Khalil Bey achetait des tableaux qui n'étaient pas tous de ceux qu'un mari laisse voir à sa femme.
Les Parisiens ne se sont pas attristé du sort de Khalil Bey, le dandy ottoman qui avait tout perdu au jeu et qui en quittant Paris, avait du vendre toute sa collection, y compris l’Origine du Monde de Gustave Courbet. *
En fin de compte, même si sa maîtresse Constance Quéniaux n’était plus là pour lui porter chance, le Turc des Grands boulevards pourrait se consoler dans les bras de la multitude de femmes qui à n’en pas douter, l’attendaient chez lui à Istanbul. Pour les français, c’était un peu comme si Khalil Bey s’était évaporé dans le Bain Turc d’Ingres, qui fut – dans la vraie vie - un des chefs d’oeuvre de sa magnifique collection.
Mais non ! La princesse Nazli que Khalil Bey épousa n’était pas une odalisque et ne sortait pas d’un tableau orientaliste. Elle n’avait rien à voir avec cet imaginaire occidental.
Mais dans cette époque où l’idéologie orientaliste bat son plein, même une princesse qui se considérait « moderne » pouvait être réduite à une simple odalisque dans le marché de l’art en Europe.
Mais la princesse Nazli suivit son chemin. Arrière-petite-fille de Mehmet Ali pacha, le premier khédive, le gouverneur ottoman d’Egypte, elle créa dans les années 1880 en Egypte, puis au début des années 1900 en Tunisie, des salons littéraires. Elle était loin de s’imaginer qu’un jour elle serait considérée comme une des inspiratrices du féminisme dans le monde arabe.
Avec : Edhem Eldem, historien, Collège de France et l’université de Bogazici ; Mary Roberts, historienne de l’art, université de Sydney ; Zeynep Inankur, historienne de l’art, université Mimar Sinan à Istanbul ; Sinan Kuneralp, historien et éditeur (ISIS) ; Lilia Labidi, anthropologue, ex-ministre des femmes en Tunisie
Un documentaire d'Ilana Navaro. Réalisation : Annabelle Brouard. Prises de son : Benjamin Vignal, Déborah Dagobert. Mixage : Guillaume Ledu. Documentation : Antoine Vuilloz. Archives INA : Hervé Evanno. Recherche et documentation internet : Annelise Signoret. Collaboration : Suzanne Saint-Cast
Avec les voix de : Lara Bruhl, Cécile Laffon et Annelise Signoret
Bibliographie
Mary Roberts, Intimate Outsiders, Duke University Press, 2007.
Bertrand Tillier, Khalil Bey. Parisien de Stamboul, Du Lérot, 2016.
Nazli Hafsia, La princesse Nazli Fadhel en Tunisie. 1896-1913. Une figure moderniste, Sagittaire Editions, 2010.
Pour aller plus loin...
Edward Saïd, L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident, Seuil, 2005.
Edhem Eldem, Un Orient de consommation, Musée de la banque ottomane, 2010.
Margot Badran and Miriam Cooke, Opening the Gates, Second Edition. An Anthology of Arab Feminist Writing, Indiana University Press, 2004.
Zeynep Inankur, Reina Lewis et Mary Roberts, The Poetics and Politics of Place: Ottoman Istanbul and British Orientalism, University of Washington Press, 2010.
Reina Lewis, Rethinking Orientalism. Women, Travel, and the Ottoman Harem, Rutgers University Press, 2004.
Christine Peltre, Les Orientalistes, Hazan, 2018.
The Oriental Flaneur: Khalil Bey and the Cosmopolitan Experience. Thèse de Deniz Türker, département d’architecture du Massachussetts Institute of Technology, 2007.
La nouvelle Égypte, ce qu'on dit, ce qu'on voit du Caire à Fashoda. Dans ces souvenirs de voyage en Egypte publiés en 1905, Amédée Baillot de Guerville évoque sa rencontre avec la princesse Nazli : page 174 et alii. En ligne sur Gallica.
L’évolution du féminisme en Egypte. Cet article de La Petite Tunisie du février 1935, évoque la princesse Nazli et son salon littéraire.
La lutte de la Princesse Nazli pour le respect des libertés publiques en Turquie. Article de Hatem Karoui, auteur d’une biographie romancée de la princesse Nazli.
Sur ce même site, Hatem Karoui propose la traduction d’un article du journal Al Hadhira datant du 30 mai 1899 sur l’action de la princesse Nazli dans la Nahdha (renaissance) arabe.
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