

Comment expliquer la trajectoire de Jean Renoir après le succès mondial de "La grande illusion", qui fait suite à "La vie est à nous", tourné pour le compte du PCF ? En 1939, il va réaliser une "Tosca", commande, cette fois, du fils Mussolini...
La première de La vie est à nous est programmée le 7 avril 1936 à la coopérative ouvrière de la Bellevilloise à Paris.
Le parti communiste n'a pas demandé de visa de censure car il souhaite privilégier une diffusion militante : réunion, meeting, usines en grève... Pour cela, il a donné naissance à une coopérative baptisée Ciné-Liberté, qui va assurer au film un grand retentissement populaire et participer à la victoire du Front populaire aux élections de mai 36.
Second épisode : Après la victoire...
Ciné-Liberté s'appuie sur la bouillonnante Maison de la culture impulsée par l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), présidée par Louis Aragon. Elle fédère dans ses locaux de la rue de Navarin une troupe de techniciens, de réalisateurs et de comédiens, membres ou sympathisants du parti communiste. Jean Renoir présidera la coopérative un temps.
Archive INA : Souvenirs et confidences de Jean Renoir (04.11.1958)
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Un an plus tard, suivant ce modèle collectif, le cinéaste va signer une nouvelle commande, émanant cette fois de la Cgt : La Marseillaise, en hommage à la Révolution française.

Elle (La Marseillaise) correspond au moment dans lequel nous l'avons tournée. Ce moment était un moment d'enthousiasme. C'était le moment du Front populaire, sorte de feu d'artifice avant la catastrophe. Pendant ce grand moment, nous avons pu croire, en France, que les querelles étaient terminées. Nous avons pu croire que nous arriverions à une espèce d'union. Une union de tous les Français appartenant aux classes les plus différentes, aux métiers les plus différents, les gens avec les préoccupations les plus différentes. Nous avons pu croire que nous arriverions à la fin de cette espèce de querelle éternelle qui oppose les Français depuis si longtemps. Jean Renoir
Mais alors que s'étiole la dynamique du Front populaire, Jean Renoir, qui a connu un succès mondial avec La grande illusion (1939), emprunte une trajectoire bien différente... Il part tourner une adaptation de Tosca dans l'Italie fasciste et fait des offres de service à Vichy...

Intervenants
- Bernard Eisenschitz, historien et critique de cinéma, fondateur de la revue Cinéma
- Maxime Grember, directeur de la cinémathèque Ciné-Archives
- Tangui Perron, historien du mouvement ouvrier et du cinéma, chargé du patrimoine audiovisuel à Périphérie (Montreuil, Seine-Saint-Denis)
- Pascal Mérigeau, biographe de Jean Renoir
Un documentaire de Stéphane Bonnefoi réalisé par Vincent Decque. Archives INA, Véronique Jolivet. Avec la collaboration d'Annelise Signoret, de la Bibliothèque de Radio France et Elna Fraysse, stagiaire.
Ce que j'aime dans Renoir, c'est qu'on ne peut pas le rentrer dans un modèle, dans un moule. Il résiste à tout. C'est un caméléon sur une couverture écossaise. Il n'y a pas de convictions profondes. Il n'y a pas de convictions politiques, c'est certain. Ça me parait absolument certain. Alors, on peut considérer ça comme un défaut. Ne pas avoir de conviction, c'est un défaut humain, peut-être, je ne sais pas. Mais c'est une qualité de cinéaste. Pascal Mérigeau

Bibliographie
- Jean Renoir de Pascal Mérigeau, Goncourt de la biographie 2013 (Flammarion, 2012)
- La belle illusion. Culture et politique sous le signe du Front populaire (1935-1938) de Pascal Ory (CNRS, 2016)
- La vie est à nous de Jean Renoir (Ciné-Archives, 1936) et La Vie est à nous, Le Temps des cerises, et autres films du Front populaire, un coffret Livre-Triple DVD (Ciné-Archives, 2016)
- L'Écran rouge, syndicalisme et cinéma de Gabin à Belmondo, dirigé par Tangui Perron et préfacé par Costa- Gavras (L'Atelier, 2018)
- 100 ans de parti communiste français, collectif (Le Cherche-Midi, 2020)
- Le Congrès de Tours de Jacques Giraud et Jean-Louis Robert (Le Temps des Cerises, janvier 2021)
Musique (extraits) : Bande originale du film La grande illusion de Jean Renoir (1937), composée par Joseph Kosma - La Tosca de Puccini

Archives INA :
- Art et esthétique, émission de Michel Zéraffa et Raymond Bellour (1969), à propos de la sortie du film en 1969
- Jean Renoir vous présente (1961), où Jean Renoir évoque son film La Marseillaise (1938)
Extraits de films de Jean Renoir : La vie est à nous (1936) - Toni (1935) - La règle du jeu (1939) - La Marseillaise (1938)
Archive INA : Émission "Remettez-nous ça" : La création du "Groupe Octobre" racontée par Raymond Bussières et Jean-Paul Le Chanois (21.02.1974)
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Pour aller plus loin
- La vie est à nous et les films du Front populaire sont disponibles sur Ciné-Archives, le fonds audiovisuel du Parti communiste français et du mouvement ouvrier.
- Valérie Vignaux. Ciné-Liberté ou l’autre cinéma du Front populaire. Dans Le Front populaire et le cinéma français, Laurent Creton et Michel Marie (dir.), Presses de la Sorbonne nouvelle (2017)
- Le site cinéphile La belle équipe met en ligne diverses revues de 1936 sur La vie est à nous.
- De « Ciné-Liberté » à La Marseillaise : espoirs et limites d’un cinéma libéré (1936-1938), article de Pascal Ory publié dans Le mouvement social en janvier 1975. À lire sur Gallica.
- Article de Lucien Logette, à propos de La vie est à nous, publié sur le site de la revue Jeune Cinéma en juin 2016.
- Dossier de presse réalisé pour la sortie du film en version restaurée en juin 2016 par Tamasa.
- Sur le site La Belle Équipe, hommage à l'âge d'or du cinéma français à travers les revues d'époque, la revue de presse pour La vie est à nous.
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