"Dès que je mets le pied à bord, je voltige. La vie est là" disait Anita Conti. Autodidacte aux prémices de l’océanographie, elle est une pionnière et aventurière des mers. Toujours dotée de son appareil photo et de son carnet, elle en tirera son premier best-seller "Racleurs d’océans" en 1953.
- Maylis de Kerangal Écrivaine
- François Sarano Océanographe et plongeur professionnel
- Laurent Girault-Conti Plasticien, fils adoptif d'Anita Conti
- Claire Nouvian Directrice de l’association Bloom
Enfant de parents fortunés qui lui donnèrent très jeune le goût de l’aventure et de la mer, Anita Conti passa sa jeunesse à voyager à travers l’Europe, jusqu’à ce qu’en 1914, ses parents décident de s’installer sur l’île d’Oléron. À la fin de la guerre, elle part vivre à Paris et devient une relieuse d’art admirée et sollicitée par les plus grands écrivains tels que Pierre Mac Orlan et Blaise Cendrars.
Être la seule femme dans un bateau d’hommes dans un monde d’hommes, c’est un geste radical. Par ses écrits, par toute son œuvre, par toute sa vie, il y a quelque chose d’une héroïne chez Anita Conti, qui est très inspirant ... Maylis de Kerangal
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Parallèlement à cette réussite, Anita Conti continue de passer énormément de temps à naviguer en mer, à se documenter sur la faune et la flore marines et à publier des articles et reportages sur la pêche, si bien qu’en 1935, elle est engagée à l'Office Scientifique et Technique des Pêches Maritimes (OSTPM) et détachée à bord du premier navire océanographique français, le Président Théodore Tissier. Là, son rôle est d’observer les techniques de pêche, de tracer des cartes, d’étudier les fonds, les eaux et la profondeur des zones de pêche, et ce en vue d’optimiser l’activité des marins et des pêcheurs.
* La photo ci-dessus, datée du 10 décembre 1958, rend hommage à la première femme océanographe, biologiste, exploratrice Anita Conti. Elle montre la fameuse tourelle aux multiples hublots dans le port de Marseille. Anita Conti, depuis un mois à bord du navire hydrographique, le "Président Théodore Tissier" en mission en Méditerranée, est descendue à plus de 300 mètres de profondeur, en prenant place dans cette tourelle. Elle a, en plusieurs dizaines de milliers de photos et quatre livres, recueilli un témoignage unique sur la vie en mer et sa fragilité.
Anita Conti est quelqu’un qui, dès l’aube, a eu une vision aiguisée du monde la pêche. Monter en 1936 dans un bateau de pêche, aller au contact de la mer dans des conditions très difficiles, c’était incroyable. Et que nous dit-elle ? Les Grands Bancs de Terre-Neuve ne sont plus ce qu’ils étaient, les morues disparaissent, on ne peut pas continuer à ce rythme-là. C’est probablement une des premières personnes qui a vu sur le terrain et qui a écrit : Attention, la mer n’est pas inépuisable. C’est une pionnière. François Sarano
En 1943, le gouvernement d’Alger lui commande une recherche sur les ressources de poissons du littoral ouest africain et les méthodes de pêche traditionnelles qui y sont pratiquées ; ainsi, pendant presque dix ans, Anita Conti se consacrera à étudier et à prospecter les côtes de Mauritanie, du Sénégal, de la Guinée et de la Côté d’Ivoire, expérience qu’elle relatera dans son livre paru en 1957, Géants des mers chaudes.
Parmi ses nombreux voyages en mer, on peut aussi noter celui qu’elle réalisa en 1952 à Terre Neuve, durant les cinq mois de la saison de pêche, et duquel elle tira son premier best-seller Racleurs d’océans. De ces années d’étude et d’observation en mer, Anita Conti propose une vision alors inédite de ce que la pêche est et de ce qu’elle devrait être. Alarmée par la surexploitation des océans, elle s’efforcera toute sa vie de mettre en évidence ce problème et d’y proposer des alternatives. Elle fait ainsi campagne pour la réutilisation des "faux-poissons", c’est-à-dire des indésirables habituellement rejetés à la mer.
* Photo de la première femme océanographe, biologiste, exploratrice Anita Conti, lors de l'inauguration de la "Cité de la mer" à Dieppe (Seine-Maritime, Normandie, France). Elle était âgée de 94 ans.
Archive INA : Anita Conti décrit les aurores boréales dans l'émission Paris vous parle, le 18 décembre 1953 sur la Chaîne Nationale
Anita Conti dans le Journal parlé, le 18 décembre 1953 sur la Chaîne Nationale
58 sec
Au fil des conférences et des colloques auxquels elle participe, elle encourage également l’aquaculture, qu’elle pratique elle-même sur la côte adriatique et au sein de fermes aquacoles en mer du Nord.
Dès que je mets le pied à bord, je voltige. La vie est là. Anita Conti
Et en effet, elle ne s’arrêtera de naviguer que quelques années avant sa mort, à Douarnenez (Finistère, Bretagne, France), en 1997.
Anita Conti était une femme avec un regard, une femme avec une vision, dotée d'une voix magnifique... Elle avait une grande élocution, une grande mémoire, et une générosité. L’Autre était plus important qu’elle. Elle s’effaçait pour l’Autre. Elle m’a ouvert la porte, elle m’a parlé. Elle m’a ouvert ses boîtes, ses archives, et j’étais surpris de découvrir une vie aussi riche, un personnage aussi important. Une véritable œuvre qui s’exprimait par la photo et par le sillage, ses marques, sa trace. Laurent Giraud-Conti
Un documentaire de Camille Juzeau, réalisé par Yvon Croizier. Prises de son : Yann Fressy. Archives INA : Sabine Dahuron. Recherches internet : Annelise Signoret. Lectures de Bernard Allouf, extraites de Racleurs d'océans d'Anita Conti. (1ère diffusion 29 décembre 2018).
Pour aller plus loin
- Retrouvez toute une série de photographies d'Anita Conti sur le site de l'Agence VU et la bibliographie en bas de page.
- Anita Conti, femme-océan : portrait publié dans la revue Actualité Poitou-Charente n°40 (1998)
- Rencontre avec Anita Conti, relieuse, dans L’Intransigeant du 29 décembre 1931
- Anita Conti et les « Racleurs d’océans », un film de 10’ en ligne sur le site de l’Ifremer, avec quelques images filmées par Anita Conti (1952)
- Pour une sociologie de la pêche en haute mer : Anita Conti et Jean Gaumy, photographes. Article de François Cardi paru dans le numéro 5 de La nouvelle revue du travail (2014)
- Faire renaître Anita Conti, article publié dans Cols bleus, le magazine de la Marine et de la mer (décembre 2004)
- Bancs de Terre-Neuve, article d’Anita Conti, paru dans le numéro du 15 mars 1935 de L’Européen, en ligne sur Gallica
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