La Chine est aujourd’hui un acteur majeur dans les technologies numériques. Mais sa conception du cyberespace, ancrée dans son histoire, en fait un acteur bien particulier, et qui entend exporter aussi bien son modèle au reste du monde.
- Séverine Arsène Sinologue, chercheuse au Média Lab de Sciences Po.
- Kavé Salamatian Professeur d’informatique à l’Université de Savoie. Chercheur en métrologie des réseaux cyberstratégie.
En Chine, tout a aussi commencé avec des chercheurs. Mais sans hippie, sans naïveté, sans utopie. Dès le départ, Pékin a pris très au sérieux cette histoire de connexion généralisée : à ses yeux, le réseau n’est pas un espace de non-droit. La lente et irrépressible montée en puissance de la Chine sur le Net s’est ainsi faite de manière extraordinairement méthodique. Avec une perspective en parfait contrepoint des doux rêves de la cybernétique. Si San Francisco a innové sous LSD, Pékin n’a eu, dès le départ, qu’un modèle en tête : le panoptique.
"Nous ici, derrière la Grande Muraille, nous pouvons accéder au monde"
Internet arrive en Asie grâce aux universitaires partis étudier à l’étranger via les systèmes de bourses. En rentrant, ils veulent avoir accès au Net, aux mails et aux services qui vont avec. En 1988, la Chine se connecte ainsi pour la première fois avec l’Europe et envoie le message suivant : "nous ici, derrière la Grande Muraille, nous pouvons accéder au monde". Cette phrase reste aujourd'hui le pilier de la cyberstratégie chinoise.
Mais le contrôle n'est pas nécessairement l'enfermement. La censure surveille, elle n’est pas là pour empêcher d'interagir, elle est d’abord là pour marquer des interdits. C’est une autre philosophie du lien que Pékin promeut : quand deux internautes s’écrivent, il faut qu’ils le sachent, leurs destins sont liés. La conversation les engage, libre à eux, ensuite, de se comporter en citoyens responsables.
On parle parfois de la Chine comme d’un immense atelier de contrefaçons. Une stratégie qui, appliquée au numérique, a permis à la Chine de devenir très vite une puissance technologique de premier plan. Au point, aujourd’hui, de parvenir à exporter ses applications, voire d’inspirer de nouveaux modèles d’affaires, aussi peu respectueux de nos vies privées que leurs homologues américaines.
Avec Séverine Arsène, politologue et sinologue, chercheuse associée au Médialab, et Kavé Salamatian, professeur à l’Université de Savoie, spécialiste de la mesure de l’Internet et de la théorie de l’information dans les réseaux.
Une série en 8 épisodes produite par Julien Le Bot, réalisée par Clotilde Pivin. Mixage : Claude Niort.
L'équipe
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