L’éditeur qui refusa d’éditer Proust

En 1913, Gaston Gallimard refuse d'éditer le premier manuscrit de Marcel Proust
En 1913, Gaston Gallimard refuse d'éditer le premier manuscrit de Marcel Proust ©Getty - Bernard Annebicque
En 1913, Gaston Gallimard refuse d'éditer le premier manuscrit de Marcel Proust ©Getty - Bernard Annebicque
En 1913, Gaston Gallimard refuse d'éditer le premier manuscrit de Marcel Proust ©Getty - Bernard Annebicque
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Si vous pensez que le mot échec et le nom de Proust ne vont pas bien ensemble, c'est que vous ne connaissez pas l'histoire du refus du premier manuscrit de Marcel Proust par le célèbre éditeur Gaston Gallimard.

Avec
  • Jacques Volcouve
  • Jean-Marc Quaranta maître de conférences en littérature française et création littéraire, écrivain

Superfail participe à un projet qui le dépasse, le podcast Proust qui vous est proposé par France Culture cette année. Et si Superfail et Proust sont des mots qui selon vous, ne vont pas bien ensemble, c'est que vous ignorez que le premier manuscrit de notre monument national fut refusé par un éditeur et pas n'importe lequel, mais bien par Gallimard. Pour nous éclairer sur cette affaire, nous nous sommes tournés vers un spécialiste de Proust, Jean-Marc Quaranta, maître de conférences en littérature française, il a participé à la réédition du Temps Perdu aux éditions Bouquins (2021), la première version du manuscrit refusé de Marcel Proust.

Le refus de Gallimard : un ratage édifiant

Au cours des années 1912-1913, le jeune Marcel Proust propose son manuscrit à plusieurs éditeurs dont la NRF (Nouvelle Revue Française), fondée quelques années auparavant par Gaston Gallimard. A l'époque, la Nouvelle Revue Française est une jeune maison d'édition, mais pour Marcel Proust, elle est la seule institution à la hauteur de son oeuvre, c'est ce que nous explique Jean-Marc Quaranta : "C'est une maison relativement nouvelle à l'époque. Pour lui, elle est propre à la maturation et à la dissémination des idées qui sont contenues dans son livre".

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Et pourtant la NRF, refusa ce manuscrit. Pour Jean-Marc Quaranta, c'est l'état du manuscrit envoyé par Proust qui explique cette décision : il ne contient pas alors toutes les qualités des textes finaux des deux premiers tomes de la Recherche. Finalement, après avoir signé auprès de la maison d'édition Grasset, l'auteur reprendra presqu'intégralement son manuscrit avant sa parution : "Il va se servir dans un deuxième temps du conseils de ses amis, mais c'est vraiment dans un premier temps pour lui qu'il décide de faire de nombreux changements." raconte Jean-Marc Quaranta. En tout, il y aura 5 épreuves envoyées à son éditeur Grasset avant la publication de l'ouvrage.

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Le regret de la NRF et l'échec de Grasset

C’est donc la maison d'édition Grasset qui publie cette première version en 1913. Mais rapidement, la NRF dirigée par Gallimard reconnait son erreur. “Le refus de ce livre restera la plus grave erreur de la NRF” avoue même Gide dans une lettre à Proust. La future maison Gallimard décide finalement de racheter les droits à l’auteur : À la Recherche du temps perdu paraîtra intégralement chez Gallimard.

Finalement, le Superfail n’est pas exactement là où le croit, c'est ce que nous explique Jean-Marc Quaranta : "Grasset a dans son catalogue ce texte-là, et il ne s'en aperçoit pas tout simplement parce qu'il ne lit pas le texte (...). Donc il ne fait rien auprès de lui, aucune félicitation réelle sur son oeuvre, il lui laisse payer les frais de publicité, d'impression, de correction... Ce que ne fera pas bien sûr Gallimard.".

Cet échec éditorial peut faire penser à un autre rendez-vous manqué, celui entre la maison de disque Decca Records et le groupe de musique The Beatles en 1962. Pour nous raconter cet échec, nous nous sommes tournés vers Jacques Volcouve, spécialiste des Beatles, il nous raconte : "Le label manager envoie une lettre en disant : "On n'aime pas le son de votre groupe, de toute façon les groupes trois guitares et une batterie n'ont aucun avenir dans le milieu de la musique.". A la place des Beatles, Decca Reccords signe un autre groupe de musique du nom de Brian Poole and the Tremeloes, plus proche géographiquement de la maison de disque, pour économiser des frais de transport.