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« Rav Yehouda dit au nom de Rav :
Quand Moïse monta vers les hauteurs, il trouva le Saint, béni soit-il, assis qui attachait des couronnes sur les lettres de la Tora.
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Moïse s’adressa à Dieu et lui dit : Maître de l'Univers, qui t'empêche de donner la Tora telle quelle pourquoi tous ces ajouts ? Dieu lui dit : Il y a un homme dans le futur, dans plusieurs générations, Aquiva ben Yosef est son nom et qui dans le futur interprétera chacune de ces couronnes desquelles il déduira tilin tilin chèl halahot des montagnes et des montagnes de lois.
Moïse dit devant Dieu : Maître de l'Univers, montre-moi cet homme. Dieu lui dit : Retourne-toi en arrière. Et Moïse se retourna.
Il alla s'asseoir à la huitième rangée dans la salle d'étude de Rabbi Aquiva et il ne comprenait pas ce qu'ils disaient.
Moïse se senti traversé par une grande faiblesse. Quand Rabbi Aquiva arriva à un certain point de la leçon, ses élèves lui dirent : Maître, d'où tires-tu cet enseignement ?
Rabbi Aquiva leur répondit : C'est une loi qui remonte à Moïse depuis la révélation au Sinaï. Quand Moïse entendit cela, Il retrouva ses esprits et toute son énergie.
Moïse s’en retourna devant le Saint, béni soit-il, et lui dit : Maître de l'Univers, Tu as à ta disposition un homme d’une telle qualité et c’est par moi que Tu choisis de donner la Tora ? Dieu répondit : shtoq kakh ‘ala bemahashava, tais-toi, c’est ainsi que cette pensée s’est présentée devant Moi.
Moïse dit encore : Maître de l'Univers, Tu m'as montré la manière dont Rabbi Aquiva enseignait, montre-moi maintenant sa récompense. Dieu lui dit : Retourne-t-en en arrière. Moïse retourna encore une fois dans le futur et vit que les romains pesaient la chair de Rabbi Aquiva dans une boucherie car Rabbi Aquiva avait été torturé à mort par les Romains.
Moïse dit à Dieu : Maître de l'Univers, j’ai vu son enseignement, est-ce là sa récompense ? Dieu lui répondit : shtoq kakh ‘ala bemahashava, tais-toi, c’est ainsi que cette pensée s’est présentée devant Moi. »
Voilà l’une des histoires talmudiques les plus célèbres de tout le corpus talmudique.
Des traités entiers y sont consacrés car cette histoire soulèvent de très nombreuses questions.
Et en particulier la question de la relation entre la Révélation de la loi et son interprétation, du sens de l’interprétation en général, de son évolution, de ses liens avec la tradition et de ses possibilités d’innovation, de changement, d’évolution, de transformation à travers le temps et des contextes politiques qui peuvent être particulièrement troublés comme ce fut le cas dans les premiers siècles de notre ère dans la Judée sous le joug de l’administration romaine, qui est l’arrière-plan de dans cette histoire.
Quelle est le rapport entre l'innovation et la modernité ? L’innovation provient-elle nécessairement d'une césure ? Ne s'inscrit-elle pas aussi dans une forme de continuité comme le suggère l’histoire qui vient d'être racontée?
L'invité
David Banon est docteur en lettres à l'université de Genève, professeur émérite de l'université de Strasbourg, membre de l'Institut universitaire de France et chevalier de l'Ordre des palmes académiques. Il a publié une douzaine d'ouvrages et traduit de l'hébreu trois livres de L'auteur Y. Leibowitz.
Il est l'un des plus grands spécialistes de la pensée juive contemporaine.
Son livre La lecture infinie, Seuil, 1987 est l'un des classiques incontournables consacrés à l'interprétation des textes de la tradition talmudique.
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Le livre de l'invité
Quatrième de couverture
"Peut-on établir des rapports entre judaïsme et modernité? Au premier abord, il semble que l'arrimage soit impossible.
Si le judaïsme s'adosse à une révélation, la modernité prône l'autonomie de la raison qui se donne pour tâche d'innover dans tous les domaines. Mais l'innovation provient-elle, comme le voudraient les tenants de la modernité, d'une césure ? Ne s'inscrit-elle pas aussi, comme le préconise le judaïsme, dans une continuité?
La tradition juive, qui a subi bien avant le XVIIIe siècle les assauts de la modernité et de la sécularisation, n'a-t-elle pas son mot à dire sur la modernité qui est entrée en crise ?
Ces problématiques, au centre du présent essai, sont discutées en convoquant divers philosophes contemporains.
Sont ici présentées les différentes tentatives de sortir de cette polarisation, qui définit le judaïsme comme un archaïsme face à la modernité et à sa prétention de maîtriser le réel et le sens. Non pas l'un ou l'autre, l'un excluant l'autre, mais l'un et l'autre, dans une tension féconde."
Autres livres et textes cités dans l'émission
- Quand Moïse est monté dans les hauteurs, traité talmudique Menahot 29b
- Erich Auerbach, Mimesis, Tel Gallimard, 1977. Premier chapitre La cicatrice d'Ulysse.
- Yeshayahou Leibowitz, La foi de Maïmonide , Éditions du Cerf, 1992
- Nehama Leibowitz, Commentaires sur la Torah.
- David Banon, L’École de Pensée Juive de Paris. le Judaïsme Revisitée Sur les Bords de Seine, Presse Universitaires de Strasbourg, 2017.
Le congrès des " Filles de Rachi"
https://www.ajcf.fr/IMG/pdf/rachi-programme_pass-15x21_1_.pdf
Site de la Maison Rachi à Troyes
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