

Visionnaire et précurseur, Bernard Natan fut un grand entrepreneur français au service du 7ème art, la passion du cinéma ayant animé au quotidien l’ensemble de sa carrière et sa vie, écourtée par l’histoire.
A l’époque du déchainement antisémite, Bernard Natan est victime des pires calomnies. "C’était sans doute le juif le plus haï après Stavisky", témoigne Serge Klarsfeld. Il avait alors le tort d’être juif, d’origine étrangère, qui plus est Roumain, et d’être devenu en quelques années un homme riche et puissant.
La crise américaine de 1929 et ses nombreuses retombées vont bientôt plonger l’Europe dans une incertitude économique. Gaumont, concurrente directe de Pathé-Natan, étouffée par des dettes, dépose le bilan. Les yeux se tournent ensuite vers la firme au coq. "Qui est ce juif Bernard Tannenzapf dit Natan à la tête du cinéma français ?" se demandent dès 1935 des plumitifs d’extrême-droite. L’entrepreneur est accusé de mauvaise gestion, on lui ressort son court passé de producteur de films grivois pour mieux dresser une image sulfureuse de ce bon père de famille.
Archive INA : Philippe Esnault s'entretient avec Jean-Paul Le Chanois. Extrait de "Les Archives sonores du cinéma français", le 31 mai 1978. Phonothèque de l'ORTF.
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Cette campagne de démolition entraînera un procès. Dans l’une des rares archives sonores qui existent de l’intéressé, il y a ces images émouvantes où dans le box des accusés, Natan se cache le visage avec un journal avant de s’adresser aux journalistes : "Ce n’est pas une comédie mais une tragédie !"
Si vous voulez, Bernard Natan a trop bien réussi et trop vite. Et dans le monde de la bourgeoisie des affaires de l’époque, il commence à être mal vu. Et, j’allais dire, cerise sur le gâteau si je puis dire mais ce n’est pas tout à fait le cas, il est juif, en plus. Et donc là, on a commencé à sortir des histoires absolument sordides et oui, avant la guerre, on s’est rendu compte que la France était antisémite. Y’a aucun doute là-dessus. Philippe Durant, biographe et auteur.
Il sera condamné en 1939 et en 1941. Déchu de la nationalité française par le gouvernement de Vichy, il sera livré à l’occupant et déporté à Auschwitz le 25 septembre 1942 où il mourra quelques semaines plus tard.
La légende de "l’escroc juif, responsable du détournement de centaines de millions de francs, qui a ruiné l’empire Pathé" va prospérer et est toujours présente dans toutes les histoires du cinéma.

Intervenants
- Philippe Durant, biographe et auteur de l'ouvrage Le fantôme du cinéma français - Gloire et chute de Bernard Natan (La manufacture de livres, 2020)
- Rebecca Zlotowski, scénariste et réalisatrice du film Planétarium (2016)
- Serge Klarsfeld, historien et avocat français, défenseur de la cause des déportés juifs en France
- Jacques Choukroun, historien du cinéma français et auteur de Comment le parlant a sauvé le cinéma français : une histoire économique 1928-1939 ( AFRHC, Association Française de Recherche sur l'Histoire du Cinéma, 2008).
- Lénick Philippot et Françoise Ickowicz, petites-filles de Bernard Natan.
Archive INA : Le journaliste Francis Crémieux visite et décrit de façon très détaillée le camp d'extermination d'Auschwitz (Chaine nationale, 24.11.1948)
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Les gens ont été arrêtés 24 heures avant d’être déportés. Le train a mis 36 heures pour arriver à Auschwitz et donc les gens étaient gazés 72 heures après avoir dormi dans leurs lits. Et n’ont participé à cette tragédie que la police d’état. Serge Klarsfeld, historien et avocat français, défenseur de la cause des déportés juifs en France.

Un documentaire de Lénora Krief, réalisé par François Teste. Archives INA, Sandra Escamez. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France.
Et là, la presse se déchaine contre lui. La presse se dit "il a gagné trop d’argent, c’est suspect. Donc, il est juif, il a détourné". Certains disent qu’il a financé des ministres, qu’il a payé des pots-de-vin à des gens… Donc vraiment, il y a toute une propagande qui commence à se déclencher et on dit tout et n’importe quoi sur lui sans jamais mener vraiment une enquête sérieuse et sans jamais vérifier les sources des ragots parce que des ragots, y’en a de partout, et surtout dans le monde du cinéma où chacun essaye de flinguer l’autre. Philippe Durant, biographe et auteur.
Archives INA : Entretien avec Max Douy (31.05.1978) - Procès de Bernard Natan (11.07.1941) - Inauguration de l'exposition "Le Juif et la France" au Palais Berlitz à Paris (12.09.1941).
Extraits diffusés : Planétarium (2016), le film de Rebecca Zlotowski (produit par Les Films Velvet)
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Musique (extraits) : Bande originale du film Planetarium (Hippocampus / Music Box Records (10 novembre 2016) - Vinyle / 2 CD) de Rebecca Zlotowski. Musique composée par ROB (Robin Coudert) - Frédéric Junqua (Supervision musicale). Partition lyrique enregistrée avec l'Orchestre d'Abbey Road (Londres)
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Pour aller plus loin
- Le juif à l'écran en France vers la fin des années trente, article de Rémy Pithon, publié dans la revue Vingtième Siècle, n°18 (1988)
- Voici comment Bernard Natan, producteur de Ces Messieurs de la Santé, conduisait la valse des millions, article sur le procès de Natan signé Frédéric Pottecher, alors journaliste à Paris-Soir (31 décembre 1938).
- Six cents millions ont disparu…, article publié dans Candide (journal dirigé par Jacques Doriot) le 4 janvier 1939 (page 2).
- Le juif et le cinéma, article publié dans Ciné-Mondial, l’hebdomadaire du cinéma le 26 septembre 1941 (page 8).
- Bernard Natan, la réhabilitation d'une légende oubliée du cinéma français, article paru dans Les Echos (21 mai 2015).
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