Avons-nous besoin du libre arbitre ?

De nombreux textes fondateurs de différentes traditions religieuses, des tragédies grecques, certains contes orientaux, de multiples traités philosophiques et des textes de toutes les littératures du monde racontent le déterminisme inéluctable de la vie des hommes, de la prévisibilité de chaque histoire singulière et de celles des peuples, jusqu’à la prévisibilité du moindre souffle de vent et du trajet de la feuille d’automne qui sera emportée. 

Et pourtant, en même temps, chacun d’entre nous ressent au plus profond de lui-même un autre souffle, celui de la liberté de son action, de la liberté de ses choix, de penser, de décider, d’agir, de créer, d’aspirer au bien mais aussi parfois faire le mal. Choix qui disent la grandeur de la liberté et la profondeur de notre responsabilité, de notre dignité.

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Alors naissent des questions. De grandes questions : logiques, théologiques, métaphysiques, philosophiques, psychologiques et politiques. L’homme est-il libre ou seulement le résultat de multiples causalités qui lui échappent ? Causalités économiques, sociologiques, historiques par exemple.

L’homme peut-il faire des choix ou est-il une simple marionnette dans les mains d’un destin, d’un dieu ou des dieux ? Et dès lors si tout est déjà écrit dans les astres, si tout dépend des astres, la vie ne peut-elle pas ressentie comme un « désastre » selon un jeu de mot cher à Maurice Blanchot ? 

Des questions qui interrogent les concept de liberté, de volonté, de libre arbitre, de choix, d’esprit subjectif individuel et d’esprit objectif collectif, de déterminisme, de fatalisme, de destin aussi.

Ces questions sont anciennes et ont éveillé la pensée, et peut-être même ont contribué à la faire naître, à la développer, à l’aiguiser. Comme dit Paul Valéry cité par Bachelard, « on pense comme on se heurte ». 

Les philosophes qui se sont penchés sur ces questions sont innombrables. Et les commentateurs de la Bible, les maîtres du Talmud puis de la philosophie juive, de la Kabbale et du hassidisme furent aussi très nombreux à participer à ce grand banquet de l’esprit. Tout comme aujourd’hui les chercheurs en neurosciences et en psychologie expérimentale.

Ces questions résonnent particulièrement dans la période d’état d’urgence sanitaire et ce nouveau confinement dans lequel nous sommes entrés où nous devons choisir et accepter des choix que l’on fait pour nous et que l’on peut ressentir comme des violences faites à nos libertés, à notre autonomie, à notre expression, des restrictions aux rencontres, aux loisirs, des limitations à la libre circulation, et pour certains au droit au travail, qui se traduit pour les plus fragiles économiquement l’effondrement même de leur subsistance. 

Nous sommes entrés dans un temps où nous devons choisir et parfois ne pouvons choisir.

Mais ces questions résonnent encore plus intensément en cette période d’état d'urgence vigie pirate à la veille d'un retour en classe et de l'hommage par l'école à Samuel Paty dont l'engagement fut précisément celui de la liberté de penser et d'expression et la pédagogie nécessaire pour pour la transmettre avec justesse.

Il importe dès lors d’y voir plus clair et de tenter de mieux comprendre comment toutes ces questions peuvent être abordées non seulement dans l’urgence, ce qui risquerait de nous faire passer à côté de certaines choses essentielles, mais dans le temps long d’une réflexion argumentée, référées aux sources. 

Comme l'écrit Éric Cobast, professeur de Culture Générale à Science-Po (Paris),  : « il importe de dégager l'origine et les enjeux des grands débats de notre temps, de montrer qu'ils s’enracinent dans des controverses souvent plus anciennes et qu'ils dépendent fréquemment de mutations intellectuelles engagées depuis des siècles. Il s'agit, dès lors, de rattacher nos réflexions à un fonds culturel commun dont nous sommes, consciemment ou non, dépendants. »

L'invité

Rivon Krygier est rabbin de la communauté Adath Shalom, Docteur en sciences des religions de la Sorbonne, Docteur Honoris causa du célébrissime Jewish Theological Seminary of America.

Rivon Krygier est l'auteur de nombreux ouvrages. Son dernier livre qui vient de paraître aux éditions InPress s’intitule « Si Dieu sait l’avenir, sommes-nous libre d’agir ? », sous-titré « Omniscience et libre arbitre dans la pensée juive » ! 

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Le livre de l'invité

Présentation de l'éditeur

Depuis la nuit des temps, les hommes se demandent si Dieu, le destin ou  le déterminisme physique ne contraignent pas leur devenir et leur  liberté d agir. 

Les philosophes juifs mais cela vaut aussi pour les  chrétiens et les musulmans ont pris conscience dès le Moyen Âge de la  contradiction entre deux croyances fondamentales : l'omniscience et le  libre arbitre. 

La faculté divine d'embrasser tout le savoir possible dont les événements futurs est au fondement de la providence, de l'orientation optimale que Dieu est censé dispenser au monde. Et la capacité humaine d'orienter sa propre conduite est le pilier de la responsabilité et de la dignité. 

Mais croire en la libre volonté de l'homme n'est-ce pas défier toute prédiction et, dès lors, remettre en cause la perfection de Dieu ? Et croire en la prescience divine ou même seulement en l'universalité de la causalité, n'est-ce pas tenir le libre arbitre pour illusoire ? 

Comment les penseurs juifs à travers les âges se sont-ils mesurés à cette aporie déconcertante ? Et quelles sont les voies qui s'offrent aujourd’hui à la théologie ?

Pour faire plus ample connaissance avec l'invité

http://www.adathshalom.org (information communautaire)

http://www.adathshalom.org/publications/publications-de-rivon-krygier (articles en ligne)

http://www.massorti.com (vision, éducation)