

Retour sur la France des "Shadoks". Sébastien Denis évoque le contexte culturel et social et retrace l'histoire et les sources de cette série d'animation culte et unique apparue en 1968 et créée par Jacques Rouxel. En seconde partie : cabanes, nature, gros ours et petit lapin avec Nylso.
- Nylso Auteur de bande dessinée
- Sébastien Denis Historien du cinéma d'animation, dirige l'Unité de formation et de recherche des Arts à l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens
Les Shadoks, analyse d'un phénomène télévisuel unique
Épisode 4 : La France des Shadoks
La réception des Shadoks est complexe et très vite scindée en deux. D'un côté des téléspectateurs ravis d'avoir une émission décalée, hors des codes, de l'autre, des téléspectateurs mécontents face a un objet "dégénéré" provocant heurts et chocs dans les foyers. Cette réaction est celle attendue par Jacques Rouxel qui considère la série comme un moyen de bousculer l'habituelle routine télévisuelle...
Pour en parler, Sébastien Denis, professeur en études cinématographiques à l’Université de Picardie Jules Verne, agrégé d’arts plastiques et docteur en histoire du cinéma. Il est notamment spécialiste de la propagande pendant la guerre d’Algérie ainsi que du cinéma d’animation. Il est l'auteur de Les Shadoks : histoire, esthétique et pataphysique (INA, 2016).
Du 18 juin au 6 novembre 2016, le MIAM de Sète consacrait une exposition aux Shadoks.

L'invité culturel
Nylso , dessinateur, pour son livre Cabanes, comment les feuilles s’épanouissent, aux éditions Michel Lagarde, son exposition à la galerie Michel Lagarde à Paris du 12 mai au 29 juillet 2016 et son livre Gros ours et petit lapin aux éditions Misma.

Les cabanes de Nylso…
Les cabanes de Nylso sont du silence, si elles parlaient, elles chuchoteraient, elles murmureraient avec la brise, si elles parlaient elles diraient "Chuuut". Les paysages sont accueillants, juste ils frémissent, la cabane y est inscrite, croit-on, faite de la même argile (façon de parler, du même arbre serait plus exact, ou de la même encre). Et puis il se dégage que la cabane a fabriqué son paysage, son entour, son jardin (jamais sa frontière), ce qu’il lui faut pour garder son équilibre en toutes saisons. Elles ne s’opposent pas à la ville pas plus qu’un poème à un roman. Elles sont ailleurs.
Le promeneur n’est jamais loin, un Robert Walser en ferait le tour sans l’idée de les collectionner (mais peut-être de les énumérer), parce que c’est sur son chemin, quel que soit son chemin tant chacun a son mérite. Son abri sera le bienvenu, pour un petit somme, ou pour une bonne nuit de réparation. Le promeneur n’a rien prévu de tel, mais la cabane est là, dans les parages, il peut compter sur elle, même la plus inaccessible, même s’il ne lui demande rien. S’il passe à l’écart, il pourra la saluer pour signer son admiration, et enviera sa sérénité.
Elle ne répondra pas, n’oublions pas que le silence est sa manière d’éloquence. Dans Seeland, Robert Walser écrit : "Si j’étais peintre ou dessinateur, j’aurais certainement confectionné toutes sortes d’esquisses en chemin(…) un sapin, un hêtre, une cabane ou une ruine, un ruisseau, un fourré et son fouillis de leurs, de broussailles et de gazouillis, et force est de dire et reconnaître qu’il m’eût été difficile de restituer par un dessin le chant céleste, les bourdonnements et roucoulements". Dominique Hérody
Le gros ours et le petit lapin de Nylso…
Petit Lapin est vif, loquace, provocateur, égoïste et cupide. Il se prend pour un génie, mais détale comme un lièvre dès qu’il s’agit de sauver sa peau.
Gros Ours, lui, est un ours bien léché, posé, pas très bavard et peu sûr de lui. Imperturbable, il peut arpenter la forêt pendant de longues heures à la recherche d’un peu miel. Les deux animaux que tout oppose sont seuls au monde, échoués dans une nature affranchie de toute civilisation. Alors ils n’ont rien de mieux à faire que de se promener dans les bois, pêcher, se baigner dans les ruisseaux, lézarder au soleil… et philosopher !
Les saisons passent, ponctuées de pensées et de grandes réflexions sur le sens de la vie. Le lapin se prend pour un ours et l’ours voudrait bien devenir un lapin, et sans s’en rendre compte tous deux marchent main dans la main sur le chemin de la vérité. Les duos "petits/gros" ont toujours amusé, mais au delà de la simple apparence comique, Nylso apporte une profondeur rare au genre.
Les scènes de dialogues drôles et touchantes entre les deux acolytes sont entrecoupées de pauses contemplatives qui laissent place à la poésie des paysages. Toute la nature se met alors à vibrer avec le dessin de Nylso : on peut sentir l’herbe caressée par le vent, les feuilles des arbres qui frétillent, on entend les branches qui craquent, la terre qui respire.
Et cette nature, belle et imposante, est là pour mettre nos deux compagnons de route face à une angoisse universelle : la peur de la solitude (
éditions Misma).

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