La bugne et le docteur : épisode 1/2 du podcast Henri Vidal, quand l'assassin fait son portrait

Portrait d'Henri Vidal, le "tueur de femmes" pris à la prison Saint-Paul en juin 1902
Portrait d'Henri Vidal, le "tueur de femmes" pris à la prison Saint-Paul en juin 1902 - BM Lyon, Fonds Lacassagne, Ms 5263
Portrait d'Henri Vidal, le "tueur de femmes" pris à la prison Saint-Paul en juin 1902 - BM Lyon, Fonds Lacassagne, Ms 5263
Portrait d'Henri Vidal, le "tueur de femmes" pris à la prison Saint-Paul en juin 1902 - BM Lyon, Fonds Lacassagne, Ms 5263
Publicité

« La société a les criminels qu’elle mérite », l’expression a fait florès et on la doit à un inspirateur de la criminologie française : le médecin légiste lyonnais Lacassagne. Le docteur cherche à assembler un matériel «autobiographique » afin de percer à jour les criminels.

Avec

Henri Vidal, le «tueur de femmes» est l’un d’entre eux. L’assassin fut, certes, aux premières loges de ses crimes, mais que peut-il en dire ? 

A qui appartient la vie de l’assassin ? 

Publicité

1er épisode : La bugne et le docteur

Un soir d’été, Henri Vidal erre dans la ville de Nice attiré par de jolis minois de prostituées, il fréquente l’une d’entre elles qui rapporte ce récit lors du procès du tueur: 

« Nous nous sommes mis au lit, mais mon client avait une attitude tout autre que celle d’un homme qui désire une femme. Nous sommes restés deux heures ENVIRON sans avoir aucune relation intime (…). »

« Cet homme avait des attitudes étranges et je me suis tenue constamment sur mes gardes car j'appréhendais un malheur, à tel point que j'ai refusé catégoriquement d'éteindre la lampe, bien qu'il me l'eût demandé à plusieurs reprises. Vidal ne voulait pas me quitter. Je réussis à m'en débarrasser. Le lendemain, il revint à une heure. Je prétextais la présence de ma couturière pour ne pas le recevoir. Vidal laissa sa carte : "Vidal, comestibles, Beaulieu."

- Vidal, que vouliez-vous faire ? Vouliez-vous la tuer ? »
- Si j'avais voulu la tuer, je l'aurais tuée. » 

Le tueur de femmes : Vidal devant la Cour d'Assises de Nice ("Le Matin" novembre 1902)
Le tueur de femmes : Vidal devant la Cour d'Assises de Nice ("Le Matin" novembre 1902)

Il en tuera une autre puis une autre. Il échouera aussi souvent. Les aveux sont facilement obtenus, les témoins bien présents à la barre. Les premières victimes sont deux prostituées, poignardées sans motif apparent dans le centre-ville d’Hyères, et grièvement blessées. Trois jours plus tard, une autre fille publique est victime d’une agression au couteau à Tamaris près de Toulon ; cette fois-ci, elle sera tuée. Puis, c’est une jeune voyageuse d’un train de la ligne reliant Nice à Monte-Carlo qui est sauvagement égorgée dans son compartiment avant d’être jetée sur les voies. Ce qui le fit surnommer le «  tueur de femmes ».

Pourquoi s’intéresser à un homme frustre et sans profondeur, « une bugne » selon le rapport des experts ? 

Philippe Artières et Dominique Kalifa tracent la voie  à suivre : dans « L’affaire Henri Vidal », dans cet anti-récit, ils opèrent un montage de textes – autobiographie, lettres,  dépositions coupure  de presse et laissent intact la cacophonie du réel. La vie infâme de Henri Vidal sort de sa geôle, éclatée, indéchiffrable comme souhaitait le grand arpenteur de ces vies, Michel Foucault : 

«  (…) les pauvres esprits égarés sur les chemins inconnus, ceux-là sont infâmes en toute rigueur ; ils n'existent plus que par les quelques mots terribles qui étaient destinés à les rendre indignes, pour toujours, de la mémoire des hommes. Et le hasard a voulu que ce soient ces mots, ces mots seulement, qui subsistent. Leur retour maintenant dans le réel se fait dans la forme même selon laquelle on les avait chassés du monde. Inutile de leur chercher un autre visage, ou de soupçonner en eux une autre grandeur ; ils ne sont plus que ce par quoi on a voulu les accabler : ni plus ni moins. Telle est l'infamie stricte, celle qui, n'étant mélangée ni de scandale ambigu ni d'une sourde admiration, ne compose avec aucune sorte de gloire. » La vie des hommes infâmes , Michel Foucault, Dits Écrits Tome III Texte n°198

Un documentaire de Nedjma Bouakra réalisé par Manoushak Fashahi. Mixage : Claude Niort. Archives INA : Amélie Briand Le Jeune. Documentation et recherche internet : Annelise Signoret. Collaboration : Suzanne Saint-Cast.

Alain Lenglet est la voix du docteur Lacassagne 

Jacques Bonnaffé est la voix de la bugne Henri Vidal

Archive INA : Témoignage de Monsieur Fouillard (orthographe incertaine), ami de Madame Buisson, malheureuse victime de Landru – 04/04/1956

4 min

Exposition : Archives Nationales : du 14 septembre 2019 au 18 janvier 2020 en partenariat avec France Culture

La science à la poursuite du crime 

Alphonse Bertillon (1853-1914), pionnier des experts policiers tient une place essentielle dans l'histoire des savoirs sur le crime.
Établir avec certitude « qui est qui », photographier et cartographier méthodiquement les scènes de crime, collecter et analyser les moindres traces laissées par les malfaiteurs là où ils commettent leurs forfaits… Sherlock Holmes ainsi que les nombreux enquêteurs des séries policières et autres polars lui doivent beaucoup.
Rien ne semble échapper à ce fin limier qui, entre la fin du XIXe et le début du XXeŒ siècle, révolutionne les méthodes d'identification et influence les pratiques policières à travers le monde entier.

Reconstitution d'une scène de crime par Norbert Fleury et Joël Machecler (service régional de l'identité judiciaire de la préfecture de Police).

Archives nationales, 59, rue Guynemer 93383 Pierrefitte-sur-Seine
Métro : Saint-Denis-Université

Bibliographie

Archive INA : Témoignage d’André Galland, illustrateur de presse au procès de Landru – 11/04/1956

3 min

Pour aller plus loin ...