Jules Adler : une conscience de son temps

Claire Decomps
Claire Decomps ©Radio France - DR Sandrine Adass
Claire Decomps ©Radio France - DR Sandrine Adass
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Dans l’épisode du "buisson ardent", Moïse ne voit pas immédiatement le prodige de ce buisson qui brûle sans se consumer. 

Mais, dit le texte, il se détourne pour voir. Sar min hédérèkh, et il demande « pourquoi » ? Madoua ? Pourquoi le buisson brûle et n’est-il pas consumé ? Et c’est alors qu’a lieu la révélation d’un Dieu qui s’adresse à lui personnellement et l’appelle : "Moïse Moïse". Et il répond : " Me voici "!

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Ainsi « voir » nécessite un « détour », un temps d’arrêt, une manière différente de marcher, de questionner, de s’étonner. Mais le mouvement de la vie, la folle allure que nous évoquions la semaine dernière, rend peu propice ces moments de pause, ces temps de tranquillité qui rendent plus disponible le regard et l’étonnement, prémices d’une possible révélation, d’un sentiment de retrouvailles avec soi-même, où l’on se sent appeler et inviter à une transcendance, une découverte pour soi d’un autre monde, d’autres chemins possibles pour orienter sa propre existence ! 

Et même si nous décidions de prendre le temps de ce détour, vers quels lieux se tourner, se détourner. Les réponses sont nombreuses et dépendent de chacun de nous, mais peut-être qu’aujourd’hui l’on peut considérer qu’entrer dans un musée serait une façon privilégiée de se détourner pour voir, pour retrouver la force et l’acuité du regard, c’est à dire se défaire de l’image, apprendre à entrer dans l’image pour ne pas en être captif.

Autoportrait
Autoportrait
© Radio France - DR

Oui ! Pousser les portes d’un musée serait en quelque sorte découvrir des œuvres qui tout comme le buisson biblique, brûlent sans jamais se consumer, car toujours renouvelées par les interprétations qu’elles suscitent car comme le soulignait Roland Barthes  « Interpréter une œuvre, ce n’est pas lui donner un sens (plus ou moins fondé, plus ou moins libre), mais au contraire d’apprécier de quel pluriel elle est faite » et il ajoutait « qu’une œuvre est éternelle, non parce qu’elle impose un sens unique à des hommes différents, mais parce qu’elle suggère des sens différents à un homme unique ! » 

Des réflexions qui expliquent aussi peut-être pourquoi, à moins d’un an d’intervalle, « Talmudiques » consacre une seconde émission à l’œuvre du peintre Jules Adler (1865-1952) que le Musée d’Art d’histoire du Judaïsme a la très bonne idée d’exposer jusqu’au dimanche 23 février 2020.

Une impressionnante et magnifique rétrospective qui nous fait découvrir un artiste qui eut conscience de son temps mais qui fut aussi une conscience de son temps.

L'invitée

Claire Decomps est conservatrice en chef chargée des collections historiques et des judaica au Musée d’Art et d’histoire du judaïsme. 

Avec Amélie Lavin, directrice du musée des Beaux-Arts de Dole, et assistée de Virginie Michel, elle a conçu cette exposition.

Le chemineau
Le chemineau
© Radio France - Mahj

Transition musicale

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L'exposition Jules Adler : "Le peintre du peuple"

Au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme jusqu'au 23 février

71 rue du Temple Paris 3e

Renseignements

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© Radio France - DR
Les fumées
Les fumées
© Radio France - DR

Catalogue de l'exposition

Jules Adler, 1865-1952. Peindre sous la Troisième République  240 pages, 24 × 28 cm, 25 € Silvana Editoriale, 2017  [En vente à la librairie du Mahj].

Catalogue de L'exposition
Catalogue de L'exposition
© Radio France - DR

Dreyfusard de la première heure, l’artiste développe une vision du  monde proche de celle d’Émile Zola (1840-1902), s’intéressant aux  différentes figures du peuple : des ouvriers des manufactures et des mines aux petits métiers parisiens, des déracinés des villes aux paysans  et marins, hommes, femmes, enfants ou vieillards partageant, sinon un  même destin, une forme de relégation. 

Après Dole, Évian, Roubaix, cette première rétrospective fait  redécouvrir à Paris l’œuvre d’un artiste injustement méconnu bien qu’une  de ses toiles, La Grève au Creusot (1899), soit devenue une  icône des luttes ouvrières.

Auteur d’une œuvre d’une grande force –  notamment dans la première partie de sa longue carrière –, Adler a été  largement reconnu en son temps, mais son indifférence aux débats des  avant-gardes artistiques et son intérêt croissant pour le monde rural  l’ont desservi auprès des générations suivantes. 

Au MahJ, l’exposition  s’arrête aussi sur les résonances de la judéité du peintre dans sa  perception du monde et ses engagements d’homme et d’artiste. 

Pour venir en famille
Pour venir en famille
© Radio France - Mahj

Colloque Jules Adler au Mahj le 1er Décembre 2020

Organisé à l’occasion de l’exposition « Jules Adler. Peintre du peuple  », ce colloque s’interrogera notamment sur l’originalité de la démarche  de l’artiste dans sa représentation du monde ouvrier et des mouvements  sociaux, les résonances de son identité juive dans sa perception  du monde et l’impact des deux guerres mondiales sur son œuvre.

Lieu, réservation et tarifs    Gratuit, dans la limite des places disponibles.  Inscription obligatoire en ligne uniquement.    

Emplacement       Auditorium

Programme

10h00

Ouverture du colloque

Jules Adler, peintre du peuple ?

10h30

Vues de dos. Figures sans visage et figures de dos chez Adler

Par Amélie Lavin, musée des Beaux-Arts de Dole

11h00

Iconologie du monde ouvrier et du travail

Par Frederic Thomas, université libre de Liège

11h30

Des figures artistiques et médiatiques: les Gueules noires vues par Adler et Steinlen

par Philippe Kaenel, université de Lausanne

12h00-12h30 : débat

Jules Adler, un artiste juif sous la IIIe  République

14h00

Adler, un peintre juif ?
Dominique Jarrassé, Université Bordeaux Montaigne

14h30

Des chemineaux et des errants dans la peinture d'Adler

par Bertrand Tillier, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

15h00 – 15h30 : débat

15h15- 15h45 pause

Jules Adler et la guerre

15h45

Les dessins de Jules Adler lors de son internement à Picpus en 1944

par Claire Decomps, mahJ

16h15

« Lentement il reprit son activité d'autrefois »  (Les fronts de Jules Adler)

par Vincent Chambarlhac, université de Bourgogne Franche-Comté

16h45-17h00 Débat

À l’issue du débat, visite de l’exposition avec le public et les intervenants du colloque.

On écoutera aussi 

La IIIe République de Jules Adler, Une émission de Talmudiques avec Bertrand Tillier

Un avant goût de l'exposition...

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