Russie éternelle, identité contre histoire

Discours de Vladimir Poutine le 21 février 2022.
Discours de Vladimir Poutine le 21 février 2022. ©Getty - Alexei Nikolsky - Tass
Discours de Vladimir Poutine le 21 février 2022. ©Getty - Alexei Nikolsky - Tass
Discours de Vladimir Poutine le 21 février 2022. ©Getty - Alexei Nikolsky - Tass
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Pourquoi la guerre ? Vladimir Poutine se réclame de cette vision de l'Histoire ou paradoxalement, l'identité fixe d'une "Russie éternelle" sert de phare aux bouleversements. Tentative de décryptage de la narration russe et du passé mythifié.

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Pour justifier ce qui se passe en Ukraine, Vladimir Poutine a fait appel à l’Histoire. "L’Union soviétique s’est affaiblie à la fin des années 1980, puis elle s’est effondrée" a-t-il déclaré dans son discours du 24 février. "Tout ce qui s’est passé à l’époque est une bonne leçon pour nous aujourd’hui ; cela a mis en exergue que la paralysie du pouvoir et de la volonté est le premier pas vers la dégradation complète et l’oubli."

Pour Poutine, la mémoire du passé est donc nécessaire aux peuples pour retrouver confiance en eux, dignité et volonté de se battre. C’est cette mémoire qui a été éradiquée par la mondialisation des années 1990-2000 et c’est en son nom qu’il revendique aujourd’hui la Crimée comme le lieu de l’antique Chersonèse, où le prince Vladimir fut baptisé en 988 et l’Ukraine, dans laquelle il voit le berceau historique culturel de la Russie dont le peuple serait opprimé par les héritiers de Hitler.

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C’est aussi au nom de cette mémoire, et de l’exigence de justice qui en découle, qu’il peut annoncer que "quiconque tentera de créer une menace pour la Russie et son peuple, doit savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et entraînera des conséquences telles que le monde n’en a jamais connues dans son histoire".

Poutine n’est pas le seul à se réclamer de cette vision de l'Histoire ou paradoxalement, l'identité fixe d'une "Russie éternelle" sert de phare aux bouleversements. Tout se passe comme si, après des décennies de mondialisation et d’idéologie du progrès, la nostalgie pour les passions et l’héroïsme envahissait le monde. Mais s’agit-il d’un passé réel, ou mythifié au risque de nous emporter tous dans la catastrophe ?

Les invités du jour

Marc Weitzmann reçoit

  • Bruno Tertrais, politologue, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. Auteur notamment de La revanche de l’histoire : comment le passé change le monde publié aux éditions Odile Jacob en 2019.
  • Marlène Laruelle, professeure à l’Université George Washington (Washington DC), directrice de l’Institut pour les études européennes, russes et eurasiennes (IERES). Auteure notamment de La Russie, entre peurs et défis publié chez Armand Colin en 2016.
  • Hélène Carrère d’Encausse, historienne. Membre de l’Académie française. Auteure notamment de Alexandra Kollontaï : la Walkyrie de la Révolution publié aux éditions Fayard en 2021.

Discours de Vladimir Poutine, entre nostalgie de la grande Histoire et ré-écriture du passé

Marlène Laruelle décrit le cercle de pouvoir autour de Vladimir Poutine et leur lecture de l’histoire russe perçue “dans sa longue durée impériale”. Bruno Tertrais souligne qu’il s’agit aujourd’hui d’un nouveau cycle, après 30 années de mondialisation effrénée, "il y a un désir de passé, de conservation et parfois même de revanche". Il précise "il est frappant de voir à quel point les puissances émergentes, notamment les néo-impérialistes, où l'on voit justement toute l'instrumentalisation du passé”. Il ajoute cette analyse : “toute nation à un récit national, mais le récit peut devenir un roman -c'est-à-dire prendre des libertés avec la réalité- puis glisser vers la réécriture de l’histoire -et c’est ce qui se passe avec la Russie.” Hélène Carrère d’Encausse souligne que la Russie est un pays en transition, elle ajoute “qu’une partie de la société soviétique a été éduquée sous système soviétique dans lequel l'histoire était toujours enseignée d'une façon idéologique et mythifiée”.

Générique

Musiques diffusées

  • The Future de Leonard Cohen
  • Russians de Sting
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