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Il y a 20 ans, s’est tenu à Mantes-la-ville, dans un lycée professionnel en zone dite « d’éducation prioritaire », un colloque très particulier dont le titre reste encore gravé dans ma mémoire : Réalité et fiction : lectures imbriquées, frontières illusoires ? J’eus l’honneur d’y être invité.
Les élèves qui l’organisaient avaient rencontré Phillip Roth. C’était pour le moins intriguant. J’en parlai autour de moi.
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Un de mes amis libraires s’écria : mais qu’est-ce que tu vas faire à Mantes-la-Ville ? Ce cri de surprise n’était pas vraiment très étonnant. Oui ! Qu’est-ce que j’allais bien faire à Mantes-la-Ville ?
Sans doute tout comme Malek Chebel, Annie Terrier, Stéphane Zagdanski, Alain Finkielkraut, Alain Didier-Weil, Sabine Melchior Bonnet, Philippe Meirieu, et encore quelques autres chercheurs et enseignants, j’ai pensé important de faire honneur à ces élèves à qui Philip Roth avait affirmé : « Je ne vous oublierai jamais. Et si comme vous le dites je vous ai ouvert les portes de la littérature, c’est ce que j’aurai accompli de mieux… »
« Ouvrir les portes de la littérature », c’est dire combien, pour de nombreuses personnes, elles sont fermées, et ce qu’il faut de volonté et de courage pour les entrouvrir, ce qu’il faut de talent et de conviction à des enseignants, à qui on ne rend peut-être jamais assez hommage !
« Ouvrir les portes de la littérature » n’est-ce pas justement aussi, ce que font toujours et encore, avec enthousiasme et confiance, non seulement les écrivains, mais tous ceux qui se battent pour que le livre puisse exister.
A commencer par les éditrices et les éditeurs, toujours à l’affut de nouveaux textes, ou de textes anciens, voire oubliés, qui cherchent à les rendre accessibles au plus grand nombre, pour partager la passion qu’ils ont pour un auteur, la beauté d’une écriture, le génie d’un style, l’inventivité d’une intrigue.
Des éditeurs qui nous proposent des livres « inspirés », c’est à dire, comme le dit Catherine Chalier, « des livres qui appellent à une interprétation renouvelée ». Les éditeurs mais aussi les libraires et encore les traducteurs et les traductrices, qui mettent leur savoir et leur talent au service de la polyphonie des langues pour que ces livres puissent être lus dans le monde en entier.
Et c’est justement pour nous un très grand plaisir de recevoir aujourd’hui deux traductrices d’un auteur qui savait ce que sont les véritables livres, ceux qui nous éveillent à la vie, et dont l’œuvre, par sa richesse, n’a pas fini d’ouvrir les portes de la littérature et d’y inviter des lecteurs de plus en plus nombreux.
J’ai nommé Sholem Alékhèm !

Les invitées
Evelyne Grumberg est traductrice du yiddish : Archives Ringelblum : archives clandestines du ghetto de Varsovie, Lena Jedwab, Rozenberg, Moyshe Nadir et Sholem-Aleikhem.
Elle a conçu de nombreuses expositions autour de la littérature yiddish et a été pendant de nombreuse responsable de projet éditoriaux à la Maison de la culture yiddish – Bibliothèque Medem à Paris.
Nadia Déhan-Rotschild est traductrice. Elle enseigne et a enseigné le yiddish : de 1985 à 2000 à Paris 7, au Centre Medem de 1996 à 2001 et à la Maison de la culture yiddish depuis 2001. Cette expérience la conduisit à partager avec Annick Prime-Margules la rédaction du Yiddish sans peine des éditions ASSIMIL (2010).
Elle a traduit nombre d'auteurs yiddish : Avrom Sutzkever, Menuha Ram, Yoïne Rosenfeld, David Bergelson et Sholem Aleikhem.
Elle s’intéresse aussi à la chanson yiddish qu’elle insère dans la dimension pédagogique de l’enseignement de cette langue
Archives sonores
Une vie, une oeuvre sur France Musique. Une émission de Mathilde Wagman:
Sholem Aleichem, le "Luftmensch" - (1859 -1916)
Propositions musicales
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Le coffret Sholem Aleikhem

Les mille et une nuits de Krushnik
Présentation
Dans ces mille et une nuits, le palais est un bateau d’émigrants fuyant vers l’Amérique. Shéhérazade, c’est Yankl, le narrateur, qui confie ses déboires : sa Krushnik natale n’a cessé de passer de l’occupation russe à l’occupation allemande. De quoi rendre fous les habitants juifs, véritables dindons de la farce.
Faire rire de la guerre – la Première Guerre mondiale – Sholem-Aleikhem s’y emploie avec brio.
Un récit écrit en 1915, l’un des derniers de l’auteur.
Extrait
« Donc, comme je vous l’ai promis, monsieur Sholem-Aleikhem, je vais commencer par mon fils aîné, mon Yehiel, que les Ruskoffs ont pris à la guerre et mis à tirer au même titre que les moujiks. […] Tu parles d’une science, tirer ! On attrape le machin, on appuie un coup, et ça tire ! Mais là n’est pas la question. Allez-y, fusillez-vous, pendez-vous, noyez-vous, et laissez mon Yehiel tranquille, pourquoi doit-il tirer avec vous ? »

Guitel Pourishkevitsh et autres héros dépités
Présentation du recueil
Guitel Pourishkevitsh et autres héros dépités contient trois nouvelles de la série des monologues, forme que l’auteur affectionnait particulièrement. Dans « Joseph », « Trois veuves » et « Guitel Pourishkevitsh », Sholem-Aleikhem propose une galerie de portraits truculents : anti-héros aux prises avec le développement du capitalisme et de la finance, l’embourgeoisement, l’émancipation des femmes, la sécularisation des enfants, mais aussi avec les luttes sociales qui menèrent à la révolution avortée de 1905. Il y règne une atmosphère tragi-comique et une extraordinaire autodérision.
Extrait des « Trois veuves »
Son nom, c’était Payè, mais on l’appelait « la jeune veuve ». Pourquoi ? Voilà que ça commence, les pourquoi ! Qu’est-ce que vous ne comprenez pas ? Sans doute que si on l’appelait la jeune veuve, c’est qu’elle était jeune et qu’elle était veuve. Figurez-vous que j’étais plus jeune qu’elle. De combien ? Qu’est-ce que ça peut vous faire ? Si je vous dis plus jeune, ça veut dire plus jeune.
