

Fabienne Kabou est entrée dans l'histoire des grandes affaires criminelles et pour une part, son crime ne lui appartient plus.
- Alice Diop Cinéaste
- Daniel Zagury Psychiatre des hôpitaux français, spécialiste de psychopathologie et de psychiatrie légale, chef de service et expert auprès de la cour d'appel de Paris
Un drame moderne et mélancolique tenant du mythe, presse auteurs et badauds au procès de Fabienne Kabou. A la Cours d’Assises du Pas-de-Calais les jurés sont égarés par les prises de parole de Fabienne Kabou, cette femme noire, cultivée et belle qui emprunte autant à la Médée de Pasolini en prise avec le sacré et la vengeance qu’à une tueuse sans affect. Les jurés ne pardonneront à l’accusée ni son intelligence ni sa folie. En 2016, un verdict d’une sévérité inouïe est prononcé : 20 ans de prison.
Une femme prend le train, elle est noire. Un charmant bébé métis attire les regards. Des mots sont échangés, des gentillesses, quelques bénédictions. Aucun des passagers ne se doute que la mère bientôt laissera son enfant à la marée montante. Un pêcheur de crevette trouvera le petit corps au matin échoué sur la plage.
Archive INA : Rappel des faits et interview de maître Fabienne Roy Nansion, avocate de Fabienne Kabou. France Inter 20/06/2016
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Fabienne Abou est en fuite quelques jours puis se claquemure chez elle. Des cameras sur les quais de la gare et dans la ville permettront de la retrouver.
L’hôtelier a tout de suite compris que c’était elle, il se souvient-il à la barre. :
Elle m’avait dit qu’elle avait passé une excellente nuit.
En chemin, elle a parlé à tout le monde. Elle a donné son véritable nom de famille : "Kabou comme cela se prononce" à l’hôtel, demandé à Barbara se promenant sur la plage l’horaire des marées. Rien qui puisse faire penser à un acte prémédité. Pourtant, son enfant n’a pas été déclaré, Adelaïde n’a pas d’existence officielle. Un premier mensonge puisque le père de l’enfant dit ne pas le savoir. Comme il assure ignorer le crime de sa compagne. Elle lui aurait assuré avoir confié son enfant à sa mère au Sénégal pour une année. Lui, se dont il se souvient ce sont des "instants de paradis" avec Fabienne et Adelaïde.
Fabienne Kabou passe aux aveux très vite et d’une traite au tribunal, elle revient précisément sur son acte.
Je cours droit devant et quand je sens mes bottes alourdies par le sable mouillé, je m’arrête et je sers ma fille contre moi, elle est détendue, je lui donne le sein, je lui demande pardon et je la dépose, puis, je reviens à l’hôtel en courant, je reprends une douche, je me couche, je dors, je me lève, je dis merci à Monsieur l’hôtelier et je m’en vais.
Si l’accusée à la barre ne nie pas la mise à mort de son enfant, elle s’interroge à haute voix :
J’ai vraiment le sentiment d’avoir été fauchée par l’assassin qui a tué ma fille par mes mains. Je veux savoir qui il est.
Avec : les auteures contemporaines Alice Diop, réalisatrice et scénariste présente aux assises et Mélanie Martinez Llense, performeuse ; Fabienne Roy-Nansion, avocate à Boulogne sur mer ; et Daniel Zagury, expert-psychiatre auprès des tribunaux.
Un documentaire de Nedjma Bouakra, réalisé par Marie-Laure Ciboulet. Prises de son : Claude Niort et Christophe Papon. Mixage : Valérie Lavallé. Archives INA : Amélie Briand-Le Jeune. Recherche et Documentation internet : Annelise Signoret. Collaboration : Julia Martin.
Alice Diop prépare une fiction pour le cinéma sur l’affaire Fabienne Kabou : Saint Omer
Mélanie Martinez LLense actrice, performeuse, metteuse en scène présentera prochainement une pièce-intervention : Berck Plage.
Bibliographie
- Fabienne Roy-Nansion et Anne-Lise Carlo, Droit au coeur, Michel Lafont, 2019.
Pour aller plus loin ...
- Infanticides : dans le huis clos des familles, par Anne Tursz, 01.11.2007, Le Monde.
- Les mères infanticides : amours, passions et sacrifices : une conférence de l’Université de Rouen (2015) en ligne sur Canal-U.
- Penser l’infanticide aujourd’hui : un dossier de la revue Enfances & Psy, n°44, 2009.
- Nadia Taïbi : Ne plus être né. L’effacement des êtres et la mort civile. Article paru dans la revue Sens-Dessous, 2018/2 (N° 22).
- Le filicide : un crime pour la vie : article d’Odile Verschoot, psychologue clinicienne, publié dans la revue Cliniques méditerranéennes, n°87, 2013.
- Approche psychodynamique qualitative et comparative des filicides : vers un modèle de causalité pluridimensionnel. Thèse de psychologie soutenue par Céline Souillot en 2011.
- Regards sur l’infanticide : du néonaticide au filicide. Un dossier de la revue Perspectives Psy, (vol.50, 2011).
- Henri Sztulman : Le mythique, le tragique, le psychique : Médée. De la déception à la dépression et au passage à l'acte. Infanticide chez un sujet état-limite. In : Pallas, n°45/1996.
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