

Pina Bausch a développé un art de la scène mêlant des chorégraphies classiques et un jeu théâtral marqué par la violence des rapports inter-humains. Qui était donc cette femme discrète, et investie pourtant d'une aura éclatante ?
Dominique Frétard (Journaliste et critique spécialisée dans la musique et la danse), Gérard Violette (Directeur de théâtre, directeur artistique, et administrateur), Jo Ann Endicott (Danseuse), Bénédicte Billiet (Danseuse), Jutta Geiger (Danseuse), Rudolf Rach (Directeur des éditions L'Arche), Brigitte Gauthier (Professeure à l’Université d’Evry, historienne du théâtre et du cinéma, auteure), Nazareth Panadero (Danseuse).
Pina Bausch n’aimait pas parler, ni expliquer son travail. Elle demeure mystérieuse, y compris pour beaucoup des danseurs qui ont passé plusieurs décennies à ses côtés. Bien sûr, on connait les thèmes qui ont inspiré son œuvre : l’amour, la domination, le couple, la solitude.
Il faudrait y ajouter la famille et la germanité, sans doute moins visibles mais bien présents dans ses spectacles. Le viol aussi peut-être. Mais tout cela ne suffit pas à éclairer sa personnalité, si forte, si magnétique, si secrète.

Pina Bausch se forme à la prestigieuse Folkwang Hochschule d'Essen en Allemagne (aujourd'hui Folkwang Universität der Künste), puis part un temps aux Etats-Unis. Elle s'installe rapidement à Wuppertal, en Allemagne, où elle fonde le Tanztheater Wuppertal Pina Bausch (1976). Portée par son premier succès, Café Müller (1978), à la faveur de son élan créateur, ignorant les codes traditionnels de la danse classique, la compagnie fera le tour du monde dans les années 1980 et 1990.
Ce qui se passe, dans les spectacles de Pina Bausch, c'est qu'on ne peut jamais y être insensible. Elle vous prend, elle vous piège, elle vous agrippe. C'est esthétique ou c'est épouvantable. Non seulement c'est épouvantable, mais en plus c'est inoubliable.

Ses ballets s'inscrivent dans le genre de danse-théâtre, que Pina Bausch a initié. Les décors chatoyants et chargés constituent des contraintes pour les corps des danseurs, qui révèlent alors leurs potentiels. Elle transcrit dans le jeu qu'elle propose, les douceurs et les déchirures des relations amoureuses.
La chorégraphe était à la fois crainte et admirée par ses danseurs, avec qui elle communiquait par gestes, et sur lesquels elle exerçait une autorité immense.

On voit émerger des personnages à la Pina. On la voit elle, diaphane, droite, à la fois féerique et somnambulique, terrifiante par sa maigreur et par sa fragilité, et d'une dignité absolue. Et on voit les hommes, les femmes, s'entrelacer et se détruire." Brigitte Gauthier
Nous allons tâcher de revenir sur son parcours artistique, ce qu’elle a apporté au spectacle vivant en inventant cette "danse-théâtre". Nous tenterons aussi de mieux la comprendre malgré ses silences, en rassemblant les témoignages de danseurs qui ont travaillé avec elle, ainsi que de familiers de son œuvre.

Avec les danseurs Jo Ann Endicott, Bénédicte Billiet, Nazareth Panadero et Jutta Geike ; Brigitte Gauthier, universitaire, auteur de Le langage chorégraphique de Pina Bausch (Editions de l’Arche ; Rudolf Rach, directeur des éditions de l’Arche, qui détiennent les droits mondiaux des spectacles de Pina Bausch ; Gérard Violette, ancien directeur du Théâtre de la ville ; Dominique Frétard, journaliste.
Un documentaire de Matthieu Garrigou-Lagrange, réalisé par Jean-Claude Loiseau. Attachée de production : Anne de Biran. Prise de son : Ronan Mahé. Mixage : Olivier Dupré. Archives Ina : Géraldine Biasotto. Documentation et recherche internet : Annelise Signoret. Collaboration : Juliette Dronne et Sylvia Favre. (1ère diffusion : 10 avril 2011).

Pour aller plus loin
- Pina Bausch sur le site Danse aujourd’hui
- Hommage à Pina Bausch en 5 moments marquants à lire sur le site du magazine Numéro, juillet 2019
- Dominique Mercy : Rencontre de Pina Bausch et reconnaissance de soi. Entretien avec Anne Longuet Marx, publié dans Études théâtrales, n°49, (2010)
- Brigitte Gauthier, Chez Pina Bausch, le théâtre sert d’infrastructure à la danse, dans Études théâtrales, n°47-48, (2010)
- Biliana Vassileva Fouilhoux : La scène érotique chez Pina Bausch dans La scène érotique sous le regard, éd. Presses universitaires de Rennes, (2014)
- En 2008, quelques mois avant sa mort, Pina Bausch propose à Jo Ann Endicott, l'une des plus anciennes danseuses de sa troupe, de reprendre avec Bénédicte Billiet et des adolescents la pièce Kontakthof qu'elles avaient créée ensemble 30 ans plus tôt. "Les novices de Pina Bausch : rencontre avec Jo Ann Endicott" :
- Fabienne Pascaud, "Pina Bausch, dame de corps", Télérama, 30 juin 2009
- Une filmographie de Pina Bausch
- Marion Fournier, Eau et "ophélisation" chez Pina Bausch, article paru dans Trajectoires n°13, (2020)
- Sans Pina... vie et survie d’une troupe : article de Dominique Mercy publié dans Le journal de l'école de Paris du management, n°11, (2015)
- Pina Bausch : Rencontre avec Anne Martin, danseuse, chorégraphe et chanteuse, et Jean-Marc Adolphe, rédacteur en chef de la revue Mouvement, organisée en mars 2014 au Centre Pompidou
- Le site de la compagnie de Pina Bausch, Tanztheater Wuppertal Pina Bausch (allemand, anglais)
À lire aussi : Ils ont dansé avec Pina Bausch
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