Que peut-on apprendre des diasporas juives?

Edith Bruder
Edith Bruder ©Radio France - DR
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Avec
  • Edith Bruder historienne, anthropologue, chercheuse à la School of Oriental Studies de Londres

De l’école peut dépendre la survie d’une société et sa capacité à se construire, évoluer et perdurer.  

Elle est, comme le rappelle une professeure de philosophie, Marylin Maeso, dans un vibrant hommage à Samuel Paty, « ce lieu sans verrou et aux mille fenêtres où nos convictions, nos a priori, nos préjugés quittent le confort de notre intimité pour s'observer à la lumière du jour. » fin de citation.

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Notamment parce qu’elle est le lieu du temps long de l’étude et de la réflexion qui oriente l’action autant que de l’espoir d’une transmission réussie.

Cette valeur cardinale de l’étude et de la transmission oriente le judaïsme comme l’enseigne le Midrach Rabba qui traduit le premier mot de la genèse par le mot grec « pédagogue » : celui qui emmène l’enfant à l’école.

En témoigne aussi ce récit du Talmud que je cite souvent : 

« Juste avant la destruction du temple signifiant la disparition même de la civilisation juive, rabbi Yohanan ben Zakaï, un des grands maîtres du judaïsme, se vit accorder une faveur exceptionnelle par l’empereur romain Vespasien : il pouvait faire la requête de son choix, sans discussion elle lui serait accordée. Contre toute attente, le maître demanda l’autorisation de construire une école ! 

La demande pouvait sembler incongrue ou irresponsable ! Et pourtant on sait le devenir de cette confiance dans l’étude des textes et de leurs commentaires sans cesse renouvelés : une civilisation fut sauvée et avec elle une certaine idée de l’humain, travaillé par l’altérité, dont Emmanuel Levinas, souligne la portée universelle. 

A ce titre, le judaïsme est riche de ressources pour penser les processus culturels complexes, complémentaires et antagonistes, qui sont à l’œuvre dans la mondialisation, et contrer ce qui peut l’être, notamment la mise à mal du principe républicain de laïcité et la possibilité du dialogue fécond entre les cultures qu’il promeut et qu’il garantit.

Une récente publication parue aux éditions Albin Michel sous la direction de l’historienne Edith Bruder intitulée Juifs d’ailleurs, Diasporas oubliées, identités singulières nous rappelle que le judaïsme et l’ensemble des pensées sécularisées qu’il a contribué à construire et qui l’ont construit en retour, doit se penser avec de nombreuses communautés quasiment ignorées parce que peu documentées : leurs histoires sont de fait particulièrement éclairantes pour nous aujourd’hui. 

Comment ces minorités juives, anciennement ou plus récemment implantées dans des pays du monde entier, communautés parfois autoproclamées, composent-elles avec leur environnement politique et religieux ?

Quelle transmission et quelles formes d’étude ont assuré et assurent leur pérennité ?

Quelle expérience de l’altérité peuvent-elles partager ? 

En quoi leur maintien au sein des sociétés indiennes, chinoises, africaines, russes, turques, par exemple est-il susceptibles de nous orienter face aux revendications identitaires qui déstabilisent les démocraties occidentales et particulièrement l’idéal républicain français ?

L'invitée

Edith Bruder vous est anthropologue du fait religieux et chercheure associée au CNRS et à l’université d’Afrique du sud et  à l'ISGAP à New-york.

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Livre présenté par l'invitée

Albin Michel
Albin Michel
© Radio France - Edith Bruder

Juifs d'ailleurs, Diasporas oubliés, identités singulières.     

Traduction de l'anglais : Julien  Darmon
 

Tous les Juifs ne sont pas ashkénazes ou  séfarades ! 

Il existe des dizaines de communautés méconnues dispersées  en Afrique noire, dans le Caucase, en Inde, en Chine, en Amazonie ou  encore aux Caraïbes. Elles remontent à la plus haute Antiquité ou, au  contraire, aux dernières décennies – et il en naît de nouvelles chaque  année ou presque

Unique en son genre, le présent ouvrage dirigé par Edith Bruder nous  invite à découvrir près d’une cinquantaine de ces diasporas, soit  qu’elles aient été isolées géographiquement comme les communautés de  Kaifeng, en Chine, ou celle des montagnes du Kurdistan – les seules à  parler encore araméen –, soit qu’elles se prévalent d’une manière  singulière de vivre leur identité juive, comme les Caraïtes de Crimée,  les Subbotniks de Russie ou les Dönmeh de Salonique.

Comment peut-on aujourd’hui être Juif et Iranien, ou Juif et Indien,  issu d’une caste d’intouchables ? Comment Madagascar s’est-elle  retrouvée avec trois communautés juives « indigènes » ? 

Cette fascinante  diversité des histoires locales nous dévoile le rôle majeur que jouent  les dispersions, les colonisations, les métissages dans l’histoire  universelle. Les multiples manières de se vivre comme juif nous  conduisent à remettre en question notre vision habituelle de l’identité  juive, et de l’identité tout court.