Pionnière en France de l’écoféminisme dont elle invente le nom, Françoise d’Eaubonne a embrassé, et devancé, les mouvements politiques du XXe siècle. En 1974, face à un capitalisme “au stade du suicide”, elle théorise: "C’est le féminisme ou la mort".
Je lègue à tous ceux qui m’ont aimée et me liront ou m’ont lue avec compréhension la haine irréductible d’une société plus immonde que toutes celles qui l’ont précédée, l’amour des hommes et des femmes qu’elle broie et dégrade de toutes les façons et à tous les niveaux, l’amour de l’environnement à ressusciter s’il est encore possible, et le soin de continuer la lutte contre le pouvoir patriarcal et impérialiste que mes dernières forces seront employées à maudire et mes derniers écrits à combattre. "Testament politique" (1991), cité par Élise Thiébaut dans L’Amazone verte (Leduc, 2021) Françoise d'Eaubonne
L’imagination comme seul pouvoir. En détournant le slogan iconique de mai 68 “l’imagination au pouvoir”, Françoise d’Eaubonne raconte à la fois les errements d’un mouvement auquel elle prit part mais dont elle dénonce immédiatement ou presque les impasses, l’absence de considération des pensées révolutionnaires qu’elle appelle du Désirant et du Refus, féministes et homosexuelles et la non remise en cause de la vicissitude fondamentale de notre structure sociale : Le pouvoir. Pour elle, tout mouvement révolutionnaire doit viser non pas le pouvoir mais la destruction de celui-ci.
Le pouvoir pourrit l'imagination, or l’imagination est un pouvoir. Pour Françoise d’Eaubonne, l’imagination comme seul pouvoir, c’est revendiquer la nécessité d’engager nos imaginaires dans la lutte contre le système mâle.
Il faut réinvestir et réinventer les mythes, s’emparer du pouvoir de la poésie, des mots, pour appréhender, et tordre, le réel. Renverser l’ordre établi passe par un renversement des imaginaires.
Un pouvoir de l’imagination dont son œuvre visionnaire et l’inventivité de de sa praxis militante faite de happenings et d’action directe sont les reflets.
C’est l’après 68, qui sera le sommet de sa vie. Hétérosexuelle en lutte contre l’institutionnalisation de l’hétérosexualité, elle qui fut en couple avec des hommes très violents, elle participera au mouvement de libération des femmes et cofondera le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, où elle rencontrera ses grands amours, des hommes bisexuels.
C’est aussi au FHAR qu’elle a l’un de ses déclics écologiques, qui lui fera écrire en 1974 dans Le Féminisme ou la mort :
Le moment nous semble venu d’exposer que le féminisme n’est pas seulement - ce qui lui a déjà donné sa dignité fondamentale - la protestation de la catégorie humaine la plus anciennement écrasée et exploitée, puisque la femme était esclave avant que l’esclave fût. Mais que le féminisme, c’est l’humanité toute entière en crise, et c’est la mue de l’espèce; c’est véritablement le monde qui va changer de base. Et beaucoup plus encore : il ne reste pas le choix; si le monde refuse cette mutation qui dépassera toute révolution comme la révolution a dépassé l’esprit de réforme, il est condamné à mort. Et à une mort à la plus brève échéance. Françoise d'Eaubonne
Tout au long des années 70, elle s’attache à articuler écologie et féminisme en théorie, en littérature et en pratique(s), elle fomentera ainsi un attentat matériel contre l'usine en construction de Fessenheim. Face à un capitalisme - dernier stade du patriarcat - responsable selon elle de la négation et de la mort du vivant (illimitisme, surpollution, impérialisme, génocides, surpopulation, destruction de la biodiversité…), elle en appelle à une mue - féministe - de l'humanité sinon quoi c'est l'espèce toute entière qui succombera.
En 1978, elle avertissait : Il vaut mieux avoir rendez-vous avec les femmes qu'avec l’Apocalypse.
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Intervenants
- Marie-Jo Bonnet, historienne, camarade de lutte
- Élise Thiébaut, journaliste féministe, biographe de Françoise d’Eaubonne
- Alain Lezongar, “fils adoptif”
- Isabelle Cambourakis, historienne, éditrice ( Éditions Cambourakis), la collection Sorcières de la maison d’édition Cambourakis a très largement participé de la diffusion de textes et pensées écoféministes en France.
- Vincent d’Eaubonne, fils de Françoise d’Eaubonne. Photographe des arts vivants, Arts de la Rue et Cirque principalement. Son site Instants de scènes
- Aurore Turbiau, doctorante en littérature, ses recherches portent sur les littératures féministes et lesbiennes francophones des années 70. Une partie de ses trouvailles et analyses précieuses se trouvent sur son blog Littératures engagées
- Myriam Bahaffou, doctorante en philosophie et en études de genre, co-préfacière de la réédition du Féminisme ou la mort (Passager clandestin, 2021)
Un documentaire de Clémence Allezard, réalisé par Annabelle Brouard. Prise de son Christophe Papon et Jean Guilin Mège. Mixage, Olivier Dupré. Archives Ina, Anne Delaveau. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. Page web, Sylvia Favre.
