La mémoire de Flavius Josèphe 1/2 Ce que célèbre la fête de Hanoukka.

Olivier Munnich
Olivier Munnich - DR
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Rediffusion de 2017

« Une énigme intéressante surgit à chaque fois que l’on évoque l’âge  du monde. Comment concilier les 4 milliards et de demi d’années  qu’annoncent les scientifiques avec les 5778 ans du calendrier  hébraïque ? Il existe une réponse à la fois simple et profonde.  Que s’est-il passé il y a 5778 ans ?  Ou, dit autrement selon notre calendrier en usage, que s’est-il passé en -3760 ? 

Selon les historiens, cette date est un point de repère très  important dans l’histoire de l’humanité car elle correspond à la  datation de la naissance de l’écriture, qui fut réalisée de manière  conjointe et progressive, il y a environ 35 siècles avant notre ère, à  la fois en Mésopotamie et en Égypte ancienne. 

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5778 n’est donc pas l’âge du monde mais l’âge de l’écriture, et donc  de la possibilité de créer un monde par l’écriture et d’en transmettre  ainsi le récit de générations en générations jusqu’à aujourd’hui !  

Interprétation à laquelle nous invite le Zohar, par exemple, qui  traduit le premier verset de la Tora de la manière suivante : « Au  commencement Dieu créa l’alphabet du ciel et l’alphabet de la terre ».  Idée déjà présente dans le livre de la Création, le séfer yetsira », qui enseigne que le monde a été créé par le livre, le nombre et le récit, séfer, sefar et sipour.  

Bien sûr ces textes sont tardifs mais témoignent d’une longue  tradition et d’une certaine vision du monde sur les enjeux de l’écrit,  de ses rapports à l’oralité, et aujourd’hui à d’autres formes de  transmission de plus en plus sophistiquées. Les enjeux sont donc aussi  ceux de la mémoire du monde, des civilisations et des peuples à travers  l’histoire.  

Dès lors il est intéressant de s’interroger sur la manière dont le  judaïsme se situe par rapport à cette question de l’écrit et de l’oral  dans son histoire. L’une des fêtes juives semble précisément consacrée à  cette question, de manière forte bien que de façon indirecte. Il s’agit  de la fête de Hanoukka, la plus longue des fêtes juives. Elle dure huit  jours, dans lesquels, chaque soir a lieu le rite de l’allumage de  bougies en souvenir d’un miracle qui eut lieu dans le deuxième temple de  Jérusalem vers -167/-168 avant notre ère lors de la victoire militaire  des juifs contre les grecs. 

[Cette année en 2017 la fête de Hanoukka commence le mardi 12 décembre au soir et se termine mercredi 20 décembre au soir.]

Cette année, en 2019 où nous rediffusons cette émission, la fête de Hanoukka commence le 22 décembre au soir et se termine le 30 décembre au soir. 

Dans les émissions précédentes nous avons insisté sur le fait de  dégeler les mots, corollaire du fait de ne pas se contenter de savoir  figés, simplifiés, d’où la nécessité de retourner aux textes, à la  lecture et l’interprétation, pour savoir, comprendre, analyser et juger.  Pour avoir une attitude critique par rapport au sens et sa  transmission, et la possibilité aussi de son renouvellement.  

Ainsi, parler à propos de la fête de Hanoukka, d’un miracle qui a eu  lieu lors d’une victoire militaire, "cela fait peu" comme explication.  Nous ressentons immédiatement le besoin de nous tourner vers les  textes de références qui racontent cette histoire, qui en donnent les  détails historiques, géographiques et politiques et qui expliquent dès  lors de manière plus fondée le sens de cette fête et des rites qui la  constituent.  

Mais c’est là que tout se complique, car les sources de cette fête  sont à la fois nombreuses et rares, présentes et absentes, précises et  laconiques, scientifiques et populaires, multiples et contradictoires,  grecs et hébraïques, canoniques et non canoniques, écrites et orales,  une façon peut-être par cette fragile frontière entre écriture et  oralité d’interroger la question des modalités de la transmission de  l’histoire. » 

Marc-Alain Ouaknin reçoit l’helléniste et historien Olivier Munnich  qui  propose une plongée dans les sources complexes de cette fête de  Hanoukka et tente ainsi d’en apporter un éclairage  nouveau et  original.  

L'invité

Olivier Munnich est professeur de langue et littérature grecques à l’Université Paris-Sorbonne. Il y occupe la chaire de littérature religieuse de l’Antiquité tardive.

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Le livre de l'invité

Olivier Munnich
Olivier Munnich
© Radio France - DR

Présentation de l'éditeur

Juif, né en Judée au Ier  siècle de notre ère, l’auteur est, au début  de la guerre contre Rome en  66, général des forces juives en Galilée.  Assiégé, il trouve le moyen  d’échapper à la mort et passe dans le camp  romain. Pour la suite du  conflit, il est, auprès des empereurs  flaviens, témoin des opérations. 

Le  livre V est consacré au siège et à la prise de Jérusalem en 70.  La  longue description de la ville, du Sanctuaire et du Temple atteste   certaines traditions que l’on ne retrouve que plus tard dans les textes   rabbiniques. Son exhortation au parti de la guerre – qu’il réduit à  des «  factieux » – offre paradoxalement notre seul accès au credo des combattants juifs. En un tableau pathétique, l’auteur évoque les   souffrances de la population, livrée à la faim, à la cruauté des factieux et à la dureté des Romains. La réflexion de Flavius Josèphe   combine avec force réminiscences de la littérature grecque et  traditions déjà caractéristiques du judaïsme rabbinique. 

Ce texte a eu de  profonds échos dans la littérature de l’Antiquité  chrétienne, mais il a  aussi inspiré des reprises remarquables au xvie  siècle lors des guerres  de Religion. 

On lira aussi d'Olivier Munnich

"La mémoire des persécutions : Autour des livres des Maccabées" 

aux éditions Peeters. http://www.peeters-leuven.be/boekoverz_print.asp?nr=9599

Présentation

"On considère habituellement les livres des Maccabées comme prototype  de la littérature de persécution. Il importait donc de mettre en place  le  thème de la persécution anti-juive dans le contexte historique de  la  domination grecque, en utilisant les apports les plus récents de   l'épigraphie, de la numismatique et de l'archéologie. 

Ces livres conduisent également à s'interroger sur l'invention du martyre dans le judaïsme et le christianisme, puisqu'ils ont indéniablement construit  un  modèle de martyrologie. 

Il faut cependant se demander si tel était  leur  but. En définitive, il s'agit d'évaluer le travail de mémoire dont témoigne la transmission de ces textes «en amont», en vérifiant les basses événementielles des récits et en étudiant les traditions   scripturaires et littéraires dans lesquelles ils s'inscrivent, aussi bien qu'« en aval», en explorant relectures, réinterprétations et   mutations de ces récits. Un tel travail de mémoire doit être analysé dans sa dimension politique, identitaire et religieuse, ainsi qu'à   travers l'apparition d'une commémoration littéraire.  

Dirigé par  Marie-Françoise Baslez et Olivier Munnich et réunissant  des  universitaires européens et israéliens, ce projet a été conçu à   l'Université de Paris-Sorbonne et réalisé dans le cadre de l'Équipe   «Antiquité classique et tardive» (UMR 8167, «Orient et Méditerranée»)  et  avec le soutien du Labex «Religions et Sociétés dans le Monde   Méditerranéen» (RESMED), de l'Institut de recherches pour l'étude des   religions (IRER) et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah (FMS).