La marche impériale : épisode 1/2 du podcast Bokassa 1er, grandeur et décadence d'un soldat français

Sacre de Bokassa 1er, empereur de Centrafrique le 04 décembre 1977 à Bangui
Sacre de Bokassa 1er, empereur de Centrafrique le 04 décembre 1977 à Bangui ©AFP - Pierre Guillaud - AFP
Sacre de Bokassa 1er, empereur de Centrafrique le 04 décembre 1977 à Bangui ©AFP - Pierre Guillaud - AFP
Sacre de Bokassa 1er, empereur de Centrafrique le 04 décembre 1977 à Bangui ©AFP - Pierre Guillaud - AFP
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Il a voulu qu’on l’appelle Monsieur le président à vie, Monsieur le Maréchal et Son Altesse Impériale. On lui a rétorqué qu’il était un ogre, un soudard et un bouffon. Voici l’histoire de Jean-Bedel Bokassa, ou l’itinéraire extraordinaire d’un soldat de la Coloniale.

Jean-Bedel Bokassa est un homme qui veut tout et pour qui tout n’est pas encore suffisant.

1939 : engagé volontaire dans l’Armée coloniale à Brazzaville ; 1950 : Adjudant ; 1961 : Capitaine ; 1966 : président de la République Centrafricaine ; 1972 : président à vie ; 1974 : Maréchal ; 1977 : Empereur de Centrafrique. Si Jean-Bedel Bokassa a pu réaliser ses fantasmes mégalomaniaques et vivre sa propre apothéose, c’est qu’il a été soutenu par la France. Du moins aussi longtemps qu’elle a jugé raisonnable de le faire.

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Premier épisode : La marche impériale

La Centrafrique est un ancien territoire de l’Afrique Equatoriale Française. Et à son indépendance, en 1960, pas question pour la France de perdre son influence dans son ancienne colonie. Ce n’est pas tant pour les diamants et l’uranium de son sous-sol que pour sa position de pivot de l’Afrique centrale, là, entre le Tchad, le Soudan et le Zaïre. Alors, quand le fantasque colonel Bokassa prend le pouvoir, la France s'accommode de cet allié africain, qui a le malheur d’être imprévisible, mais l’intérêt d’assurer la stabilité de son pouvoir en éliminant tous ses opposants.

Jean-Bedel Bokassa le jour du couronnement, le 21 décembre 1976 à Bangui.
Jean-Bedel Bokassa le jour du couronnement, le 21 décembre 1976 à Bangui.
© AFP - AFP

Depuis bientôt douze ans, Bangui est le théâtre d’un spectacle tragi-comique dont, parfois amusés mais le plus souvent inquiets, nous suivons avec attention les péripéties. Le 4 décembre prochain, un nouvel épisode trouvera son dénouement. Rien ne permet d’affirmer que ce sera le dernier. On peut cependant se demander si, déjà, le héros n’a pas poussé trop loin son avantage car le public est las, pour ne pas dire plus, d’un spectacle qui, depuis le Jour de l’An de 1966, est représenté au seul bénéfice - ou presque - du premier rôle. Note de l’Ambassadeur Robert Picquet à Guy de Guiringaud, Ministre des Affaires Étrangères, 28 octobre 1977.

Archives diplomatiques du Quai d'Orsay: Demandes de Bangui, note de l'Ambassade de France en République Centrafricaine, 1977.
Archives diplomatiques du Quai d'Orsay: Demandes de Bangui, note de l'Ambassade de France en République Centrafricaine, 1977.
© Radio France - Archives diplomatiques du Quai d'Orsay

Le personnage lui-même (Jean-Bedel Bokassa) c’est un personnage de roman en quelque sorte. Quelqu’un qui a cru à l’axiome que tout soldat avait dans sa giberne un bâton de maréchal et il a fait même plus puisqu’il est devenu empereur par sa simple volonté. Alors évidemment la presse et les circonstances de l’époque en ont fait un clown, ce qu’il n’était pas. C’était un homme intelligent mais enfin typique de cette époque si vous voulez, c’est-à-dire c’était la fin de l’époque coloniale. Patrick Rougelet

Mais c’est étrange, Jean-Bedel Bokassa se conçoit plus comme le meilleur représentant de la France en Centrafrique que comme le chef d’un Etat indépendant. Il appelle Charles de Gaulle “Papa” - qui lui rend mal en l’appelant le “soudard” - puis Valéry Giscard d’Estaing “mon cher parent” ou “mon cousin”. Il admire, il adore la France. Il la fantasme, au point de se couronner lui-même, le 4 décembre 1977, Empereur de Centrafrique, en reproduisant une pâle et ubuesque copie du sacre de Napoléon, une farce financée par la France. Jean-Bedel Bokassa, l’ancien engagé de la Coloniale, est maintenant l’un des trois derniers Empereurs au monde, avec l’Empereur du Japon et le Shah d’Iran. Et d’une certaine manière, c’est un Empereur français.

Jean-Bedel Bokassa ça a été l’un des pires dirigeants centrafricains pour moi. Donc Jean-Bedel Bokassa… Je sais pas, ça ne me donne pas de bon souvenir…  J’ai jamais aimé prononcer ce nom. Yvonne Mété-Nguemeu

Intervenants

  • Marie-France Bokassa, fille de Jean-Bedel Bokassa, auteur de Au château de l’Ogre, Flammarion, 2019
  • Yvonne Mété-Nguemeu, franco-centrafricaine et ancienne leader des manifestations étudiantes contre le régime de Jean-Bedel Bokassa en 1979
  • Jean-Pierre Bat, archiviste-paléographe, chercheur affilié au CNRS, anciennement chargé d’études et responsables du fonds Foccart aux Archives Nationales et auteur de Le syndrome Foccart : la politique française en Afrique de 1959 à nos jours (2012, Gallimard). 
  • Patrick Rougelet, ancien commissaire principal des renseignements généraux et chargé de la surveillance de Jean-Bedel Bokassa à Hardricourt de 1983 à 1985 et auteur de RG, la machine à scandale (1997, Albin Michel). 

Remerciements à

Anne Cros, à Saber Jendoubi, à Colette Guyomard et à Guy Mongo.

Un documentaire de Romain Weber réalisé par Yvon Croizier. Archives INA, Anne Delaveau. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France et Quentin Vaganay.

Le 04 janvier 1977 : Journal d'information de France Inter sur la cérémonie du couronnement de Bokassa 1er.

1 min

Bibliographie 

La revue des troupes par le couple impérial Jean-Bedel et Catherine Bokassa après le couronnement du 04 décembre 1977 à Bangui.
La revue des troupes par le couple impérial Jean-Bedel et Catherine Bokassa après le couronnement du 04 décembre 1977 à Bangui.
© AFP - Pierre Guillaud - AFP

Pour aller plus loin 

Demain, dimanche 18 octobre, second épisode : La vie de château