

À Neauphle, il n’y a pas de château. Mais il y a des présences... qui brillent par leur absence. Un village des Yvelines, bourgeois, comme perché sur un promontoire, sur lequel planent deux spectres que rien ne réunit à priori : Marguerite Duras et l’ayatollah Khomeiny.
À Neauphle, souvent, je faisais de la cuisine au début de l’après-midi. Ça se produisait quand les gens n’étaient pas là, qu’ils étaient au travail, ou en promenade dans les Étangs de Hollande, ou qu’ils dormaient dans les chambres. Alors j’avais à moi tout le rez-de-chaussée de la maison et le parc. C’était à ces moments-là de ma vie que je voyais que je les aimais et que je voulais leur bien. Le sorte de silence qui suivait leur départ je l’ai en mémoire. Rentrer dans ce silence c’était comme entrer dans la mer. C’était à la fois un bonheur et un état très précis d’abandon à une pensée en devenir, c’était une façon de penser ou de non-penser peut-être, – ce n’est pas loin – et déjà, d’écrire. Marguerite Duras, extrait de La vie matérielle (Gallimard, 1987).
Épisode 1 : "Marguerite de Neauphle"
En 1958, Neauphle-le-Château devient le lieu de vie privilégié de Marguerite Duras. Elle acquiert une grande maison à l’entrée du village avec les droits vendus au cinéma d‘Un barrage contre le pacifique. Enfin une maison à elle, infiniment la sienne. Elle y tourne Nathalie Granger avec Jeanne Moreau et Gérard Depardieu dont c’est la première apparition cinématographique, y achève L’Amant, y fait de grandes fêtes, y cuisine.
On croit toujours qu'il faut partir d'une histoire pour faire du cinéma. Ce n'est pas vrai. Marguerite Duras
Elle en connaît tous les recoins, dit aussi que "toutes les femmes de ses livres ont habité cette maison". Au Café des Sports, sur la place, il y a son portrait. On se souvient d’une petite dame qui faisait son marché, buvait du rosé… trop, parfois. On apprend aussi qu’en 1977, Marguerite Duras écrivait une ode aux arbres… en guise de programme électoral.
Je pourrais parler des heures de cette maison, du jardin. je connais tout. Je connais la place des anciennes portes. Tout. La place de toutes les plantes, même les plantes sauvages. Je connais la place, de tout. Marguerite Duras

Intervenants
- Jean-Marc Turine, documentariste, proche de Marguerite Duras et de Jean-Mascolo
- Michelle Porte, proche de Marguerite Duras, auteure du documentaire Les lieux de Marguerite Duras (1976)
- Ingrid Therme, ancienne voisine et amie de Marguerite Duras
- Rufus, comédien et mime, Neauphléen
- Françoise Cargemel, ancienne bénévole du syndicat d’initiative de Neauphle-le-Château
Archive INA : Jeanne Moreau parle du tournage de "Nathalie Granger" dans la maison de Neauphle-le-Château (Inter actualités de 13H00, France Inter, 26.09.1973)
4 min
Bibliographie et filmographie de Marguerite Duras
Livres :
- La Vie matérielle (Gallimard : Œuvres complètes, tome IV, collection La Pléiade (n° 597, 2014) - Collection Folio (n° 2623, 1994) - Collection Fiction, P.O.L. (1987).
- Écrire (Gallimard, collection Folio (n° 2754, 1995) - Collection Blanche,1993).
- La cuisine de Marguerite, textes et entretiens rassemblés par Jean Mascolo et Michèle Kastner (B. Jacob, 2014. Première édition en 1999).
Films :
- Nathalie Granger (1973).
- India song (1975).
- Le camion (1977).
Autres auteurs et réalisateurs :
- Les Lieux de Marguerite Duras (INA, 1976, 102 mn), un film de Michelle Porte.
- MARGUERITE DURAS (1914-1996) Le ravissement de la parole réalisé par Jean Marc Turine (Radio France / Ina, 03.03.2016).

- Michèle Manceaux, L’amie (Albin Michel, 27.02.1997) et La dernière à gauche en montant (Nil, 07.01.2010).
- Marguerite de Neauphle, festival organisé les 16 et 17 septembre 2016 par Françoise Cargemel à lire sur la Gazette du Pays Montfortois.
- Marguerite Duras.org, site qui réunit bibliographie, films, articles sur et événements autour de l’œuvre de Duras.

