Le choc des titans : épisode 2/2 du podcast Le procès du singe

Le procureur antiévolutionniste William Jennings Bryan (1860-1925) dans une église méthodiste pendant le procès de Scopes. Il décède d'une hémorragie cérébrale peu après le procès (juillet 1925)
Le procureur antiévolutionniste William Jennings Bryan (1860-1925) dans une église méthodiste pendant le procès de Scopes. Il décède d'une hémorragie cérébrale peu après le procès (juillet 1925) ©Getty - Photo Hulton Archive/Getty Images
Le procureur antiévolutionniste William Jennings Bryan (1860-1925) dans une église méthodiste pendant le procès de Scopes. Il décède d'une hémorragie cérébrale peu après le procès (juillet 1925) ©Getty - Photo Hulton Archive/Getty Images
Le procureur antiévolutionniste William Jennings Bryan (1860-1925) dans une église méthodiste pendant le procès de Scopes. Il décède d'une hémorragie cérébrale peu après le procès (juillet 1925) ©Getty - Photo Hulton Archive/Getty Images
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On apprendra que cette affaire fut montée de toute pièce par les modernistes eux-mêmes. En effet, un homme d’affaire de Dayton, George W. Rappleyea, appuyé par le pharmacien de la ville et quelques notables, ont convaincu Scopes de faire ce cours en sachant très bien ce que cela déclencherait.

Ils savaient que l'enseignement de "ces diableries darwiniennes", malgré la loi de l’État du Tennessee qui l’interdisait (The Butler Act), orienterait les regards sur leur petite ville de Dayton, en plein développement et en manque de notoriété.

Épisode 2 : Le choc des Titans

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1925, c’est l’âge d’or qui commence pour la presse régionale et nationale ; c’est le début de la généralisation du télégraphe, du téléphone et c’est surtout le déploiement d’un nouveau medium : La radio.

George Washington Rappleyea, un mois avant le procès État du Tennessee contre John T. Scopes.
George Washington Rappleyea, un mois avant le procès État du Tennessee contre John T. Scopes.
- Domaine public - Wikimedia Commons - Smithsonian Institute - Photo Watson Davis

La ville (Dayton dans le Tennessee) n’était pas équipée en technologie. C’est des gens de New-York, de Chicago qui sont arrivés avec leurs matériels. Par exemple, la radio WGN qui était une énorme station de Chicago, à l’époque, louait des câbles téléphoniques. Elle a installé un duplex au tribunal et la transmission a eu lieu donc en direct pendant le procès et ça voulait dire que les avocats recevaient des télégrammes de soutien ou d’hostilité, quelques minutes, seulement, après la fin de leurs plaidoiries. C’était le "Tweeter" de l’époque, quoi ! Gordon Golding, historien

Henry Louis Mencken (1880-1956) journaliste, éditeur et satiriste dans son bureau de Baltimore, (autour de 1920)
Henry Louis Mencken (1880-1956) journaliste, éditeur et satiriste dans son bureau de Baltimore, (autour de 1920)
© Getty - Bettmann

La nature du procès prévu et le nom des participants fait espérer à Rappleyea l’arrivée d’au moins 30.000 visiteurs. Son "Club du Progrès" s’attaque à la logistique : On fait venir des tentes de l’armée, des wagons-lits de la compagnie ferroviaire, on repeint les chambres du Grand Hôtel, du tribunal. Sur le parvis qui lui fait face, la ville loue plus de quarante espaces de ventes de hot-dog et d’une boisson qui fait fureur, le Coca-Cola. Attenants à la salle principale, des haut-parleurs sont installés afin de permettre au public d’entendre les débats, dehors sur les pelouses aménagées.

Le juge John Raulston, qui préside le procès de l'État du Tennessee contre John Scopes ("le procès du singe"). C'était le premier procès à être diffusé à la radio aux États-Unis (Dayton, Tennessee, juillet 1925).
Le juge John Raulston, qui préside le procès de l'État du Tennessee contre John Scopes ("le procès du singe"). C'était le premier procès à être diffusé à la radio aux États-Unis (Dayton, Tennessee, juillet 1925).
© Getty - Photo Underwood Archives/Getty Images

Mais le coup de maître de Rappleyea et de faire, avant l’heure, de Dayton une ville "connectée" : la Western Union installe dix lignes télégraphiques, l’Associated Press annonce qu’elle couvrira le procès 24/24h sur deux lignes avec New-York. À l’entrée du tribunal, on crée une "salle de presse", avec une vingtaine de nouveaux téléphones nécessitant le déploiement de 17km de fil. Le stade de Dayton est transformé en parking pour automobiles et reçoit un éclairage électrique. Pour permettre aux actualités filmées d’arriver à temps dans les cinémas, une piste de décollage pour les avions est aménagée. L’ouverture du procès est diffusée sur les cinémas de Broadway le lendemain même. La T.S.F. retransmet le procès sur une station de Chicago. Les photographes pullulent en ville avec plus de 200 journalistes installés chez l’habitant grâce à l’efficacité de Rappleyea. Dayton s’équipe d’un laboratoire photo dernier cri.

