Lorsqu’il est assassiné le 25 juin 1998 sur la route de Tizi Ouzou en Grande Kabylie, passée l’émotion, une immense vague de colère parcourt l’Algérie, le Maghreb et l’Europe.
Pendant des années, le chanteur et poète Lounès Matoub, que l’on nomme aussi Matoub Lounès, fut le porte parole de la cause berbère, de la défense de la langue amazigh, en constante opposition avec le pouvoir algérien, en guerre contre les influences religieuses et culturelles en provenance du Moyen Orient.
"On est dans un pays où la censure, où le danger, sont si périlleux pour les gens qui contestent le régime, qui contestent l'arabo-islamisme, que le simple fait d'affirmer son amazirité est déjà un défi". Yalla Seddiki
Archive INA : "Nadia Matoub: Lounès Matoub, idole de la jeunesse", France Inter, 11/04/2000
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Né dans un village montagnard kabyle, il est scolarisé chez les Pères Blancs qui lui enseignent la poésie classique française. A la maison, il reçoit l’héritage culturel des mythes et contes berbères, des chants traditionnels. Adolescent, c’est un élève turbulent. Il commence à se produire sur scène dans sa région, à l’occasion de fêtes, de mariages. Certains le comparent à François Villon, pour son goût des mots et des rixes.
Ses premières chansons sont le fruit de ce double enseignement, mais il commence aussi à dénoncer la marginalisation, le racisme que subissent ses "frères berbères".
D’un point de vue musical, tout en s’inscrivant dans la lignée des grands interprètes et compositeurs algériens, il parvient à inventer son propre style, sa propre technique de jeu du mandole. Au travers de ses textes, il transmet à sa génération le nécessaire combat pour la reconnaissance de leur culture.
"Chaque mot, chaque métaphore [de Matoub Lounès], c'est comme un coup de poing de Mohammed Ali, ça pèse plus de cent kilos qu'on reçoit dans la tête." Akli D
Il transmet également l’héritage berbère, ses mythes et contes, ses auteurs, ses artistes, ses mélodies, ses figures politiques, largement occultés dans les livres d’histoire en Algérie. Dans ses textes, il défend la laïcité, les idéaux de la République Algérienne tels qu’ils ont été défendus lors de l’indépendance du pays.
Archive INA: "Lounès Matoub, l'espoir ne sera jamais assez", France Culture, 11/01/1995
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Lounès Matoub grâce à son talent musical et oratoire devient un symbole de liberté, un père pour les berbères d’Afrique du Nord et de la diaspora en Europe. Il est célébré par les militants indépendantistes, mouvements des droits des peuples autochtones, dans le monde entier. Il se fait aussi des ennemis, dans les cercles du pouvoir algérien, dans les sphères religieuses, mais aussi au sein de sa propre communauté. Lounès Matoub, devenu Matoub Lounès, dérange certains des siens par son ton, les paroles de ses chansons, jugées trop offensives, trop dangereuses.
"La fin tragique de son assassinat, toujours pas clairement déterminé, nous laisse penser qu'il participe tant de l'histoire artistique que de l'histoire politique de l'Algérie contemporaine". Naïma Yahi
Mais Matoub Lounès a réussi un exploit : aujourd’hui, berbères ou pas, des millions d’algériens fredonnent ses chansons et ses paroles.
Archive INA: "Malika Matoub évoque son frère et ce qu'il reste de lui en Algérie", France Inter, 15/04/1999
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Pour en parler
Naïma Yahi, historienne, directrice de Pangée Network ; Yalla Seddiki, docteur en Lettres modernes ; Abder Halit, architecte et responsable de l'Ecole de musique et de chants kabyles de Paris ; Akli D, chanteur ; Majid Salam, directeur des Chansonniers.
Merci à Tamilla At Âli, Serge Calka, Hakim Hamadouche, aux Chansonniers
Un documentaire d'Arnaud Contreras, réalisé par Marie Plaçais. Prises de son, Eric Audra. Mixage, Eric Boisset. Archives Ina, Arnaud Plançon. Documentation et recherche internet, Annelise Signoret, de la Bibliothèque de Radio France. Avec la collaboration de Maud Jussaume et Juliette Dronne, stagiaires. Nouvelle page web, Sylvia Favre.
Bibliographie
- Matoub Lounès et Véronique Taveau, Rebelle (Stock, 1995)
- Matoub Lounès et Yalla Seddiki, Mon nom est un combat (La Découverte, 2003)
- François Roca et Bruno Doucey, Lounès Matoub : "Non aux fous de Dieu" (Actes Sud junior, 2018)
- Malika Matoub, Matoub Lounès mon frère (Albin Michel 1999)
Pour aller plus loin
- Matoub Lounès éternel, le site consacré à l'artiste (biographie, intégrale des albums...)
- Il y a 20 ans, Matoub Lounès était assassiné, un article de Nadir Dendoune à lire dans le Courrier de l’Atlas
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- Algérie : vingt après l’assassinat de Matoub Lounes, le doute persiste, un article de Farid Alilat publié dans Jeune Afrique (juin 2018)
- L’énigme Lounès Matoub : De l’homo donator au fait social total, un article de Mohamed-Amokrane Zoreli, enseignant-chercheur en sciences économique à l’Université de Bejaia, en ligne sur le Journal du Mauss
- Site de la Fondation Matoub Lounès
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