Épisode 2 : "L’ayatollah sous le pommier"
Une drôle d’aura règne dans ce qui est désormais un verger en friche, à la sortie du village. En octobre 1978, à plus de cinq mille kilomètres de Téhéran, c’est ici qu’est fomentée la révolution islamique d’Iran. Pendant 112 jours, Neauphle-le-château devient la terre d’accueil de l’ayatollah Khomeiny. Au 23, route de Chevreuse, il y avait une tente et une maison où il priait, elle n’est plus. "Plastiquée", disparue.
Reste une plaque commémorative.
Le nom de Neauphle-le-Château est enregistré à jamais dans l'histoire des relations franco-iraniennes. Le peuple iranien se rappellera toujours de l'hospitalité du peuple français et de l'accueil qui a été réservé à l'imam Khomeiny, guide suprême de la Révolution islamique et fondateur de la République islamique d'Iran. Au cours de son séjour de 4 mois, l'imam Khomeiny, en poursuivant sa lutte par le biais de discours, d'interviews et d'enregistrements sonores, a guidé la Révolution islamique en Iran et le 11 février 1979, dix jours après son retour triomphal à Téhéran, le monde entier fut témoin de la victoire de la Révolution islamique en Iran. Texte inscrit sur le panneau actuel à l'entrée du parc de Neauphle-le-Château
De l’autre côté, une maison louée, dans le village mitoyen, Jouars-Pontchartrain, qu’il occupait avec les siens. Chaque jour, il traverse la rue, lentement. Aujourd’hui, des souvenirs parfois amusés, des on-dits un peu gênés, et quelques mystères… Mystère entourant une certaine "Colette", par exemple, habitante de Neauphle, qui a permis à Khomeiny de s’installer ici. On ne connaît pas son patronyme, simplement que c’est "une Française convertie à l’islam chiite", "prof" peut-être, et surtout, comme disparue, elle aussi…

Intervenants
- Abolhassan Bani Sadr, premier président de la République islamique d’Iran, très proche de Khomeiny à l’époque
- Corinne Brillié, née chez elle à Neauphle-le-Château, habitante de Jouars-Pontchartrain, et Serge Brillié, son mari
- Michel Nawfel, grand reporter libanais
- Jean Golvan, ancien maire adjoint de Neauphle-le-Château
- Rufus, comédien et mime, ancien voisin de Khomeiny
- Ingrid Therme, ancienne voisine de Khomeiny et Duras
- Françoise Cargemel, ancienne bénévole du syndicat d’initiative de Neauphle-le-Château
Archive INA : Couronnement du Chah d'Iran à Téhéran (France Inter, 26.10.1967)
11 min
Un documentaire de Clémence Allezard, réalisé par François Teste (rediffusion des samedi 24 et dimanche 25 mars 2018). Archives INA, Sandra Escamez. Nouvelle page web, Sylvia Favre.
Bibliographie et Filmographie
- La révolution iranienne de 1979, article d’Azadeh Kian, extrait de 1968, une histoire collective sous la direction de Michelle Zancarini-Fournel et Philippe Artières (La Découverte, collection Cahiers libres, 2018, pp 692-696).
- Le documentaire de Gérard Puechmorel, Les 112 jours de Khomeiny en France (Et La Suite… ! Productions, 2012, 56 mn).
- Yann Richard, L’Iran. De 1800 à nos jours (Flammarion, Champs histoire, nouvelle édition, 12.10.2016).
- Valéry Giscard d’Estaing, Le pouvoir et la vie. Tome 3 : Choisir (Le Livre de poche, 21.02.2007)
- Avec Khomeiny, un avocat français dans les coulisses de la révolution , interview de l'avocat Christian Bourguet au journal Libération (février 2017).

Pour aller plus loin
- La force mobilisatrice d’une spiritualité , article de Jean-Loup Herbert dans Le Monde Diplomatique (1984)
- La spiritualité politique, Michel Foucault et l’Iran, article de Philippe Chevalier sur le site de la Revue Projet (01.04.2004)
- Interview d’Abol Hassan Bani Sadr par Yasmine Chouaki (RFI, juin 2017)
Le week-end prochain, retrouvez les documentaires :
- L'affaire des carnets d'Hitler de Philippe Roizès, réalisé par Delphine Lemer (première diffusion le 17.11.2018), samedi 28 août.
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- Philippe Jaenada, pièces à conviction de Michel Pomarède, réalisé par François Teste (première diffusion le 05.03.2017), dimanche 29 août.

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