Archive INA : Dans "Le bon plaisir" de Marie-Paule Vettes (France Culture, 18.01.1986), extrait du cours inaugural d’Yves Coppens au Collège de France où il explique comment il envisage son professorat et la définition de la notion d'homme.

4 min

Mais, plus sournois encore, Rappleyea, qui est un moderniste, connait bien les arcanes des juridictions des États, souvent en conflit avec celles de l’État fédéral américain. Et notamment, il sait que si le procès est perdu dans l’État du Tennessee, et que si et seulement si le jury condamne Scopes à l’unanimité, les défenseurs du jeune professeur ont accès à la cour suprême fédérale qui non seulement casserait le jugement de Dayton mais aussi la loi d’État du Tennessee proscrivant l’enseignement de la théorie de l’évolution. Coup double !

Parmi les hommes regroupés au Robinson's Drug Store, John Scopes (assis devant la table, au centre) et le Dr George W. Rappleyea, l'ingénieur chimiste qui a lancé l’affaire (quatrième à gauche).
Parmi les hommes regroupés au Robinson's Drug Store, John Scopes (assis devant la table, au centre) et le Dr George W. Rappleyea, l'ingénieur chimiste qui a lancé l’affaire (quatrième à gauche).
© Getty - Photo George Rinhart/Corbis via Getty Images

Rappleyea fera donc tout pour perdre ce procès, seul espoir de vraiment le gagner et faire triompher l’enseignement de l’évolution selon Darwin.

Intervenants

Textes lus par Nathalie Kanoui. Extraits de Scopes monkey trial, Henry Louis Mencken - Minutes du procès de John Scopes - Procès du singe (Inherit the Wind,1961), long métrage de fiction de Stanley Kramer avec Spencer Tracy, Fredric March, Dick York.

Les scientifiques qui se sont réunis à Dayton pour témoigner en faveur de John Scopes dans son procès l’opposant au Tennessee, appelé "Scopes Monkey Trial" (Dayton, Tennessee, 16 juillet 1925).
Les scientifiques qui se sont réunis à Dayton pour témoigner en faveur de John Scopes dans son procès l’opposant au Tennessee, appelé "Scopes Monkey Trial" (Dayton, Tennessee, 16 juillet 1925).
© Getty - Photo Underwood & Underwood / Archives Underwood / Getty Images

Légende : William Goldsmith, professeur de biologie, Southwestern College - Wilbur Nelson, géologue de l'État du Tennessee - Winterton Curtis, professeur de zoologie, Université du Missouri (première rangée de gauche à droite). Fay Cooper Colo, anthropologue, Université de Chicago - Maynard Metcalf, Université John Hopkins - Horatio Newman, professeur de zoologie, Univ. de Chicago (second plan, de gauche à droite)

Dans ce tribunal, on trouve tous ses ennemis : le fondamentalisme religieux antimoderne, le rural contre la ville, toutes les forces antimodernes se regroupent et donc Mencken (journaliste libre penseur) concentre tous ses pouvoirs là-dessus… Mark Meigs, historien

Stand vendant des livres anti-évolution pendant le procès de John Scotes à Dayton, Tennessee.
Stand vendant des livres anti-évolution pendant le procès de John Scotes à Dayton, Tennessee.
© Getty - Photo par Agence de presse topique / Getty Images

Un documentaire de Franck Cuveillier, réalisé par Véronique Samouiloff. Prise de son, Benjamin Perru. Archives INA, Sandra Escamez. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France.

Archive INA : Dans "Eclectik" de Rebecca Manzoni (France Inter, 02.11.2005), "L'intelligent design", aux États-Unis et les positions anti-darwiniennes.

3 min

Bibliographie 

Pas de musiques commercialisées.

Pour aller plus loin

  • John Thomas Scopes et le procès du singe, sujets de l’émission To Tell the Truth diffusée sur CBS le 10 octobre 1960 :

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