Parce que l'on sait que nos empreintes digitales sont uniques... Alors, "c'était certain", "pas d'erreur possible", il s'agissait bien de l'homme recherché depuis plus de huit ans par la police française ! Et nous avons entendu ça, en boucle, pendant des heures : "Xavier Dupont de Ligonnès a été arrêté en Écosse !"
Avant d'aller plus loin, un retour en arrière pour rappeler les faits : l'affaire Dupont de Ligonnès, appelée aussi la « tuerie de Nantes », est un quintuple meurtre non élucidé survenu à Nantes, en Loire-Atlantique, en avril 2011. Le père de famille, Xavier Dupont de Ligonnès, seul survivant de cette effroyable affaire où cinq des six membres ont été assassinés, est activement recherché par la police, depuis lors.
Et voilà que vendredi dernier (11 octobre), dans la soirée, on apprend "de sources sûres", par des chaînes d'information en continu, que Xavier Dupont de Ligonnès aurait été aperçu, à Paris, à l'aéroport de Roissy-Charles-De-Gaulle, en partance pour Glasgow. La police française, n'ayant pas eu le temps de l'appréhender avant l'embarquement, a prévenu ses collègues écossais qui l'ont donc "cueilli" à sa descente de l'avion ! Tout le monde est fébrile, après ces longues années de traque, car il s'agit bien de retrouver le meurtrier des quatre adolescents et de leur mère que ce soit ou non le père de famille qui sera, de toute façon, entendu comme témoin principal.
Les empreintes digitales sont les mêmes ! Il faut juste attendre la confirmation de l'identité par le test ADN
Après huit ans de cavale, les enquêteurs écossais pensent avoir arrêté Xavier Dupont de Ligonnès ce vendredi à l'aéroport de Glasgow, a-t-on appris de sources concordantes. L'homme était recherché depuis 2011, suspecté d'être responsable du meurtre de sa femme, de ses quatre enfants et de la mort du chien de la famille à Nantes, en Loire-Atlantique. Pendant huit ans et demi, les enquêteurs l'ont traqué faisant de cette affaire l'une des plus mystérieuses de ces dernières années. Beaucoup le pensaient mort, d'autres croyaient l'avoir aperçu dans le sud de la France, en Afrique ou encore en Thaïlande. BFM TV
"J'ai toujours été convaincu qu'il était vivant et qu'il ne s'était pas suicidé après avoir commis ce quintuple meurtre", a réagi sur notre antenne Jean-Marie Bloch, co-auteur du livre Non élucidé sur Xavier Dupont de Ligonnès. Sur BFM TV
Nous savons, depuis le lendemain de toute cette surexcitation médiatique (samedi 12 octobre), qu'il ne s'agissait pas de Xavier Dupont de Ligonnès !
Alors, comment a-t-on pu en arriver là ? À qui la faute ? Qu'a fait la police ? Et les médias ?
C'est Richard Marlet, commissaire divisionnaire honoraire, ancien directeur des services de l'identité judiciaire du "célèbre" 36 quai des Orfèvres et co-auteur avec Pierre Piazza de La science à la poursuite du crime. D'Alphonse Bertillon aux experts d'aujourd'hui (Éditions de La Martinière, sept 2019) qui nous explique que l'identité judiciaire, c'est notamment les empreintes digitales. Il nous confie d'ailleurs "s'être posé la question de savoir comment les policiers écossais étaient arrivés à cette identification ?"
J'avais, d'un côté, la certitude qu'ils avaient bien les empreintes digitales de X pouvant être Xavier Dupont de Ligonnès et puis, comme l'aurait dit Monsieur de La Palice, qu'il fallait bien comparer à autre chose ! Et là, je me suis posé la question de savoir avec quoi ils pouvaient bien comparer ? Parce que pour moi, une comparaison d'empreintes digitales, ça ne laisse pas de place aux doutes : l'empreinte digitale a des caractéristiques, elle est parfaitement individuelle, si vous vous faites des ampoules, la peau se refait à l'identique... Richard Marlet
Ce qui est intéressant dans l'histoire de la police scientifique, d'ailleurs racontée dans l'ouvrage de notre invité, c'est que celle-ci a débuté sur une erreur judiciaire et pas n'importe laquelle... Avant de vous révéler son nom, Richard Marlet nous explique comment Alphonse Bertillon a eu l'idée lumineuse de substituer à l'identité "dont on peut changer comme de chemise" -les propres mots d'Alphonse Bertillon- autre chose. Et ça, pour Bertillon, ce sont les mensurations anthropométriques.
Alphonse Bertillon est lié à tout jamais à son erreur dans l'expertise du fameux bordereau dans l'affaire Dreyfus où il va conclure à la culpabilité de Dreyfus. "C_'est bien Dreyfus qui a écrit le bordereau_" et Bertillon se trompe abondamment... À l'époque des faits, il faut bien se rappeler que Bertillon était aussi connu que Pasteur ! L'armée va chercher Alphonse Bertillon, je pense pour sa qualité d'expertise -j'espère que c'est pour cela-. Ce qu'il y a de sûr c'est que lorsqu'il mène son expertise, Alphonse Bertillon est persuadé, a priori, de la culpabilité d'Alfred Dreyfus... Richard Marlet
Invité : Richard Marlet, commissaire divisionnaire honoraire, consultant audiovisuel Police-Justice. Il a dirigé les services de l’Identité judiciaire et de la documentation criminelle du 36, quai des Orfèvres. Il est l’auteur de : La science à la poursuite du crime : D'Alphonse Bertillon aux experts d'aujourd'hui (éditions de La Martinière, 2019) Les experts entrent en scène : La révolution de la science criminelle (éditions First, 2017), Profession chien policier (éditions Favre, 2011), Les Experts mode d’emploi (éditions Favre, 2007).
Extraits diffusés :
Plusieurs chaînes d'information en continu, le vendredi 11 octobre au soir, qui parlent de l'arrestation formelle de Xavier Dupont de Ligonnès.
Et puis, une sélection France Culture à retrouver sur le même thème de la police scientifique :
"Superfail" est un podcast original de Guillaume Erner, le producteur des Matins de France Culture : chaque lundi matin, retrouvez une histoire d'échec, de fail, décryptée avec un invité. Un programme à écouter à votre rythme, quand vous le désirez.
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L'équipe de Superfail
Guillaume Erner, Sylvia Favre, David Jacubowiez. Aujourd'hui, la prise de son est assurée par Jean Frederix
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