Liberté et dialogue dans le Hassidisme selon Martin Buber

Dominique Bourel
Dominique Bourel ©Radio France - France Culture
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Epuration, solution finale, crématoire mobile, propagande, crimes de guerre, génocide, crime contre l’humanité, nazisme … autant de mots réapparus au premier plan de notre vie et au cœur de l’Europe … autant de notions pour nommer des réalités niées par le pouvoir russe depuis son invasion de l’Ukraine et qui chaque jour ajoute à l’horreur et à la confusion :  « Plateau de tournage, ville de Boutcha », légende d’une photographie d’une rue de Boutcha, dans un tweet officiel …

On peut se rappeler, plus que jamais, ce commentaire des Psaumes de Martin Buber que je cite de mémoire « Le mensonge est le pire mal que l’homme a introduit dans la nature »…

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C’est au cœur de ces événements tragiques, auxquels nous assistons de trop loin, et quasiment démunis, que sera célébrée la fête de Pessah à partir de vendredi soir prochain : appelée aussi en hébreu zemane hérouténou, « Le temps de notre libération », Pessah aura évidemment cette année une gravité particulière.

Comme chaque année, le récit de la haggada, la sortie d’Egypte autour duquel se déroule le seder , sera  lu selon les différents niveaux de lecture qu’il offre et il sera commenté dans le souci de renouvellement du sens qui l’anime : mais comment ne  résonnerait-il pas singulièrement aujourd’hui pour interroger les questions qui le fondent : la liberté, individuelle et collective, la vie en société, le discernement et l’action juste dont nous sommes capable, ce dont on peut répondre et ce que l’on ne peut ignorer,?

Et nous serions bien inspirés de convoquer le hassidisme, ce dernier grand mouvement du judaïsme moderne né au XVIIIe siècle, au coeur de l’Ukraine : sous l’impulsion de son fondateur, le Baal Chem Tov, la notion de liberté, ce moteur de l’histoire biblique, y prend en effet une importance remarquable. Mais aussi les notions d’ »individuel » et de « collectif », de « maître » et de « guide », de « croyance » et d’ »action », notamment …

La portée universelle de ce mouvement est démontrée avec force par Martin Buber qui écrit :

« J’énonce sous la forme d’un message adressé au monde des humains non pas ce que le hassidisme cherchait à être, mais ce qu’il fut concrètement et qu’il continue d’être. Je le prononce en tant que tel, contre sa volonté, parce que le monde en a grand besoin aujourd’hui. ».

L'invité

Dominique Bourel est philosophe, historien, traducteur, directeur émérite de recherche au CNRS, et professeur d'université et lui doit entre-autres une monumentale biographie de Martin Buber parue en 2015 chez Albin Michel intitulée Martin Buber, Sentinelle de l’humanité, qui  vient d’être rééditée ces jours-ci. Il est le préfacier du Message hassidique de Martin Buber qui vient de paraître aux éditions Albin Michel.

Dominique Bourel est né en 1952, à Offenburg. Il a vécu à Paris et fait des études de philosophie et d’histoire des religions à la Sorbonne, à Heidelberg, à Mainz et à Harvard. Il enseigne à l’Université hébraïque de Jérusalem ainsi qu’à l’Université libre (Freie Universität) de Berlin.

Depuis 1991, Dominique Bourel est directeur de recherche au Centre National de Recherche Scientifique (Sorbonne). En 2012/2013, il est titulaire de la chaire Walter Benjamin d’histoire et de culture germano-judaïque à l’Université Humboldt à Berlin.

Dominique Bourel est un spécialiste de l’histoire allemande des idées du XVIIIe siècle. En 2005, il reçoit le Prix Parlementaire franco-allemand pour son livre, Moses Mendelssohn : la naissance du judaïsme moderne  (Gallimard, 2004/ Ammann Verlag, 2007).

Il a aussi publié, en coopération avec Yvon Belaval, le livre Siècle des Lumières et la Bible (Beauchesne, 1986) et De Sils-Maria à Jérusalem: Nietzsche et le judaïsme (Le Cerf, 1991) avec Jacques Le Rider. Il a publié Martin Buber, sentinelle de l’humanité chez Albin Michel en 2016, réédition 2022. Il  prépare l'édition de la correspondance de Martin Buber.

Il est le préfacier du Message hassidique de Martin Buber qui vient de paraître aux éditions Albin Michel.

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Les livres dont il a été question dans l'émission

1. Martin Buber, Le message hassidique, Albin Michel, 2022. Avec une préface de Dominique Bourel et une postface de Levinas

Martin Buber & Dominique Bourel & Emmanuel Levinas
Martin Buber & Dominique Bourel & Emmanuel Levinas
© Radio France - Albin Michel

Au sein de l’œuvre prolifique du penseur juif viennois Martin Buber (1878-1965), la spiritualité hassidique constitue une sorte de fil rouge, depuis les Contes de Rabbi Nahman (1906) jusqu’à ce Message hassidique paru en 1952 et jusque-là inédit en français. Ce dernier constitue avec les célèbres Récits hassidiques une seule œuvre, comme l’expose Buber lui-même.

Écrit au soir de sa vie, il propose une magistrale synthèse où l’on retrouve l’apport des travaux de Gershom Scholem sur la kabbale et le messianisme, sa propre philosophie du dialogue (Je et Tu), ou encore ses recherches sur les religions comparées. Fidèle à son intuition, il montre comment le message hassidique n’est pas à chercher dans les textes, mais dans la vie concrète de la communauté et du maître (tsaddik). Car ce message ne consiste en rien d’autre qu’à accueillir Dieu dans la vie quotidienne et à sanctifier l’intégralité du réel, même dans ses aspects les plus profanes.

Comme l’écrit Emmanuel Levinas, Buber "fut un grand seigneur du verbe. Avoir su parler en Juif du judaïsme comme il a parlé est, sans conteste, la grande merveille de cette vie et… le miracle de l’histoire intellectuelle juive de ces cent dernières années."

2. Dominique Bourel, Martin Buber, Sentinelle de l'humanité, Albin Michel, réédition, 2022.

Dominique Bourel
Dominique Bourel
© Radio France - Martin Buber

Présentation de l'éditeur

Martin Buber (1878-1965) est, avec Freud, Einstein ou Kafka, l'un des penseurs juifs les plus connus du xxe siècle dont il a vécu les tragiques bouleversements. Né à Vienne, ayant passé son enfance en Galicie et parcouru l'Europe dans sa jeunesse, il est vite devenu une figure majeure du judaïsme allemand et du premier sionisme.

Installé à Jérusalem à partir de 1938, il s'imposera comme un penseur incontournable et sera invité dans le monde entier. Son destin exceptionnel croise ceux de Herzl, Freud, Einstein, Rosenzweig, Kafka, Zweig, Scholem, Gandhi, Bachelard, Jung, Heidegger, Levinas, Ben Gourion et de tant d'autres, comme en témoigne sa correspondance foisonnante.

Buber est non seulement un grand philosophe de l'altérité (Je et Tu), de la piété mystique (Les Récits hassidiques) et du dialogue judéo-chrétien (Deux types de foi), mais il est aussi le héraut infatigable d'un sionisme humaniste cherchant sans cesse la paix avec les Arabes, et un dénonciateur des totalitarismes hitlérien et stalinien.

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