Comment la société s'empare-t-elle du terrorisme pour le raconter ? Quel est l'enjeu judiciaire mais aussi narratif du procès qui s'est ouvert le 8 septembre dernier pour juger les auteurs des attentats du 13 novembre 2015, le troisième du genre ?
- Uri Eisenzweig Professeur de littérature française et comparée à Rutgers University
- Soren Seelow Journaliste au Monde
- Sylvie Lindeperg Historienne, spécialiste de la seconde guerre mondiale et de l’histoire du cinéma. Professeure à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Membre du groupe de recherche V13 sur les archives audiovisuelles du procès des attentats du 13 novembre 2015.
Cela fait un peu plus d’une semaine maintenant, le 8 septembre dernier que s’est ouvert devant la cour d’assises de Paris le procès des attentats du 13 Novembre. Cela a déjà été dit, il s’agit d’un procès hors norme, dans les annales de la justice, d’abord, évidemment, étant donné la magnitude des attaques perpétrées par l’organisation Etat islamique (EI), ce jour-là, qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés pour beaucoup à vie, mais hors norme aussi comme évènement judiciaire : Neuf mois d’audience, soit 140 jours, une salle construite à l’intérieur du Palais, un procès filmé pour l’histoire, près de 1 800 parties civiles, 330 avocats, des centaines de journalistes, qui vont examiner le résultat d’une instruction menée par 5 juges enquêteurs qui aura duré 4 ans, et dont le volume de documents atteint 542 tomes soit un peu plus de 47 000 procès-verbaux, lesquels empilés l’un sur l’autre, atteindraient 53 mètres de hauteur : on est chez Kafka.
Comment faire entrer cet hors-norme dans la norme du récit journalistique ou judiciaire ? Qu’y a-t-il de si spécifique dans le fait terroriste qui rend son appréhension par la société si difficile ?
L'acte terroriste
Il y a un hiatus entre le parcours des auteurs de l'acte terroriste et la sidération produite par l'acte lui-même.
C'est un procès hors norme, mais le principe même d'un procès d'assises est de rentrer dans la norme judiciaire, dans la norme de l'Etat de droit. (...) Le terrorisme, cela a été théorisé, est en fait une 'prise de judo' aux sociétés occidentales en retournant contre ces sociétés leurs outils de communication. (...) L'onde de choc d'un attentat, est lié au fait qu'il est médiatisé. Soren Seelow
Le terrorisme est défini par l'illisibilité de l'acte, la gratuité de la violence, qui ne peut pas être inscrit dans un récit (...) Donc, plus on le raconte, plus on banalise. (...) C'est un concept contradictoire. Uri Eisenzweig
La loi Badinter ré-autorise trente ans après la présence des caméras dans le prétoire, mais véritablement dans une visée anti spectacle, pour constituer des archives pour l'histoire et pour l'histoire de la justice. Sylvie Lindeperg
Musique diffusée :
Sympathy for the Devil des Rolling Stones
L'équipe
- Production
- Réalisation
- Collaboration