Eva Perón : "Je renonce aux honneurs, pas à la lutte"

Enfant illégitime, née en 1919 dans une famille pauvre de province, Evita va connaître une ascension foudroyante : après être devenue vedette de fictions radiophoniques, elle épouse Juan Perón – de 25 ans son aîné – qu’elle assiste dans son ascension jusqu’à la présidence de la République argentine en 1946, devenant à 27 ans la Première dame du pays. Et loin de se borner à un rôle protocolaire, elle incarnera avec Juan Perón un pouvoir bicéphale : à lui l’axe droit, la relation avec les militaires, l’oligarchie, les milieux conservateurs et réactionnaires ; à elle l’axe gauche, la dimension sociale, le combat pour l’émancipation des femmes, et les relations avec les syndicats, les travailleurs et le peuple.

En 1947, Evita obtient le droit de vote pour les femmes et fonde le Parti Péroniste Féminin exclusivement composé de femmes. Un parti qui compte jusqu’à un demi-million d’adhérentes. En 1948, elle lance sa Fondation pour redistribuer aux défavorisés les richesses d’un pays prospère au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Sa Fondation, forte de 16.000 employés, crée des logements, des écoles, des hôpitaux, des colonies de vacances… Evita reçoit en audience à longueur de journée, accédant à toutes les demandes sans s’économiser. Une relation fusionnelle unit cette femme Dior, tirée à quatre épingles, avec son chignon blond irréprochable, à ces descamisados qu’elle hypnotise de sa voix rauque. Le lien est tel qu’en 1951, une foule l’exhorte au cours d’un rassemblement de deux millions de personnes organisé par la Confédération Générale des Travailleurs (CGT) à se présenter à la vice-présidence du pays… Mais peu après, son état de santé commence à se détériorer : Eva sera emportée par un cancer du col de l’utérus en juillet 1952. Elle a 33 ans.

À son décès, elle est la seule femme au monde à avoir autant de pouvoir politique. Ses funérailles seront grandioses, et son corps embaumé sera exposé au siège de la CGT d’où il sera dérobé, trois ans plus tard, par les militaires qui ont renversé son époux et qui ont peur de la ferveur qu’elle suscite encore. Cet enlèvement est le point de départ d’un long périple post-mortem…
Après sa mort, son image n’aura fait que grandir jusqu’à atteindre en Argentine et dans le monde un statut d’icône populaire unique : un pied dans la religion (morte à 33 ans, sans avoir eu d’enfant, et après avoir combattu toute sa vie pour les déshérités et contre l’injustice), un pied dans la révolution (adulée par les syndicats et les travailleurs, incarnation d’un combat pour un monde meilleur, aux côtés d’une autre icône argentine : le Che Guevara).

Pour en parler

• Guillaume de Gracia, anthropologue, professeur d’histoire, auteur de l’ouvrage De sueur et de sang. Mouvements sociaux, résistances populaires et lutte armée dans l'Argentine de Perón (1943-1976)
• Alicia Dujovne-Ortiz, écrivaine, auteure d’une biographie d’Eva Perón (Eva Perón, la madone des sans-chemises)
• Alain Rouquié, directeur de recherche émérite au Centre d’études et de recherches internationales de Sciences-Po, Président de la Maison de l’Amérique Latine, ancien Ambassadeur de France, spécialiste de l’Amérique latine contemporaine, et auteur de Le siècle de Perón, essai sur les démocraties hégémoniques
• Diana Quattrocchi-Woisson, historienne, chargée de recherche au CNRS, spécialiste de l’Argentine et du péronisme.

Bibliographie sélective

• Eva Perón, la madone des sans-chemises, Alicia Dujovne-Ortiz (Grasset, 1997)
• Le siècle de Perón, essai sur les démocraties hégémoniques, Alain Rouquié (Seuil)
• De sueur et de sang. Mouvements sociaux, résistances populaires et lutte armée dans l'Argentine de Perón (1943-1976), Guillaume de Gracia (Syllepses, 2016)
• Santa Evita, Tomas Eloy Martinez (Robert Laffont, 1996)

Filmographie sélective

• Evita ne dort pas (2015), film de Pablo Aguero
• Santa Evita (2022), série diffusée sur Disney+
• Evita (1997), film musical d’Alan Parker

Archives

Divers (extraits d'archives sonores et de films) : Discours d'Eva Perón sur le capitalisme oligarchique ( Evita Perón sobre el capitalismo, 17.10.1948) -  La cabalgata del circo (1945), film argentin de Eduardo Boneo et Mario Soffici - Juan Domingo Perón face aux travailleurs ( Discurso frente a trabajadores. Radio Nacional, 1945) - Discours Renunciamiento Eva (1951)

Archives Ina : Le 26 juillet 1952, la mort d’Evita Peron, dans Les Jours du Siècle (France Inter, 09.01.1997) - Inter Actualités de 19h00, (France Inter, 17.11.1974) - Extrait de la fiction Evita de Pablo Agüero, enregistrée à Angers en 2013, avec Jeanne Moreau et Denis Lavant (France Culture, 2013) - Rétrospective Eva Perón (RTF/ORTF, 04.09.1971)

Musique

¡Tango Vivo! (Noches De Buenos Aires) -  Piano Works, Anastassis Philippakopoulos (compositeur), Melaine Dalibert (piano) - Forced To Repeat Myself, Simon Whetham -  Cinq Chants d'Ath​è​nes, Emmanuel Cremer - #37, Mark Andre -  Sileen II, Rutger Zuydervelt.

Générique

Un documentaire de Federico Polo Devoto, réalisé par Franck Lilin. Prises de son, Nicolas Mathias. Mixage, Claire Levasseur. Coordination, Anaïs Kien. Archives Ina, Ingrid Lecointe. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. Attachée de production et page web, Sylvia Favre-Steyaert.

Pour aller plus loin

• Version française du site officiel d’Eva Perón
• Texte complet du livre d’Eva Perón : La razon de mi vida, en ligne sur le site journal argentin Infobae (juillet 2019)
• Biographie d’Eva Perón (en espagnol) à lire sur le site pédagogique El Rincon del Vago
• Eva Perón, un corps de femme dans la politique par Alicia Dujovne Ortiz, publié sur le site du Parlement des écrivaines francophones
• Le vrai visage d’Eva Perón, portrait publié dans Femmes françaises (hebdomadaire de l’Union des femmes françaises en août 1952) via Gallica
• Evita face à la caméra, d'Ernesto Babino dans Cinémas d’Amérique latine (n°24, 2016)
• The Legend of Eva Perón, portrait diffusé sur la chaîne YouTube, History Roadshow (mai 2022)
• The 20-year odyssey of Eva Perón's body, un article publié sur le site de la BBC (26 juillet 2012)