Un très grand merci à :
- Élise Thiébaut pour l’élan et la confiance
- Benjamin Toix, d’avoir bien voulu me confier pour un temps indéterminé son exemplaire de Les Bergères de l’Apocalypse dont je sais l’inestimable valeur
- Julie Gorecki, pour la riche conversation et le temps accordé
- Renda des Bombes Atomiques, pour le bel échange et l’interprétation à brûle pourpoint du chant
- Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir (28 place St Georges, Paris 9ème) pour nous avoir permis de visionner des archives du FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire)
- L’ IMEC (Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine), et tout particulièrement à Daniela Scancella, pour son accueil
Lecture de textes (extraits) par Anne Stephens : Féminisme ou la mort, Contre-violence et Bergères de l’Apocalypse de Françoise d'Eaubonne
Bibliographie
- Le Féminisme ou la mort (réédition 2020, Le Passager clandestin. 1974)
- Les Bergères de l’Apocalypse (Jean-Claude Simöen, 1977)
- Écologie et Féminisme. Révolution ou mutation ? (éditions Libre et Solidaire, 1978)
- Mémoires irréductibles, De l’entre-deux guerres aux années 2000 (Dagorno, 2001)
- Contre-violence (1978. Réédition à paraître en 2022, Cambourakis)
- Eros minoritaire (Balland, 1970)
- Le complexe de Diane (réédition 10.2021, Julliard. Première édition, 1951)
Autour de Françoise d’Eaubonne et de l’écoféminisme
- L’Amazone verte. Le destin incroyable de la première écoféministe, Élise Thiébaut (Leduc, 2020)
- Françoise d’Eaubonne & l’écoféminisme, Caroline Goldblum (Le Passager clandestin, 2019)
- Reclaim, recueil de textes écoféministes, sous la direction d’Émilie Hache (Cambourakis, 2016)
- Des femmes contre les missiles, Alice Cook et Gwyn Kirk (Cambourakis, 2016)
- Écologies déviantes, Cy Lecerf Maulpoix (Cambourakis, 2021)
- Françoise d’Eaubonne, à l’origine de la pensée écoféministe, article de Caroline Goldblum dans la revue Hommes & Société (n° 203-204, 2017)
- Marie-Jo Bonnet, Mon MLF (Albin Michel, 2018)
- Marie-Jo Bonnet, La maternité symbolique (Albin Michel, 2020)
Autour de la contre-violence
- Mutinerie et autres textes, Ulrike Meinhof (Des femmes, 1977)
- Sommes-nous trop sages devant la catastrophe ? un article d’Isabelle Cambourakis paru dans Terrestres, revue des livres, des livres et des écologies
Autour de la lutte féministe et antinucléaire à Bure
- Le site Bombes atomiques, collectifs féministes et antinucléaires, avec de nombreuses ressources
Films et documentaires vidéos
- Françoise d’Eaubonne, une irréductible rebelle, Denise Brial ( Atalante Vidéos Féministes, 2006)
- La révolution du désir, Alessandro Avellis (Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, 80 mn, 2006)
- Le FHAR, Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire, Carole Roussopoulos (Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, 26 mn, 1971)
Archives Ina :
- Radioscopie, Jacques Chancel (France Inter, 1977)
- Journal, Inter actualités, (France Inter, 1975)
Archive Ina : Dans "Théâtre sur mesure" de Louis Rognoni, "Godome et Sodore" de Françoise d’Eaubonne (France Inter, 30.12.1975)
2 min
Musique
- À la fin du documentaire : Poem for a Nuclear Romance (album Changing places) de Anne Clark
- Au fil de l'émission, des musiques des groupes Madensuyu, Pan Sonic et de Chamberlain, Sarah Neufeld.
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J’espère qu’on dira : Qu’est-ce qu’elle a pu nous faire rire! Et aussi que j’ai pu aider quelqu'un à se sentir plus libre. Françoise d'Eaubonne
Pour aller plus loin
- Françoise d'Eaubonne sur le site Le Maitron, dictionnaire biographique. Mouvement ouvrier, mouvement social
- Françoise d’Eaubonne, pionnière de l’écoféminisme et adepte du sabotage, article publié dans le quotidien de l’écologie Reporterre (10 octobre 2019)
- Et Françoise d’Eaubonne, "l'Amazone verte", créa l'écoféminisme, entretien avec Élise Thiébaut auteur de L'Amazone verte, le roman de Françoise d'Eaubonne (Charleston, 2021) à lire sur les pages dédiées aux Terriennes du site de TV5 Monde
- L’écoféminisme de Françoise d’Eaubonne. Une pensée de gauche escamotée ? article d’Iris Derzelle, paru dans la Vie des idées (décembre 2020)
- Françoise d’Eaubonne, la rebelle, entretien avec Marina Galimberti et Joëlle Palmieri, recueilli en juin 1999. En ligne sur le site de Joëlle Palmieri
- A propos des Bergères de l’Apocalypse (1977), article en deux parties d’Aurore Turbiau, publié sur son blog, Littératures engagées : Un “roman qui n’est — humblement qu’une épopée” : Françoise d’Eaubonne, Les Bergères de l’Apocalypse 1/2 (1977) - Une prophétie : mutation planétaire, terrorisme de contre-violence, destruction du régime hétéropatriarcal (d’Eaubonne, Les Bergères de l’Apocalypse 2/2)
- Françoise d’Eaubonne, Éros minoritaire : tel qu’il est vécu, dans Genre, sexualité & société (n°3, printemps 2010)
La semaine prochaine, à l'occasion de l'entrée au Panthéon de Joséphine Baker : Joséphine Baker (1906 -1975), une artiste engagée, un documentaire de Matthieu Garrigou-Lagrange, réalisé par Anne Sécheret (rediffusion du 24 novembre 2012).
L'équipe
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