de Benjamin Griveaux postée par l’artiste russe Piotr Pavlenski, depuis que le temps politique est kidnappé par cette diffusion et l’attention accrochée aux noms et personnalités improbables entourant cette histoire. Piotr Pavlenski est-il manipulé par les russes ? Est-il un artiste poussant à l’extrême la notion de performance ? Quelle fonction joue internet aujourd’hui, dans la diffusion de cette férocité brouillant tous les repères dont parle Conrad ? 

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