Les voix d'Harpagon, avec Denis Podalydès

Denis Podalydès dans le rôle d'Harpagon dans la pièce "L'Avare" de Molière à La Comédie Française le 14/09/2009.
Denis Podalydès dans le rôle d'Harpagon dans la pièce "L'Avare" de Molière à La Comédie Française le 14/09/2009. ©AFP - Miguel Medina
Denis Podalydès dans le rôle d'Harpagon dans la pièce "L'Avare" de Molière à La Comédie Française le 14/09/2009. ©AFP - Miguel Medina
Denis Podalydès dans le rôle d'Harpagon dans la pièce "L'Avare" de Molière à La Comédie Française le 14/09/2009. ©AFP - Miguel Medina
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Traversée des grandes voix du théâtre. L'émission "Six personnages en quête de voix" propose une traversée du théâtre au fil de ses grandes voix. Aujourd'hui écoutons les voix d'Harpagon en compagnie de Denis Podalydès.

Avec
  • Denis Podalydès Acteur, metteur en scène, scénariste et écrivain français, sociétaire de la Comédie-Française

Avec Denis Podalydès, de la Comédie Française - et auteur de Voix off paru Mercure de France - nous écouterons et commenterons les voix de Michel Aumont, Jean Vilar, Michel Bouquet, Charles Dullin… et celle de Denis Podalydès lui-même dans le rôle d'Harpagon.

On y entend quelques conseils livrés par Jean Vilar au TNP à Chaillot en 1957 lors d'une répétition de L'Avare de Molière :

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La seule chose que j'ai demandée nettement et le plus clairement possible à mes comédiens, c'est simplement de lire extrêmement lentement, ajoutant que s'il y avait rythme rapide et vif nécessaire, nous le verrions par la suite. Pour le moment, que chacun fasse attention à ne pas "faire le moulin", qu'on ne fasse jamais de mécanique mais qu'on prenne contact avec un texte très lentement, le plus lentement possible. Jean Vilar

Autre mot d'ordre donné par Charles Dullin :

Il est évident qu'il y a eu pour les interprétations des classiques et notamment de L'Avare au cours de ces vingt dernières années, des interprétations magnifiques. Il ne s'agit pas de les oublier, on ne peut pas faire autrement que de les oublier. C'est tout de même Molière qui importe. Charles Dullin

Au sujet de Michel Aumont :

Cette belle mise en scène de Jean-Paul Roussillon en 1980 était très influencée par Roger Planchon qui a introduit dans les pièces de Molière une densité dramatique, tragique. D’où le fait qu’ici on entend Michel Aumont dissocier, voire disloquer des éléments du texte, comme le fameux "Au voleur !" qui devient un cri beaucoup plus lent. Alors que dans le texte c’est une seule et même phrase, comme une course effrénée qui ne s’arrête qu’à la fin quand Harpagon dit "Je suis mort, je suis enterré." Il serait passionnant de comparer ces enregistrements et à travers les inflexions des différents comédiens de dresser un état des lieux des esthétiques, strate par strate. On entend ici Michel Aumont avaler certaines syllabes comme "ce que je f’rai". Quarante ans plus tard, il est devenu plus impératif de distinguer une diction théâtrale d’une diction cinématographique molle et amollissante du sens et du texte. Aujourd’hui on dirait "ce que je ferai" : beaucoup d’acteurs distinguent toutes les syllabes comme si c’étaient des alexandrins, y compris dans la prose de Molière ! Denis Podalydès

Au tour de Denis Podalydès qui joue le rôle d'Harpagon depuis 2009 à la Comédie Française de se confier sur ce rôle :

Tout mon travail, aussi bien d'ailleurs dans L'Avare que dans quantité de rôles, c'est d'arriver à pouvoir jouer la note tragique. C'est quelque chose que je n'arrivais pas à faire jeune acteur, on me l'a reproché d'ailleurs et même à la création de L'Avare, il y a eu des critiques qui m'ont reproché d'être trop comique et pas assez tragique. Or chez Molière le tragique est comique, le comique est tragique. [...] Il faut pouvoir être irrésistiblement drôle une seconde et dans la seconde d'après être vraiment dans une sorte de fatum. C'est un personnage qui est écrasé par son obsession. Les grands personnages moliéresques sont à la fois des personnages contrastés, plein de vie, rendus fous par une lubie, par une chimère. Denis Podalydès