Marguerite Boulc'h dite Fréhel (1891-1951). Telle qu'elle est

Portrait de Fréhel par le Studio Harcourt (1941)
Portrait de Fréhel par le Studio Harcourt (1941) - Wikimedia Commons - Domaine public - Studio Harcourt
Portrait de Fréhel par le Studio Harcourt (1941) - Wikimedia Commons - Domaine public - Studio Harcourt
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C'est Caroline Otéro, la célèbre "Belle Otéro", qui propulse la jeune Marguerite Boulc'h sur scène, en la dissuadant de conserver son vrai prénom, et la rebaptise "Pervenche Fréhel", qui deviendra vite Fréhel tout court.

Fréhel chante ce qu'elle vit, et vit ce qu'elle chante !

"J'ai toujours eu un faible pour les filles de l'eau, les miséreuses. L'eau m'attire et si un jour je voulais me suicider, ce serait en me jetant à l'eau. J'ai failli me noyer autrefois à Trouville. C'est mon ami Maurice Chevalier qui me sauva la vie. Depuis nous avons suivi des routes différentes" [...] Fréhel dans une interview d'Ali Héritier (La Rampe, 04.1931)

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Sa présence scénique et sa voix lui valent un succès rapide, et elle est la première femme en France à graver un 78 tours de chanson, en 1908. Fréhel se produit dans différents établissements, plus ou moins prestigieux, plus ou moins interlopes, plus ou moins honnêtes pour ce qui est des cachets, mais le succès est là.

Fréhel manifeste très tôt un goût immodéré pour la cocaïne, la morphine, et l’alcool, dont elle a d’abord un usage festif, dirait-on aujourd’hui, puis pour surmonter ses détresses amoureuses et l’ingratitude de la vie.

Maurice Chevalier à propos de Fréhel "Un joli visage de femme vient s’imposer dans ma vie. Elle a mon âge et, dans les cabarets de la nuit de la capitale, elle est en train de devenir la coqueluche des fêtards noctambules. Son nom fait penser aux landes bretonnes et sa beauté est étrange. Une voix chaude et brisée. Elle chante les amours des fortifs et, deux minutes après, vous force à rire dans de gavroches fantaisies. Elle est douée, depuis ses jolis pieds jusqu’à ses cheveux cendrés" [...]

Son premier mari la quitte peu après la mort en bas âge de leur enfant, et pour la chanteuse Damia, une de ses principales concurrentes et néanmoins amie. Plus tard, elle aura une liaison passionnée avec Maurice Chevalier, qui lui préfèrera Mistinguett. Décidément, la concurrence est féroce entre artistes de music-hall, tant sur le plan artistique que sur le plan sentimental.

François Hadji-Lazaro du groupe "Pigalle" rend hommage à Fréhel dans "Pollen" (France Inter 1992)

1 min

La rupture avec Chevalier est un désastre pour Fréhel, qui ne s'en remettra jamais. Celle-ci décide de partir pour Saint-Pétersbourg en 1914, invitée par une personnalité de la cour du Tsar, non pour fuir la guerre qui s'annonce, mais pour être certaine de ne pas croiser Maurice Chevalier ici ou là dans Paris. Elle tourne la tête de bien des hommes très riches, et mène en Russie puis à Bucarest auprès de la Reine de Roumanie une existence d'un luxe inouï. Mais ses passions funestes métamorphosent rapidement la ravissante jeune femme qu’elle fut en une épave, qu'on retrouve par hasard dans un bordel de Constantinople en 1923, avant que des connaissances parisiennes, dont son premier mari, organisent et financent son retour.

Elle rentre en 1924, après 10 ans d'errance en Europe de l'Est. Le directeur de l'Olympia se démène, avec quelques amis fidèles, pour faire remonter la grande Fréhel sur scène. Et son passage à l'Olympia est un triomphe, même si son public n’en revient pas de la voir ainsi démolie... Pour lui, elle chante à nouveau ses addictions variées, sa nostalgie permanente, les voyous des fortifications, le quotidien de la prostitution, les “filles de l'eau“, comme on appelait les candidates au suicide par noyade, et l'accordéon musette, qui est le roi des instruments.

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De nombreuses chansons immortelles qu’elle a créées nous sont parvenues ; citons La java bleue, Où sont tous mes amants ?, Tel qu’il est, La môme catch-catch, J’ai le cafard, Comme un moineau et tant d’autres. Fréhel chante ce qu'elle vit, et vit ce qu'elle chante. C'est un peu l'essence même de la chanson réaliste, mouvement dont elle fut certainement la chef de file.

Sa mort dans un sinistre hôtel borgne du IXe arrondissement émouvra intensément son public, qui lui aura décidément conservé une remarquable fidélité. Le monde pourtant sans pitié du music-hall organisera une collecte pour lui éviter la sépulture des indigents, et c’est une foule immense qui accompagnera sa dépouille jusqu’au cimetière parisien de Pantin.

Fréhel (1891-1951) à Paris, le 29 décembre 1948
Fréhel (1891-1951) à Paris, le 29 décembre 1948
© Getty - Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images

Pour en parler

  • Myriam Boyer, comédienne
  • Johann G. Louis, dessinateur, auteur d'une biographie dessinée de Fréhel
  • Emmanuel Robert-Espalieu, écrivain, dramaturge
  • Cécile Maistre-Chabrol, scénariste
  • Audrey Coudevylle, spécialiste de la chanson, maître de conférence à l'université de Valenciennes

Bibliographie sélective

À propos de Fréhel :

  • Johann G. Louis, Fréhel (Nada éditions, 2018)
  • Violaine Schwartz, Le vent dans la bouche (P.O.L., 2013)
  • Emmanuel Robert-Espalieu, Riviera (L'avant-scène théâtre, 2012)
  • Nicole et Alain Lacombe, Fréhel (Belfond, 1990)

Autres thématiques :

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Extraits diffusés :

Archives Ina

  • Philosophie de la chanson réaliste, documentaire d'été avec Louis Chevalier, historien, au micro de Christine Goémé (France Culture, 14.08.1983)
  • Interview de Fréhel sur Radio Lausanne, enregistrée le 4 novembre 1950, trois mois avant sa mort
  • La radio a bonne mémoire par Pierre Wiehn (France Inter, 08.08.1965)

Théâtre

Riviera, de Emmanuel Robert-Espalieu, lu par Myriam Boyer

Cinéma

  • Pépé le Moko, réalisé par Julien Duvivier (1937)
  • Le Roman d'un tricheur, réalisé par Sacha Guitry (1936)

Musique

Tel qu'il est de Maurice Alexander Charlys et Maurice Vander (1936) - Toute seule de Charles Seider et Eugène Gavel (1928) - La Coco de Dufleuve et Gaston Ouvrard (1929) - Voilà pourquoi (du film Le roman d'un tricheur, de Sacha Guitry, 1936) - Le fils de la femme-poisson de Charles Trenet (1936) - Ohé, les copains ! de Michel Emer (1939).

Jo Privat et Francis Lemarque se souviennent de "La java bleue" dans "Opus" (France Inter, 1990)

1 min

Générique

Un documentaire d'Olivier Chaumelle, réalisé par Marie Plaçais. Prise de son, Raymond Albouy. Mixage, Olivier Dupré. Archives INA, Mylène Touchais. Documentation d'actualité, Béatrice James. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. Page web, Sylvia Favre.

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