Une langue poème

Nurith Aviv
Nurith Aviv ©Radio France - Michal Heiman
Nurith Aviv ©Radio France - Michal Heiman
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"Yiddish": Un film de Nurith Aviv

« Un jour, raconte Roberto Juarroz, lors d’un festival de poésie quelques poètes étrangers furent chargés de la traduction de quelques-uns de mes poèmes. Un matin, un indigène Mapuche du Chili m’aborda et me dit : “Il y a dans votre poème un mot qui n’existe pas dans ma langue. Que faire ?” 

Le mot manquant dans la langue du Mapuche, c’était le mot miroir. Pour l’aider, je lui demandai si le mot « reflet » existait dans sa langue. “Oui, répondit-il, reflet se dit en deux mots : l’eau après la pluie[1].” »

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Magnifique anecdote qui nous fait comprendre que chaque langue est une vision du monde, que chaque langue singulière possède la clé d’une énigme qui se présente à l’humanité. Parfois même dans le mot manquant !

La moitié des plus ou moins 6000 langues de la planète risquent de disparaître d’ici la fin du XXIe siècle, nous dit le linguiste Nicolas Evans.

Que perdons nous quand une langue meurt ?

J’aime à me souvenir de ce que dit Georges Steiner dans « Après Babel » : « toutes les langues du monde lancent leur propre filets dans les profondeurs de l’océan et font remonter à la surface une richesse de ressources, une profondeur de pensée et une variété de forme de vie qui seraient restés autrement à l’état virtuel ». Fin de citation.

Dès lors qu’une seule langue disparaît et c’est tout un monde qui s’en va avec elle, mettant en péril la diversité culturelle de notre civilisation qui en est la vie même.

Ainsi vouloir la vie du monde, c’est se battre pour les mondes multiples c’est à dire les langues multiples qui les portent et les font accéder à l’existence. 

Vouloir le monde, c’est faire en sorte que le cœur de chaque langue continue à battre, en dialogue avec les autres langues, et si vous me demander où bat le cœur de chaque langue, je vous répondrai que c’est dans le poème. Et si vous me demandez s’il existe une « langue poème », je vous répondrai qu’il y en a certainement beaucoup, que toutes le sont à leur façon, mais qu’il y en a une, très singulière, qui a fait de son ordinaire un extra-ordinaire poétique, une langue qui faillit disparaître et qui ressuscite chaque jour :  je veux parler de la langue yiddish.

Langue poème que nous fait découvrir un film de Nurith Aviv intitulé tout sobrement Yiddish et qui nous offre, avec une force tranquille mais bouleversante, une déclaration d’amour pour cette langue et sa poésie, une rencontre avec une passion que partagent de jeunes chercheurs et enseignants aux quatre coins de l’Europe qui nous font découvrir cette façon toute poétique d’être au monde et comprendre la poésie différemment.

Comme dans le conte des Sept mendiants de Rabbi Nahman de Braslav, Nurith Aviv met en scène la rencontre de sept jeunes Maîtres es-Yiddish, qui tour à tour prennent la parole pour nous raconter leur amour pour cette langue qu’ils ont décidé d’apprendre, de parler, d’enseigner et d’en transmettre la beauté, la profondeur, la diversité et la joie qu’elle suscite de la parler, et de sa poésie la réciter !

[1] Michel Camus, Roberto Juarroz, Jean-Michel Place éditeur, 2001, collection « Poésie », p. 106 sq.  

L'invitée

Nurith Aviv est cinéaste. Elle a réalisé quatorze films documentaires, en faisant notamment des questions de langue un terrain de recherche personnel et cinématographique. Elle est la première femme chef-opératrice en France reconnue par le CNC. 

Elle a fait l’image d’une centaine de films (fictions et documentaires), entre autres pour Agnès Varda, Amos Gitaï, René Allio ou Jacques Doillon. 

Lauréate du prix Édouard Glissant 2009, deux rétrospectives vous ont été consacrées :  au Jeu de Paume en septembre 2008 et au Centre Pompidou en novembre 2015. 

Six de ses films sont sortis au cinéma accompagnés avec cette particularité très « talmudique » d’être accompagnés de débats avec des écrivains, des philosophes, des psychanalystes et de nombreuses personnalités du mondes des arts et des lettres. 

Nurith Aviv a reçu le Prix de l'Académie 2019 pour le rayonnement de la langue et de la littérature françaises.

Site de Nurith Aviv : http://nurithaviv.free.fr/

Transition sonore

1. Chopin à la 44ième minute

2. La voix de Valentina Fedchenko dans le Film Yiddish à découvrir sur les écrans à partir du 11 mars ici à 1' 04''

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3. La voix de Ievguéni Kissin à la 43ième seconde

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Le film "Yiddish" de Nurith Aviv

Nurith Aviv
Nurith Aviv
© Radio France - DR

YIDDISH est produit par Les Films d’Ici, en coproduction avec Laila Films, avec la participation de France TV et le soutien de La Fondation pour la Mémoire de la Shoah 

Distribution cinéma : Les Éditions Montparnasse

Rencontres autour du Film

Rencontres autour du Film Yiddish
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