Comment une femme d’un mètre quarante-sept, née Marguerite Leibowitch en 1910 dans une famille juive russe parlant yiddish, est devenue Margot Capelier, la "reine du casting", une légende du cinéma français ?
- Dominique Besnehard Acteur et producteur, ancien directeur de casting et agent artistique
- Juliette Binoche Actrice française
- Claude Capelier Philosophe, auteur et éditeur, fils de Margot Capelier
- Florence Dugowson Professeure de yoga, ancienne directrice de casting
- Costa-Gavras Cinéaste
- Bernard Stora Cinéaste et écrivain
- Danièle Thompson Scénariste, dialoguiste, réalisatrice et écrivain française
La fonction de casting director n’existe pas encore en France lorsque des réalisateurs américains commencent à tourner à Paris au milieu des années 1950. Contrairement à la France où ce sont les régisseurs qui s’occupent de la figuration et les premiers assistants qui ont la charge de la "distribution des rôles", les réalisateurs américains ont l’habitude de travailler avec un directeur de casting.
Technicienne du cinéma ayant fait, selon elle, "tout le périple"- comédienne (très peu), scripte, secrétaire de production, régisseur, régisseur adjointe, régisseur générale - Margot Capelier commence à faire du casting sans le savoir pour les "Américains" dans sa fonction de régisseur à partir de 1955. Elle baragouine l’anglais et connait tous les acteurs du moment. Elle va devenir progressivement la première directrice de casting en France et la seule à ce poste jusqu’en 1978, laissant une empreinte indélébile à tous ceux qui ont croisé sa route.
Née Marguerite Leibovitch en 1910 à Paris de parents juifs d’Odessa, Margot dit naître une seconde fois lorsqu’elle rencontre Jacques Prévert en 1934. Elle rejoint le Groupe Octobre, troupe contestataire à l’aube du Front Populaire. Son rêve de devenir comédienne se réalise alors puis se prolonge avec de courtes apparitions au cinéma chez Jean Renoir et Marcel Carné. Pendant l’Occupation, elle est protégée par Jacques Prévert qui l’engage comme assistante. Elle devient secrétaire de production, en particulier sur Les Enfants du Paradis. Elle commence à croiser "le monde entier", de Jean-Louis Barrault à Arletty, de Marcel Duhamel à Raymond Bussières, d’Alexandre Trauner à Roger Blin, de Julien Carette à Pierre Brasseur, de Mouloudji à Simone Signoret... la liste est interminable et réjouissante. Après-guerre, elle devient Margot Capelier, patronyme de son futur mari, le décorateur Auguste Capelier.
Infatigable spectatrice de théâtre depuis l’enfance, elle transforme sa passion pour les comédiens en un flair incontestable et devient, jusqu’en 1998, moins de dix ans avant sa mort, l’égérie de nombreux cinéastes. La liste de ses collaborations est trop longue, mais retenons, en vrac, en mélangeant réalisateurs français et étrangers, les noms de Martin Ritt, Gérard Oury, Henri-Georges Clouzot, Fred Zinnemann, Otto Preminger, John Frankenheimer, Joseph Losey, Costa-Gavras, Bertrand Blier, Roman Polanski, Henri Verneuil, Krzysztof Kieslowski ou Patrice Chéreau...
Margot dit n’avoir découvert personne, mais les carrières de Juliette Binoche, Isabelle Huppert, Irène Jacob, Maria de Medeiros, Charlotte Gainsbourg, Patrick Bruel, Anouk Grinberg, Lucas Belvaux Laure Duthilleul, Christophe Lambert, Lambert Wilson et de tant d’autres n’auraient pas les mêmes couleurs sans leur rencontre avec "la Reine du casting".
Avec les contributions de Raymond Bussières, Patrice Chéreau et Isabelle Huppert.
