Azincourt, la mère de toutes les défaites

Représentation de l'armée française au matin du 25 octobre 1415, avant la bataille d'Azincourt. Considérée comme l'une des plus grandes défaites militaires françaises, elle est décrite notamment dans la pièce Henri V de Shakespeare
Représentation de l'armée française au matin du 25 octobre 1415, avant la bataille d'Azincourt. Considérée comme l'une des plus grandes défaites militaires françaises, elle est décrite notamment dans la pièce Henri V de Shakespeare ©Getty - D'après une peinture de J. Gilbert
Représentation de l'armée française au matin du 25 octobre 1415, avant la bataille d'Azincourt. Considérée comme l'une des plus grandes défaites militaires françaises, elle est décrite notamment dans la pièce Henri V de Shakespeare ©Getty - D'après une peinture de J. Gilbert
Représentation de l'armée française au matin du 25 octobre 1415, avant la bataille d'Azincourt. Considérée comme l'une des plus grandes défaites militaires françaises, elle est décrite notamment dans la pièce Henri V de Shakespeare ©Getty - D'après une peinture de J. Gilbert
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Cette semaine Superfail revient sur une défaite militaire historique. Comment en octobre 1415, en pleine Guerre de Cent Ans, une armée française supérieure numériquement et constituée des plus grands noms de la chevalerie, s’est-elle vu infliger une défaite cuisante par les anglais ?

Avec
  • Frédéric Encel Docteur HDR en géopolitique, professeur à l'ESG Management School et maître de conférences à Sciences-Po Paris

Lorsque la bataille d’Azincourt éclate, cela fait un peu plus de 80 ans que le royaume de France et le royaume d’Angleterre s’affrontent pour des raisons dynastiques. Le roi Henri V, arrivé au pouvoir en Angleterre en 1413, réclame ses droits présumés sur la couronne de France et prépare son armée au combat dès son accession au trône. 

En 1415, alors que l’armée d’Henri V tente de rejoindre Calais pour repartir en Angleterre après un siège réussi à Harfleur, l’armée française décide de lui couper la route à Azincourt. C’est ainsi qu’advient l’un des épisodes les plus sanglants de la Guerre de Cent ans. Pour comprendre les causes de cette défaite française retentissante, nous sommes allés interroger Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences Po Paris et auteur des 100 mots de la Guerre aux éditions des Presses Universitaires de France.

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Une succession d’erreurs stratégiques 

Plusieurs facteurs expliquent la défaite des français à Azincourt ce 25 octobre 1415. Le lieu de l’affrontement tout d’abord, un pré boueux de 900 mètres de large seulement, bordé de bois. L’étroitesse du champ de bataille transforme en effet l’avantage numérique des français en véritable désavantage.  

La stratégie militaire ensuite, consistant à charger l’ennemi à cheval, alors même que l’armée anglaise tire des flèches puissantes et a mis en place des pieux aiguisés devant ses rangs pour contrer les assauts des cavaliers. Pour Frédéric Encel, ce choix stratégique irrationnel s'explique par un attachement des nobles français aux pratiques guerrières héritées de la vieille tradition de la chevalerie. 

Il y a plusieurs charges de cavalerie françaises. Donc évidemment les chevaux ne galopent pas très vite parce qu’ils sont dans la boue, ils portent environ 125 kilos d’homme et de métal, et lorsque les flèches s’abattent sur les chevaux et que les chevaliers français tombent par terre, il n’ont quasiment plus aucune chance de s’en sortir face aux archers et aux fantassins anglais. 

Le commandement enfin : alors que les maigres troupes des anglais sont haranguées par le roi Henri V en personne, les troupes françaises sont constituées de différentes maisons, toutes rattachées à leur propre commandement : 

Le royaume de France est travaillé par une quasi-guerre civile, ou en tout cas par des luttes de pouvoir extrêmement importantes. Chacun vient avec ses hommes, chaque maison vient avec ses hommes, et au fond, personne n’obéit à personne. 

Une défaite aux lourdes répercussions  

Si Azincourt est désormais synonyme de défaite absolue, c’est parce que rien ne prédisposait l’armée française à perdre cette bataille, au contraire.  En effet, le 25 octobre 1415, l'armée royale française dispose d’un avantage numérique très important, et les soldats d’Henri V sont dans un état de fatigue extrême, après avoir parcouru quelques 200 kilomètres pour rejoindre Calais. 

Pourtant, après quelques heures de combat, c’est la débâcle pour l’armée française. On recense près de 6 000 français tués en quelques heures, soit le pire bilan d’une bataille au cours de la Guerre de Cent ans. 

Mais les répercussions de cette défaite dépassent largement ces pertes humaines conséquentes. Elle annonce en effet le déclin de la chevalerie française et laisse le royaume dans une situation extrêmement désavantageuse pour affronter les prochains épisodes de la Guerre de Cent ans : 

C’est vraisemblablement la fin de la grande tradition de la chevalerie française. Parce que des dizaines de grands chevaliers, des ducs, des barons, des comtes, deux frères du Duc de Bourgogne qui est l’un des plus puissants de France, mourront sur le champ de bataille ou seront capturés de longues années durant, d’une part. D’autre part cela va accélérer la division et les rivalités au sein d’un royaume qui va entamer la quatrième phase, en quelque sorte, de la Guerre de Cent ans, dans des conditions absolument catastrophiques. 

Archives : 

Film documentaire La Bataille d’Azincourt, un vendredi en enfer (2004) de Rob Coldstream et Pascal Cuissot