

L'usine LIP est devenue un lieu de passage, un espace centrifuge ouvert à toutes les luttes des années 70, du Larzac aux grévistes de la France entière, aux féministes. Une conscientisation à vive allure agite les LIP !
Monique Piton se trouve au cœur de l’action chez LIP. Dans une vidéo installation, Monique remplace le mot femme par arabe et se joue des codes en livrant sa version de la grève.
Les femmes de LIP ont vécu 68, et comme Monique Piton ou la syndicaliste Fatima Demougeot, elles envisagent une révolution dans la révolution.
Le Frère dominicain Jean Raguenès, membre du comité d'action, évoque une "communauté vivante", il se décrit lui-même comme un représentant des "fous-sages, des gens qui veulent dès maintenant autre chose que cette société conformiste", et il décrit l'un des artisans des luttes LIP, Charles Piaget, comme l'un de ces "sages-fous", incarnés par "les mécanos bisontins et francs-comtois de souche, paysans devenus ouvriers, ouverts à l'aventure". Ils partagent tous les deux une certaine idée la "démocratie de l'informel".

Les femmes de LIP, elles, s'évadent de l'usine et des ménages trop bien rangés. Elles rêvent, et réfléchissent à haute voix. Elles tendent un miroir aux camarades : êtes-vous prêts au cœur du mouvement à interroger les salaires, la place des hommes dans les syndicats, à redéfinir le rôle de chacun ?
La brochure "LIP au féminin" paraît, les films de Carole Roussopoulos sont projetés dans l'usine et ce qui était tenu sous la table, devient objet de débat.
Extrait d'un débat à Paris, à la Mutualité, entre des ouvrières de l'usine LIP (dans "Les après-midi de France Culture", 08.01.1974)
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Seulement, il faut aussi reprendre le travail et retrouver l'ordre et la hiérarchie, qui furent un temps suspendus. Un patron de gauche, de 1974 à 1976, Claude Neuschwander, jeune publicitaire, membre de la CFDT et du PSU est choisi pour diriger l'usine horlogère de Besançon. Il échoua, ou on le fit échouer, "siphonné par la droite giscardienne" diront certains.
Élu à l'Élysée en mai 1974, Valéry Giscard d’Estaing considère le bras de fer remporté par les LIP et les syndicats comme un affront : une entreprise d'utilité sociale où ingénieurs et ouvriers élaborent ensemble des plans de production, s'approprie l'outil de travail, ressemble à une provocation manifeste. L'entreprise Renault annule ses commandes de montres ; le ministère de l’industrie supprime un versement promis tandis que l’indemnisation du chômage est "concédée" aux travailleurs.
Mais c'est une autre histoire à raconter.
Pour en parler
- Monique Piton, militante féministe et contre le chômage, auteure et dessinatrice
- Nicole Fernandez Ferrer, responsable des Archives du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir
- Guillaume Gourgues, maître de conférences à l'Université Lyon 2 et attaché au laboratoire Triangle
- Pauline Brangolo, historienne, enseignante. Elle a obtenu le Prix Maitron 2016 pour son mémoire, Les filles de LIP (1968-1981). Trajectoires de salariées, mobilisations féminines et conflits sociaux (M2, Univ Paris 1, sous la direction de Frank Georgi, 2015, 140 pages)
Un immense merci à Monique Piton, Nicole Fernandez Ferrer, Marie-Jo Bonnet pour les chansons archivées et aux éditions Syllepse.
Dans "Radio libre", "Nous, les LIP : 1973-2003, parcours d'engagement", ou comment les femmes ont fait leur propre révolution à l'intérieur du conflit LIP (France Culture, 22.11.2003)
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Bibliographie sélective
- Pourquoi ont-ils tué Lip ? De la victoire ouvrière au tournant néolibéral, Guillaume Gourgues (Raisons d'agir, 20108)
- L'affaire Lip. 1968-1981, Donald Reid (Presses universitaires de Rennes, coll. "Histoire", 2020. Trad. Hélène Chuquet)
- Mémoires libres, Monique Piton (Syllepse, 2010)
- C'est possible. Une femme au cœur de la lutte de LIP (1973-1974) , Monique Piton (Éditions des femmes, 1975. Réédition L'échappée, édition établie par Charles Jacquier, 2015)
- On fabrique, on vend, on se paie, Charles Piaget (Syllepse, collection "Coups pour coups" 2021)
- Pauline Brangolo, Les filles de LIP (1968-1981). Trajectoires de salariées, mobilisations féminines et conflits sociaux (Université Paris 1 Panthéon - Sorbonne : Centre d'Histoire sociale du XXème siècle, 2015). Prix Maitron 2016
Archives et filmographie (extraits diffusés) :
Carole Roussopoulos,
Monique. LIP I,
Christiane et Monique. LIP V,
Centre audiovisuel Simone de Beauvoir
Dominique Dubosc ,
L’Affaire LIP 1973-1974

Musique (extraits) : Essaie pas, Demain est une autre nuit - Aphex Twin, Prep gwarlek 3b - Krzysztof Komeda, Walk on the water - Brigitte Fontaine, Moi aussi - Lesley Gore, You don't own me - Tricky, Like a stone - Brigitte Fontaine et Areski, Ma rue 1974 - Brigitte Fontaine, L'éternel retour.
Générique
Un documentaire de Nedjma Bouakra, réalisé par Céline Ters. Archives Ina, Juliette Cuif. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. Attachée de production et page web, Sylvia Favre.
Pour aller plus loin
- Présentation du livre de Monique Piton, C’est possible ! Une femme au cœur de la lutte de Lip (1973-1974) dans Travail, genre et sociétés (n°38, 2017)
- Monique Piton, une femme engagée, portrait paru sur le site de la commune de Montmahoux, dans le Doubs
- Les ouvrières et le mouvement social : retour sur la portée subversive des luttes de chez Lip à l’épreuve du genre. Thèse de sociologie de Lucie Cros (Université Bourgogne Franche-Comté, 2018)
- Des ouvrières en lutte dans l’après 68, rapports au féminisme et subversions de genre, par Fanny Gallot et Eve Meuret-Campfort, dans Politix (n°109, 2015)
- Site du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir (Paris 9ème, 28 Place St Georges)
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