

Une histoire de famille où la filiation ne rime pas forcément avec liens du sang.
Un documentaire de France Jolly. Réalisé par Christine Robert. Prises de son Fabien Gosset. Mixage Pierre Minne.
« Bonjour grand père ». C’est en ces termes que deux enfants, Mohammed et Bakhta, se sont adressés à mon père, un dimanche lors d’une de mes visites à Amiens. Ce petit mot prononcé avec tant de naturel, tant d’affection, « grand père », ce mot qui s’adressait bien à lui, mon père, m’a paru, dans la bouche de ces deux enfants, incongru, presque étrange, étonnant. Moi, qui n’ai pas eu d’enfant.
1er épisode : Mohammed et Bakhta

Mon père est décédé en juin 2015. En ouvrant les albums de famille, Mohammed et Bakhta, le frère et la sœur, encore petits, sont déjà présents. A travers les pages remplies de photos, je les vois grandir au milieu de ma famille, une famille française blanche, bourgeoise et catholique. Mon père, abonné à Valeurs actuelles et au Point, ancien dirigeant d’une société Amiénoise, était donc devenu, à la retraite, le grand-père de Bakhta et Mohammed. Même si je connaissais leur existence à cette époque, ces photos aujourd’hui me font prendre conscience de cette réalité : mon père a été leur grand-père. Pourtant, quelque chose m’intrigue. Comment ces deux petits là se sentaient-ils lors de nos repas de famille ? Petit-fils et petite-fille de mon père ? Mon père était cet homme plutôt de droite, de culture catholique, avec un œil réservé sur l’immigration. Un regard de colon ? Désireux d’assimiler ces enfants venus d’ailleurs ? Tout cela me trouble et je décide d’en savoir davantage. Au début de cette histoire, il y a plus de 20 ans, mon père, qui habitait la partie Sud, résidentielle, ouatée d’Amiens, venait chez eux, à Etouvie, quartier populaire du Nord de la ville, pour faire du soutien scolaire. Je décide donc de repartir là-bas et de revenir vers eux, là où tout a commencé, à Amiens. Refaire le chemin en compagnie de Mohammed et Bakhta, revenir sur les traces de leur enfance, pour entendre leur histoire, désormais mienne.


2nd épisode : Khadra, leur mère

Lors de ma visite à Amiens, la mère de Mohammed et Bakhta m’a dit avec un grand sourire : « quand « grand-père » venait à la maison, je le considérais comme mon père ». J’en suis restée, sidérée. Cette femme, d’origine Algérienne, avec son voile, qui n’a pas eu la possibilité d’apprendre le français, préoccupée par l’avenir de ses enfants, cette femme, si loin de l’idée que je me fais de mon père, si loin de sa culture, de ses principes, considère mon père, comme le sien ! Un vertige. L’histoire de leur mère, j’aimerais la connaître. D’où vient-elle ? Pourquoi, après tant d’années en France (depuis 1986) parle-t-elle encore si difficilement le français ? Et pourquoi Mohammed possède-t-il deux dates de naissances ? L’officielle et l’officieuse ? Quelle est son histoire ?
