Par Bruno Tackels Réalisation :Anna Szmuc Il est unanimement reconnu que Jean Vilar est l'un des plus grands directeurs de troupe du vingtième siècle. Ce que peu de gens savent, c'est qu'à la fin des années trente, Jean Vilar, jeune artiste formé par Charles Dullin a des velléités d'écriture. Plus étonnant encore, il écrit une pièce, qu'il soumet à différents éditeurs, dont Paul Flamant, au Seuil. Et le comble de l'étonnement surgit à la lecture d'une « note de lecture » d'un certain Maurice Blanchot, en 1941, alors qu'ils sont tous les deux membres du comité de rédaction de Jeune France. Dans ce texte pour le moins historique, celui qui va devenir l'un des plus grands critiques de la littérature française parle de la pièce de celui qui va devenir l'un des plus grands hommes de théâtre de son temps. Il lui reconnaît d'incontestables qualités d'écriture pour la scène, mais qui dit vouloir dissuader le jeune homme de la publier, l'encourageant en revanche à déployer ses énergies sur les plateaux de théâtre, avec une troupe d'acteurs. Une recommandation pour le moins visionnaire... Et qui va pousser Jean Vilar à écrire durant plus de trente ans à tout ce que son temps compte d'écrivains, des plus reconnus aux plus novices. Mais curieusement, à chaque fois dans ces échanges, se joue le même scénario : Vilar cherche à susciter des désirs d'écriture dramatique chez ses interlocuteurs, et la démarche échoue. Malentendus en séries, rendez-vous manqués, l'histoire de Vilar avec les poètes sera au fond assez malheureuse, comme en témoigne ces différentes correspondances avec Anouilh, Sartre, Beckett, Giono, Char, Camus, Paulhan, Cocteau, Genet, Robbe-Grillet ou Adamov. Comme si son théâtre ne pouvait abriter les jeunes pousses encore trop fragiles de l'écriture en devenir... Et quand la greffe sera tentée, on ne peut pas dire que cela ait conduit Vilar au succès... Dans ce documentaire de « Surpris par la nuit », nous revisiterons cette mémoire peu connue du Festival d'Avignon, cette quête des poètes que Jean Vilar avait tenté de mettre en oeuvre, et que l'un de ses successeurs éclairés, Alain Crombecque, avait voulu relancer en invitant de nombreux écrivains au coeur du Festival, durant les années 80. Il s'agira donc de relater ces tentatives déçues, de redessiner le contexte esthétique et politique de ces lettres, mais aussi de rappeler des projets qui pris corps, même s'ils ont été oubliés depuis... En particulier les créations que Vilar a réalisées à partir de textes de Jean Vauthier, de Thierry Maulnier, ou d'Henri Pichette, dont l'INA a conservé des séances de répétitions inédites, avec Anne et Gérard Philipe... Lettres à Jean Vilar, ou un autre Festival... Invités : Sonia Debeauvais, collaboratrice de Jean Vilar au TNP Emmanuelle Loyer, auteur avec Antoine de Baecque de « Une Histoire d'Avignon ». Jacques Téphany, directeur de la Maison Jean Vilar à Avignon. Lettres de Jean Vilar lues par Jean-Claude Dauphin. Lettres à Jean Vilar lues par Serge Merlin.
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