Un objectif moral clair : épisode • 4/5 du podcast Tintin, encore et toujours

Un objectif moral clair
 - © Hergé-Moulinsart
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Longévité, succès universel : quelle est la recette de Tintin ? L'universitaire et essayiste Renaud Nattiez, auteur du récent ouvrage "Le mystère Tintin" nous propose son analyse. Dans la deuxième partie, le tintinologue Benoît Peeters compare les deux versions des Cigares du pharaon.

Avec
  • Renaud Nattiez Auteur spécialiste de Tintin, directeur de collection des éditions 1000 Sabords, administrateur de l’association les Amis d’Hergé
  • Benoît Peeters Écrivain, scénariste de bandes dessinées et éditeur, biographe d’Hergé

L'essayiste Renaud Nattiez, auteur du Mystère Tintin : les raisons d'un succès universel, aux éditions Les Impressions Nouvelles, analyse l'oeuvre d'Hergé : "Dans chaque album de Tintin, le mobile essentiel est la victoire du bien. Elle s’obtient de différentes manières, la résolution d’une énigme, la quête scientifiqueou le sauvetage d’un proche Dans Tintin au Tibet, en sauvant Tchang, Tintin a sauvé Hergé, en quelque sorte. Les mobiles de l’action s’orientent de plus en plus vers le privé, loin de la politique."

Un objectif moral par aventure

"L’album suivant, Les Bijoux de la Castafiore, est un album atypique, qui synthétise toute l’œuvre. L’intrigue se déroule sans quitter Moulinsart, et on y trouve de tout : du mystère, de la technique et même la presse people. Ensuite, viennent deux albums à part dans l’œuvre d’Hergé, un peu rajoutés, qui ne respectent plus vraiment ses canons. Tintin n’y croit plus, les bandits ne sont plus vraiment des bandits… Dans Vol 714 pour Sydney, ils sont ridicules, et les protagonistes vont jusqu’à oublier toute l’aventure à la fin, la dérision est partout, et même, graphiquement, la ligne claire n’y est plus aussi claire !"

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Deuxième partie / L’invité culturel :  Benoît Peeters, tintinologue, écrivain, scénariste, enseignant à l’Université de Lancaster en "Graphic Fiction and Comic Art". Il explique : "Tintin connaît l’Angleterre depuis 1937, dans L’Île noire ; les Anglais le connaissent bien aussi par des traductions. L’idée est de faire découvrir l’œuvre dans son histoire, son contexte, de plonger dans ses racines, dans l’évolution d’Hergé, qui a lui-même initié une tradition par la suite."

Comment enseigner Tintin à ceux qui ne sont pas nés avec lui ?

"C’est un album encore assez fantaisiste, mais d’un développement romanesque, loin des petites séquences des trois albums précédents. Hergé s’essaye au fantastique, à l’imaginaire, parsème l’histoire du signe de Kih-Oskh, il crée des personnages inhabituels comme les Dupondt, Philémon Siclone (lointaine préfiguration de Tournesol), Rastapopoulos… La version noir et blanc de 1933 est jubilatoire, elle possède une grande liberté, avec plein de séquences oniriques ; la version couleurs de 1955 possède la patte du studio Hergé, elle est classisée, comme refroidie."

54 min

"L’Île noire (1938) a été redessinée/colorisée deux fois, à la demande des Anglais, pour apporter plus d’authenticité à la couleur locale. Là aussi, je trouvais que c’était mieux avant, mais Hergé répondait « C’est plus authentique ». Et j’ai le sentiment que ce n’est pas cette authenticité que nous aimons, mais la capacité mythologique, égale des premiers films d’Hitchcock."

La voix de Tintin

Benoît Peeters : "J’aime beaucoup l’idée de la radio, comme autrefois du disque, appliquée à Tintin. Au fond, on prend un médium, la bande dessinée, qui ne possède pas toutes les dimensions, et on traite les dimensions différentes, on laisse une place à l’imaginaire. Peut-être que le film se rapproche un peu trop du réalisme. Je crois que la voix, les bruitages, la musique seuls peuvent nous donner un Tintin qui ressuscite en nous les images de l’album."

Références sonores
Extrait de l’adaptation radiophonique de l’album d’Hergé Les cigares du pharaon
Archive : Radioscopie , 9 janvier 1979, interview d’Hergé au micro de Jacques Chancel

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