L'aéroport de Berlin-Brandebourg : le pire projet d'aéroport au monde

Deux commissions d'enquête ont été mises en place par les députés du Land de Berlin, le rapport de la seconde commission est attendue pour 2021
Deux commissions d'enquête ont été mises en place par les députés du Land de Berlin, le rapport de la seconde commission est attendue pour 2021   ©AFP - Stéphanie Loos
Deux commissions d'enquête ont été mises en place par les députés du Land de Berlin, le rapport de la seconde commission est attendue pour 2021 ©AFP - Stéphanie Loos
Deux commissions d'enquête ont été mises en place par les députés du Land de Berlin, le rapport de la seconde commission est attendue pour 2021 ©AFP - Stéphanie Loos
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Son ouverture était prévue en 2011, finalement c’est en octobre 2020 que l’aéroport Willy Brandt de Berlin-Brandebourg ouvre ses portes. Entre problèmes de gouvernance, absence de coordination et erreurs de construction, l’aéroport s'impose comme l’un des plus grands fiascos industriels récents.

Avec
  • Thomas Wieder journaliste, correspondant du journal Le Monde à Berlin

C’est probablement le pire aéroport au monde, pas pour la propreté ni pour son duty free, mais pour son coût et pour la durée de sa construction. Il devait voir le jour en 5 ans, il en a mis 14 ; il devait coûter 2 milliards d’euros à l’Allemagne, il lui en a coûté 7. Cet aéroport c’est l’aéroport Willy Brandt de Berlin-Brandebourg, un nom symbolique – d’ailleurs si son nom avait été moins symbolique, peut-être aurait-il été abandonné. A force de ratages, d’erreurs et d’opiniâtreté, cet aéroport s’est imposé comme l’un des plus grands fiascos industriels de l’Allemagne contemporaine. Un fiasco qui vient contredire toute sorte de théorie culturaliste sur la Deutschqualität. 

Pour nous raconter ce ratage spectaculaire, nous nous sommes tournés vers Thomas Wieder, il est correspondant en Allemagne pour le journal Le Monde. 

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A l’origine du projet : un symbole de modernité pour un Berlin réunifié 

Dans son discours prononcé devant la porte de Brandebourg en 1987, le président américain Ronald Reagan évoquait les possibilités qu'une réunification entre l'est et l'ouest offrirait à la ville de Berlin et à ses habitants. Evoquant la place centrale de Berlin au coeur de l'Europe, il prophétisait ainsi que la ville, une fois le mur abattu, pourrait s'imposer comme la "principale plateforme aérienne de toute l'Europe centrale". 

Et en effet, lorsque Berlin retrouve son unité, il paraît vite nécessaire de rationaliser les moyens de la ville en substituant aux trois aéroports existant, vestiges de la guerre froide, un unique aéroport, symbole de la modernité du nouveau Berlin.  

L’idée dans les années 90, a donc germé de doter cette capitale du plus grand pays européen d’un aéroport digne de ce nom. Thomas Wieder, journaliste au Monde

La construction de l’infrastructure débute ainsi en 2006 et l’ouverture est prévue pour 2011. Mais entre problèmes de gouvernance, malfaçons et absence de coordination, l’inauguration de l’aéroport de Berlin n’aura finalement lieu qu’en octobre 2020, après 6 reports et quelques 7 milliards d’euros dépensés. 

Les causes de ce retard spectaculaire  

Thomas Wieder, journaliste au monde, identifie un premier facteur explicatif des dysfonctionnements à l’origine de ce retard. Selon lui, le choix de la localisation du nouvel aéroport pose déjà un problème de taille : il est en effet situé entre le Land de Berlin et le Land de Brandebourg, entrainant une complexité administrative majeure. 

L’organisation administrative allemande, ce n’est pas comme nos régions françaises, les Länder ce sont vraiment des entités avec des gouvernements indépendants et très puissants. Donc déjà avoir deux gouvernements qui étaient partis prenantes d’un même projet, les choses commençaient assez mal. 

A ce problème de gouvernance, s’ajoute un déficit de compétence au sein du conseil de surveillance, composé en très grande majorité d’élus n’ayant jamais eu à mener un projet d’infrastructure comparable. 

Enfin, l’absence de maître d’œuvres communs aux 60 ou 70 entreprises différentes travaillant sur le chantier a mené à d’innombrables erreurs de construction révélées notamment lors d’un audit en 2016. En tout, ce ne sont pas moins de 550 000 malfaçons qui sont identifiées et qui semblent être le fait de problèmes de connexion : des escalators trop courts, un système d’extinction automatique à eau installé en dessous des câbles électriques pour ne citer que ces exemples. 

Les Nuits de France Culture
54 min

L’ouverture en octobre 2020 : un aéroport toujours en construction et déjà désuet 

Le 31 octobre 2020 a donc eu lieu la cérémonie d’ouverture de cet aéroport, mais le résultat de ces quatorze années de construction apparaît mitigé : d’une part seulement un terminal sur cinq est aujourd’hui opérationnel et d’autre part l’aéroport, conçu dans les années 2000 paraît déjà désuet : 

Cet aéroport ouvert en 2020 mais conçu au début des années 2000 est déjà vieillot en fait au moment d'ouvrir. Il y a un certain nombre de choses qui n'avaient pas été anticipées ou qui avait été pensées avec les schémas d'il y a 15 ans.

Autre symbole de cette forme de discordance des temps, alors que l’aéroport avait été conçu pour répondre à l’augmentation du trafic aérien, son inauguration intervient en pleine crise sanitaire, alors même que les liaisons aériennes entre les pays sont largement restreintes.  

Grand Reportage
55 min

Extraits : 

- Discours de Ronald Reagan devant la porte de Brandebourg, 1987 : https://www.youtube.com/watch?v=BEM91YEyKuI
- Berlin, les turbulences d’un aéroport (2020) documentaire Arte réalisé par Thomas Balzer
https://www.youtube.com/watch?v=QkTB4VaHdmo&t=2388s