Destinés aux plus hauts revenus du monde, le nombre de Superyachts a sextuplé depuis les années 80, alors même que l’impact écologique de ces navires apparaît particulièrement désastreux. Gregory Salle, chercheur au CNRS en sciences sociales, revient sur ce phénomène aux impacts négatifs nombreux.
- Grégory Salle Chargé de recherche au CNRS
C’est probablement le symbole absolu de la richesse, un objet pour super riches que l’on appelle des superyachts, des navires de la taille d’un terrain de football conçus pour n’accueillir en réalité que quelques personnes. Ces superyachts sont écologiquement et du point de vue des inégalités sociales, de véritables superfail. En observant ces « emblèmes de la dépense ostentatoire » comme le disait le sociologue Thorstein Veblen, on serait ainsi tentés de dire que la croisière ne s’amuse pas du tout !
Pour comprendre et analyser la croissance continue du nombre de superyachts dans le monde, nous nous sommes rapprochés de Gregory Salle, il est chercheur en sciences sociales au CNRS et a publié Superyachts : luxe, calme et écocide, aux éditions Amsterdam.
La multiplication des superyachts
Pendant longtemps, pour être qualifiés de « superyachts », les navires de plaisance de luxe devaient dépasser les 24 mètres de longueur, mais désormais le critère a été réhaussé à 30 mètres. Ces navires, au nombre d’environ 5 500 aujourd’hui dans le monde, se sont multipliés à partir des années 80. Pour le chercheur Gregory Salle, le superyacht est un indicateur pertinent pour observer l’évolution des très hauts revenus mondiaux regroupés sous l’acronyme de UHNWI (Ultra High Net Worth Individuals), à partir des années 80 :
Ce qui est intéressant c’est que la hausse du nombre de superyacht en activité n’a pas été démentie par les supposées crises financières, et en particulier celle ouverte en 2007-2008 par la crise des subprimes. Gregory Salle, chercheur au CNRS
Le prix moyen d’achat d’un superyacht s’élève aujourd’hui à 10 millions d’euros, mais à cette somme doit être ajoutée le prix de la maintenance, représentant annuellement environ 10% du prix d’achat.
Les superyachts : séparatisme social et écocide
L’impact écologique des superyachts est sans surprise particulièrement désastreux : outre la pollution engendrée par leur construction, les émissions de CO2 des navires en activité sont colossales :
Ils ont pu montrer que l’impact écologique en termes d’empreinte carbone des 300 plus gros superyachts de la flotte disponible, pouvait dégager plus de CO2 que des pays entiers, que certains pays pauvres du continent africain, comme le Burundi.
Gregory Salle s’intéresse dans son ouvrage à un effet moins connu des superyachts sur l’environnement : la destruction d’une plante à fleur maritime appelée posidonie, indispensable au développement des écosystèmes aquatiques en Méditerranée. Il a en effet été démontré que le mouillage des superyachts sur la côte méditerranéenne (soit l’action des ancres et des chaînes des navires sur les sols sous-marins), entraînait de fortes dégradations de cette plante essentielle :
La réimplantation est très très difficile. Elle est très longue, très lente et c’est pour ça qu’il y a un effet – non pas d’irréversibilité, ce serait excessif – mais des effets de destruction qui opèrent à très long terme.
En plus de ces méfaits sur l’environnement, les superyachts révèlent un phénomène de ségrégation sociale de manière particulièrement saillante. Et en France, les dispositifs fiscaux ne permettent désormais plus d’opérer une forme de redistribution sur ces biens de luxe. La réforme fiscale du 1er janvier 2018 qui a eu pour effet majeur de transformer l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune) en IFI (Impôt sur la fortune immobilière) a en effet exclu de cet impôt les superyachts.
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