Bibliographie sélective
- Corinne Bacharach, Margot Capelier, reine du casting (Actes Sud, 2023)
- René Bertelé, Jacques Prévert, Éditer Prévert. Lettres et archives éditoriales 1946-1973 (Gallimard, “Les Cahiers de la NRF”, 2017)
- Dominique Beshenard, Casino d’hiver (Plon, 2014)
- Yves Courrière, Jacques Prévert. En vérité (Gallimard, “Biographies”, 2000)
- Michel Fauré, Le groupe Octobre (Christian Bourgois, 1977)
- Jean-Pierre Lavoignat, Danièle Thompson, Gérard Oury. Mon père, l’as des as (La Martinière, “Art et Spectacle”, 2019)
- Christine Leteux, Continental Films. Cinéma français sous contrôle allemand (La Tour verte, 2017)
- Gérard Moulévrier avec Jean-Philippe Zappa, L’Homme qui faisait briller les étoiles (Plon, 2017)
- Simone Signoret, La Nostalgie n’est plus ce qu’elle était (Seuil, “Biographies”, 2010)
Archives Ina diffusées
- Margot Capelier, directrice de casting dans Mémoires du siècle, un documentaire de Cécile Hamsy (France Culture, 6 mai 1990)
- Margot Capelier au micro de Jacques Chancel dans Quotidien pluriel, réalisé par Jean Morzadec (France Inter, 16 mai 1984)
- Décès de Margot Capelier, directrice de casting dans Inter Soir, Patrice Chéreau au micro de Vincent Josse (France Inter, 13 octobre 2007)
- Isabelle Huppert au micro de Michel Ciment dans À voix nue, réalisée par Christine Robert (France Culture, 18 mai 2018
- Raymond Bussières témoigne dans Le Bon plaisir de Maurice Baquet, réalisation Thierry Pons (France Culture, 3 janvier 1987)
- Comment se fait un film : Les Aventures de Rabbi Jacob, Margot Capelier au micro de Christian Colombani, Journal télévisé de 13 h (ORTF, 12 mai 1973)
- Le casting émission Tabou, Margot Capelier au micro de Philippe Royer (France Inter, 12 mai 1985)
Musiques et extraits de films
- Les Feuilles mortes, musique Joseph Kosma, direction d’orchestre et arrangements Michel Legrand (Label Bell Records 2614105)
- Les Ouvriers, chanson de Francis Lemarque (Label Frémeaux et Associés, FA 5310)
- Extrait de À la belle étoile, paroles Jacques Prévert, musique Joseph Kosma, chanson interprétée par Florelle dans Le Crime de monsieur Lange, film réalisé par Jean Renoir (Label EPM Records 983412)
- Extrait de Drôle de drame, film réalisé par Marcel Carné (1937), scénario Jacques Prévert, musique Maurice Jaubert, (Label Pacific 2302)
- Extrait de Toi que mon cœur appelle, chanson interprétée par Tino Rossi dans Le soleil a toujours raison, film réalisé par Pierre Billon en 1943 (Label Forlane UCD 19106)
- Musique du générique du film Les Enfants du paradis, réalisé par Marcel Carné, musique Joseph Kosma, direction d'orchestre Charles Munch (Label Milan 399422-2)
- Extrait de la bande-annonce du film Trapèze, réalisé par Carol Reed (1956), avec Burt Lancaster, Tony Curtis et Gina Lollobrigida
- Extrait de Rabbi Jacob : Danses symphoniques, composé par Vladimir Cosma pour le film Les Aventures de Rabbi Jacob réalisé par Gérard Oury en 1973 (Label Larghetto Music LARGH004/4)
- Extrait de Fairy Tale III, Allegro, composé par Leos Janacek, Bande originale du film L’Insoutenable légèreté de l'être, réalisé par Philip Kaufman en 1987
- 7 virtuoso Etudes d'après Gershwin (intégrale) : Fascinating rhythm, œuvre pour piano d'Earl Wild et George Gershwin, interprété par Xiayin Wang (Label Chandos)
Générique
Un documentaire de Corinne Bacharach, réalisé par Yaël Mandelbaum. Prise de son, Élise Leu, Christophe Michou, Andréas Jaffré et Stéphane Beaufils. Mixage, Bruno Mourlan. Archives Ina, Marie-Sophie Guillet de la Brosse. Coordination Anaïs Kien. Attachée de production et page web Sylvia Favre-Steyaert.
L'équipe
- Coordination
- Corinne BacharachProduction déléguée
- Réalisation
- Attaché(e) de production