

Ce jeudi 14 juin, la Banque de France a revu à la baisse sa prévision de croissance pour 2018. Celle-ci est un objet politiquement sensible, complexe à prévoir, voire impossible. Pourquoi s’entête-t-on à penser qu’on arrivera à la prédire ? Réponse avec Pablo Jensen, directeur de recherche au CNRS.
Les big data vont-ils nous sauver, tout savoir sur nous et tout prédire ?
Finalement non. Ils ne sont peut-être pas aussi puissants qu’on l’imagine, nos capacités prédictives demeurent d’abord toujours aussi limitées et il en est un exemple frappant, celui de la croissance.
Avec notre invité : Pablo Jensen, directeur de recherche au CNRS, membre du laboratoire de physique de l'Ecole normale supérieure de Lyon, auteur de Pourquoi la société ne se laisse pas mettre en équations aux éditions du Seuil, un ouvrage aux exemples très parlants qui remettent en cause l’idée reçue que les big data vont nous permettre de prédire avec précision le monde de demain.
Avant l’ère des méga données ou des big data, on se trompait même sur les prévisions de croissance avec des modèles très sophistiqués parce que c’est un objet politiquement très sensible. Des économistes ont montré, de manière rétrospective, que les prévisions avec des modèles aussi sophistiqués sont aussi bonnes que la prévision d’un modèle beaucoup plus simple : la croissance l’année prochaine sera la même que cette année...
Dans le monde social il y a très peu de prédictions qui font mieux que ça.
Dans le monde social, l’effet d’une cause dépend du contexte.
Comme vous avez beaucoup de causes qui jouent pour créer un phénomène, et que l’effet de chaque cause dépend du contexte, on voit bien que prédire la croissance est totalement impossible.
La société nous standardise en mettant les congés au mois d’août par exemple, ça nous rend en partie prévisibles parce que ça canalise nos actions. Il y a des rythmes sociaux qui sont imposés par la société et du coup, ça dompte les humains. Si on veut rendre le social prévisible il faut dompter de plus en plus les humains et c’est ce qu’a fait l’Etat d’une certaine façon. Sur l’Histoire longue, même un monarque absolu comme Louis XIV connaissait peu son territoire, son pouvoir était relativement limité et c’est grâce à la centralisation des états qu’on a rendu le monde social un peu plus prévisible qu’avant...
Un des rôles importants des big data et de la révolution numérique devrait être d’aider à notre intelligence collective un peu comme le fait Wikipédia, nous aider à nous coordonner et exploiter nos connaissances respectives plutôt que d’essayer de prédire et nous fliquer comme le font Google, Facebook et compagnie.
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"Superfail" est notre nouveau podcast "natif", né comme podcast et originaire du numérique, sans passer d’abord par l’antenne hertzienne. C’est Guillaume Erner, le producteur des Matins de France Culture, qui se lance sur cette nouvelle "antenne" numérique : chaque vendredi matin, retrouvez une histoire d'échec, de fail, décryptée avec un invité. Un nouveau programme à part entière à écouter à votre rythme, quand vous le désirez. Et qui a pour ambition d'explorer les possibilités offertes par le média, en termes de ton, d'écriture, de durée...
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